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CHAPITRE XI.

Quelques réflexions générales sur les Indiens sauvages.

QUELQUES savans ont imaginé que les pre

mières sociétés d'hommes sauvages ne mangeaient que des fruits spontanées de la terre, et qu'il s'écoula un très-long tems avant que les hommes sauvages s'accoutumassent à vivre de la chasse, de la pêche et de l'agriculture. Mais où est le pays qui produit des fruits spontanées dans toutes les saisons de l'année, et aussi abondamment, pour qu'ils aient pu suffire à nourrir plusieurs sociétés d'hommes sauvages? Je puis assurer du moins que les pays que je décris ne sont pas de cette qualité. Il parait de plus qu'il aura été aussi nouveau et aussi difficile aux premiers sauvages de manger un fruit ou une racine spontanée, que la chair d'un quadrupède 1. Quoi '.

1 Comme ce paragraphe est un ceux qui a été ajouté et m'a été envoyé d'Espagne par l'auteur, il est probable qu'il lui a été suggéré par la lecture de mon Essai sur l'histoire de l'espèce humaine, que je lui ai remis depuis la rédaction de son ouvrage. A la page 25 de

qu'il en soit, toutes les nations d'indiens sauvages que j'ai décrites dans le chapitre précédent, étaient, à l'arrivée des espagnols comme aujourd'hui, composées d'individus vivant de chasse, de pêche ou d'agriculture; et aucune ne menait la vie pastorale, parce que les quadrupèdes et les oiseaux domestiques leur étaient inconnus. Il est vrai que la vie pastorale et les soins qu'elle exige ne paraissent pas plaire à l'homme autant que l'exercice de la chasse; peut-être parce que

cet Essai, on verra que je distingue une première période des sociétés humaines, comprenant les peuples qui se nourrissent principalement des productions spontanées de la terre. Qu'il a existé et qu'il existe encore de tels peuples, c'est ce dont sera convaincu, je l'espère, tout lecteur impartial qui voudra se donner la peine de consulter les descriptions données par les nombreux auteurs que j'ai cités dans l'ouvrage qui est l'objet de la critique de notre auteur. Je conviens avec lui qu'il est aussi facile à l'homme de manger un animal qu'un fruit, quoique cela même puisse donner lieu à des observations que le lecteur saura bien faire, sans que je les expose. Mais ce qui n'est pas moins évident, c'est qu'il est toujours plus facile et moins dangereux de se procurer un fruit ou une racine, qu'un animal qui a vie et mouvement, qui sait fuir ou combattre. (C. A. W.)

les surprises qu'on y éprouve et les victoires qu'on y remporte rendent le plaisir plus vif et flattent leur vanité. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'ils préfèrent aujourd'hui la chasse à la vie pastorale et à l'agriculture, quoiqu'il leur fût facile à tous de se procurer nos animaux domestiques; ceux qui en ont acquis n'en ont que peu ou point de soin, a l'exception du cheval, qui leur est nécessaire. Il parait donc que la première occupation de l'homme libre fut la chasse ; celle de la pêche dépend moins du choix que du hasard, qui fait qu'on est à portée de l'eau.

1

« Quelque pénible et douloureuse que paraisse dans « la deuxième période, l'existence d'un peuple qui « n'est point situé sur un sol fertile, il ne faut pas ce• pendant s'imaginer qu'il sera tenté d'en changer, «lors même qu'il aura sous les yeux l'exemple d'un « peuple pasteur, ou d'une nation cultivatrice et civilisée. Ceux d'entre ces peuples qui savent déjà suppléer aux ressources incertaines de la chasse et de a la pêche par une culture grossière, chargent (ainsi « que nous l'avons observé ) les femmes de ce travail, « et le regardent comme indigne d'eux; tant sont puissans l'empire d'une longue habitude et les impressions de la première enfance! Accoutumés à se « conduire par leur seule volonté, à n'agir que lors« que la nécessité l'exige, la subordination qui main

Ceux qui se trouvent dans ce cas, comme les payaguás et les guatos, préfèrent la pêche à tout, parce qu'elle a aussi ses surprises et ses facilités, qui égalent et surpassent même les victoires du chasseur. L'agriculture et la vie pastorale ne viennent qu'après. Dans le pays il y avait beaucoup de nations agricoles, mais aucune ne menait la vie pastorale; ce qui prouve que cette vie est bien postérieure à l'état d'homme sauvage, et que c'est le dernier des moyens de subsister qu'il adopte.

Si l'on y réfléchit, on verra que toutes les nations qui vivent de chasse, comme les charrúas, les minuanes, les pampas, les tehuelchús ou patagons, les guaicurús, les mbayás, les lenguas, les énimagas, les tobas, les pitilagas, les mocoby's et les abipons, sont les plus errantes, les plus fainéantes, les plus

<< tient l'ordre et assure la tranquillité, serait à leurs << yeux une honteuse servitude; le travail réglé et << presque continuel qui procure la considération et les « richesses, une fatigue monotone et insupportable: à « la sécurité, à l'abondance, aux jouissances et aux « commodités de la vie, qui se trouvent chez les peu« ples familiarisés avec l'agriculture, le commerce et « les arts, ils préféreront leur pauvreté, leurs mâles « exercices et leur fière indépendance.» (Essai sur l'histoire de l'espèce humaine, p. 105.)

guerrières, les plus fortes et les plus féroces; et que celles qui subsistent de la pêche, comme les payaguás, les guasarapos et les guatos sont plus stables et plus actives, mais également fortes, guerrières et féroces; et si la dernière l'est moins, on peut croire que cela vient du petit nombre auquel elle est réduite. Mais pour les nations agricoles, elles sont toutes douces, pacifiques, et ne font tout au plus que se défendre, lors même que leur taille et leurs forces sont très-supérieures à celles des autres, comme cela arrive aux guanás, aux machicuýs, et aux guentusés.

Les nations agricoles semaient du coton; du many ou mandubý (arachide), du maïs, des patates douces, des pimens, des haricots, du manioc et camanioc, des calebasses, et beaucoup d'espèces différentes de chacune de ces plantes. On ne conçoit pas d'où ils les ont tirées, puisqu'aucune de ces plantes ne croit spontanément dans le pays. Nos agriculteurs, à force de méditations d'engrais, de combinaisons et de greffes, viennent à bout de perfectionner les fleurs, les fruits et les graines; mais ils ne possèdent pas encore beaucoup d'espèces de maïs, de patates douces, de haricots et de cale

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