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pas les mêmes proportions, comme nous l'avons dit au chapitre précédent; qu'ils étaient beaucoup plus phlegmatiques, et moins irascibles; que leur voix n'était ni forte ni sonore, et qu'on ne les entendait presque pas ; qu'ils riaient à peine, et que l'on ne pouvait distinguer en eux aucun signe extérieur de passion; qu'ils paraissaient également insensibles dans leurs maladies, dans leurs douleurs, dans leurs deuils et leurs fêtes; que leur vie était plus longue; que la fécondité de leurs femmes était inférieure à celle des européennes établies dans le même pays; que les indiens conservent toutes leurs dents intactes et saines, tandis que les européens les perdent très-aisément; que le mal vénérien parut naître de l'union de ces derniers avec les américains; que ce mal était auparavant aussi inconnu en Europe qu'en Amérique; qu'il n'est dû qu'à un mélange qui n'était pas conforme à la nature, et que quelques nations n'aiment guères leurs enfans, puisqu'elles les tuent ou les chassent de la maison paternelle, aussitôt qu'ils sont sevrés. Peut-être observèrent-ils aussi que la gravité spécifique de leur corps n'était pas aussi considérable, comme cela paraît indiqué par les observations rapportées

au chapitre précédent; enfin peut-être remar quèrent-ils que plusieurs de ces nations nous surpassaient par la grandeur de la taille et par la beauté des proportions, en même-tems que d'autres nous étaient très-inférieures dans ces deux points, et que la différence réciproque était peut-être plus grande que celle qu'on observe entre les nations européennes.

Ceux qui avaient cette idée, étant espagnols, devaient imaginer en outre, que si les indiens descendaient d'Adam, il n'y aurait eu aucune justice à les damner éternellement pour n'avoir pas été baptisés, et pour n'avoir pas fait une chose qui leur était impossible, puisqu'ils l'ignoraient et que personne ne les en avait instruits. Il est vrai que, pour parer à cette difficulté, on a dit que Saint Thomas avait été prêcher en Amérique, et on a même prétendu y avoir rencontré quelques vestiges de sa mission; mais je crois que ces prétendus vestiges sont une pure imagination, et que cette mission n'est pas prouvée authentiquement. Du moins ne trouva-t-on dans ces contrées aucun évêque, ni aucune église, quoiqu'on en eût trouvé dans tous les endroits où les apôtres avaient prêché ; et d'ailleurs, il ne paraît pas possible qu'un seul homme eût pu parcourir et instruire tout le continent de

l'Amérique. D'autres supposent que le Créateur fait connaître par révélation sa volonté aux indiens, et qu'il dépend d'eux de la suivre

ou non.

Voyons à présent sur quoi on s'est fondé pour décider que les américains descendaient d'Adam, et pour croire, en conséquence, qu'ils étaient venus de l'ancien continent, et qu'on devait travailler à leur conversion. On vit que leur corps était presque entièrement semblable au nôtre, et qu'il était composé des mêmes parties; qu'ils apprenaient tous les arts qu'on voulait leur enseigner; qu'ils apprenaient également notre langue, et qu'ils imitaient toutes nos actions; qu'ils discouraient et raisonnaient comme nous et qu'au Mexique et au Pérou ils avaient des idoles et adoraient le soleil. De là on conclut, qu'ayant un corps comme le nôtre, agissant et raisonnant de même, et adorant un être matériel ou non, ils étaient enfans d'Adam, et capables d'adorer un esprit créateur.

On se confirma, sans doute, dans cette idée, en voyant que de l'union des européens avec les américains, il résultait des enfans qui avaient la faculté de se progager, puisque le fameux comte de Buffon et la plupart des naturalistes croyent que, pour prouver

l'identité d'espèce, il suffit que de l'union d'un måle et d'une femelle il résulte des individus féconds. Il est vrai que je n'ai pas adopté cette opinion dans mes notices pour servir à l'histoire naturelle des quadrupèdes du Paraguay'.

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Les naturalistes regardent comme d'une même espèce tous les animaux qui ont une conformation interne et externe entièrement semblable, ou dont les différences ne sont point dues à aucune cause native et procréatrice, mais sont le résultat du climat ou de la manière de vivre. Le mélange ou le croisement des espèces, et la reproduction des espèces métives ou qui sont le produit de deux espèces différentes, est possi ble sans doute, et même prouvé; mais ce mélange est infiniment rare, cette reproduction infiniment difficultueuse. On n'en voit des exemples que dans l'état de domesticité, et seulement entre des espèces peu dissemblables. Si cette reproduction a lieu dans l'état sauvage, ce qui est douteux, elle ne peut avoir de suite, parce que l'espèce métive est promptement détruite. Il en résulte que la facilité de la propagation à l'infini, entre des races qui offrent quelque différence, est toujours une grande preuve en faveur de l'identité d'espèce. D'ailleurs, parmi les caractères tant physiques que moraux, par lesquels on a voulu distinguer les indiens. des européens, il n'en est pas un seul qu'on puisse considérer comme spécifiques, quoique plusieurs soient exagérés et que d'autres soient absolument faux, puisqu'ils sont contraires à ce qui résulte des récits. mêmes de M. d'Azara. (C. A. W.)

CHAPITRE XII.

Des moyens employés par les conquérans de l'Amérique, pour réduire et assujétir les Indiens; et de la manière dont on les a gouvernés.

LES Les espagnols employèrent, à l'égard des indiens que je décris, une conduite différente de celle qu'ils ont tenue dans d'autres parties de l'Amérique; et comme je fais une description particulière, que je ne veux point généraliser, je me bornerai à développer les moyens employés pour réduire les indiens compris dans les limites de la contrée que je décris, parce qu'on ne la connaît peut-être pas. Pour mettre plus de clarté, je parlerai dans ce chapitre de la conduite des conquérans laïques; et dans le suivant, de celle des jésuites dans leurs fameuses peuplades du Paraná et de l'Uruguay.

Les chefs chargés de la conquête du Paraguay et de la rivière de la Plata, établirent une distinction dans la manière de traiter les indiens. S'ils se rendaient coupables d'insultes ou d'injustices envers les espagnols,

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