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qui me les a fait placer dans la table précédente. Il est vrai que les jésuites croient en être les fondateurs, mais ils se trompent; car il est démontré, par des pièces déposées aux archives de l'Assomption, que ces peuplades sont les mêmes que celles qu'on leur remit toutes formées, comme je l'ai dit au Chapitre X. Seulement les jésuites les firent émigrer jusqu'à la rivière du Paraná, les instruisirent et les gouvernèrent comme celles qu'ils formèrent depuis leur entrée dans le Paraguay jusqu'à leur sortie. Ainsi, quoique je ne considère pas ces peuplades comme jésuitiques dans leur origine, je les regarderai comme telles, toutes les fois qu'il s'agira de leur gouvernement et de leur civilisation.

On compte dans cette table vingt-neuf peuplades d'origine jésuitique. Les vingt-six premières forment la fameuse province des missions tápes ou guaranys, et elles sont situées sur les rives des deux grands fleuves du Paraná et de l'Uruguay. Les trois dernières se trouvent vers la partie du nord du Paraguay, à une grande distance des premières. Je n'ai vu aucun manuscrit ancien qui parle de la manière employée par les jésuites pour venir à bout de réduire et d'assujétir les

vingt-six peuplades comprises dans ces missions. Ce qué les jésuites eux-mêmes écrivent dit en substance: Qu'ils commencèrent par former la peuplade de San Ygnacio-Guazú, en 1609, à l'aide d'un grand nombre d'indiens choisis, qu'ils emmenèrent de la peuplade très-ancienne de Yaguaron, et de plusieurs détachemens de troupes espagnoles, qui forcèrent les indiens sauvages à se fixer pour former une peuplade: que, dans les vingt-cinq années suivantes, ils formèrent dix-huit autres peuplades, et qu'il se passa ensuite 51 ans jusqu'à la fondation de celle de Jesus, qu'ils ne formèrent même qu'avec un renfort d'indiens tirés de la peuplade d'Yatapúa, qui avait déjà 71 ans d'ancienneté. Pour ce qui concerne les six autres colonies de la même province, elles ne furent point formées d'indiens sauvages, mais de détachemens de colons pris dans des peuplades déjà réduites ou assujéties.

Les jésuites disent que, pour réduire ces indiens, leur conduite se borna à la persuasion et à la prédication apostolique. Cependant j'observe deux choses; la première, c'est qu'ils formèrent leurs dix-neuf premières peuplades dans le court espace de 25 ans, et que

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le fruit de leur zèle et de leurs prédications cessa tout-à-coup, et qu'ils n'obtinrent aucun succès pendant 112 ans, c'est-à-dire depuis l'année 1634, époque de la fondation de la peuplade de Saint-Côme, jusqu'en 1746, qu'ils soumirent celle de Saint-Joachim; et, dans ce long intervalle de tems, ils ne formèrent d'autre peuplade que celle de Jesus, et moins encore par leurs prédications que par le secours des indiens d'Ytapúa, peuplade qui avait déjà 71 ans d'ancienneté. La seconde observation, c'est que ces vingt-cinq années, si fécondes en fondations de peuplades, tombèrent précisément dans le tems où les portugais persécutaient de tous côtés et avec fureur les indiens pour les vendre comme esclaves, et où les indiens épouvantés coururent se réfugier entre les rivières du Paraná et de l'Uruguay, et dans les bois des environs, où il n'était pas facile à ces corsaires acharnés de pénétrer; et en effet, cela n'eut pas lieu. En combinant à présent ces deux observations, on a quelque raison de croire que ces fameuses peuplades jésuitiques dûrent leur formation plutôt à la crainte que les portugais inspiraient aux indiens, qu'au talent persuasif des jésuites. En effet, il était naturel

que ces religieux dussent assujétir et diriger ces indiens avec la facilité que ne manque jamais d'offrir un peuple expatrié et possédé d'une terreur panique. La rapidité de la fondation des 19 premières colonies, qui ne fut suivie d'aucune autre, quoiqu'on doive supposer que le zèle de ces missionnaires était le même, et qu'ils ne manquaient pas d'indiens sauvages, indique qu'il dût intervenir une autre cause dans la formation des peuplades du Paraná et de l'Uruguay. Celle qui me paraît la plus naturelle, est la terreur qu'avaient inspirée les portugais, puisque ce fut également la crainte des espagnols qui détermina l'établissement de toutes les peuplades dont j'ai parlé dans le Chapitre précédent.

Cette idée est encore confirmée en quelque sorte par la nature des moyens que les jésuites employèrent pour soumettre les trois dernieres peuplades marquées sur la table. Ils regardèrent comme inutiles et méprisèrent entièrement les voies de persuasion, et ils eurent recours aux moyens temporels. Mais ils les manièrent avec tant de modération, de prudence et d'habileté, qu'ils me paraissent dignes des plus grands éloges. Il est vrai qu'ils cachèrent avec beaucoup de soin leur

conduite à cet égard : ce qui était naturel, puisqu'en qualité d'ecclésiastiques, ils voulaient passer pour tels dans toutes leurs actions. Mais j'ai eu occasion d'être instruit de cette conduite, et je vais dire de quelle

manière.

Sachant qu'il y avait dans le Tarumá des guaranýs sauvages, ils leur envoyèrent quelques petits présens, qui leur furent remis par deux indiens parlant le même langage, et qu'ils avaient choisis dans leurs peuplades d'ancienne formation. Ils répétèrent à diverses reprises ces ambassades et ces présens, qu'ils disaient leur être envoyés par un jésuite qui les aimait tendrement, qui désirait aller vivre parmi eux, et leur procurer d'autres objets plus précieux, et entr'autres beaucoup de vaches, afin qu'ils eussent de quoi manger sans se fatiguer. Les indiens acceptèrent ces offres, et le jésuite partit avec ce qu'il avait promis, et accompagné d'un nombre assez considérable d'indiens choisis dans leurs anciennes peuplades. Ces indiens restèrent avec le jésuite, parce qu'on en avait besoin pour bâtir la maison du curé, et pour soigner les vaches, qui furent bientôt détruites, parce que les indiens ne pensaient qu'à manger. Ces

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