Peu de tems après, la veille du dimanche des Rameaux de l'année 1555, le premier évêque de l'Assomption y fit son entrée ; c'était François Pedro de la Torre. Il amenait avec lui son clergé, et il fut reçu avec grande joie. L'évêque apportait à Yrala plusieurs dépêches, où on le nommait gouverneur avec des pouvoirs extraordinaires. En conséquence, Yrala prit possession; il nomma à différens emplois civils; il divisa les indiens en commanderies, régies par des ordonnances dont il était auteur, et que nous avons vues Chapitre XII, et il envoya Nuflo de Chaves avec des troupes au Guayrá, pour voir s'il y aurait moyen d'établir des communications avéc quelque port de la côte du Brésil, et de défendre les indiens contre les portugais. Chaves partit en septembre 1555; il parcourut toute la province du Guayrá; il donna des sauf-conduits à beaucoup de peuplades de guaranys, pour les présenter aux portugais, en cas d'agression. Il fut attaqué souvent, et revint victorieux à l'Assomption. Yrala, sans perdre un instant, envoya Ruidiaz Melgarejo avec cent soldats, du nombre de ceux qui n'avaient pas de commanderies, lesquels devaient se réunir avec les colons d'Ontiveros, pour se partager les indiens que Chaves avait subjugués, après leur avoir fait prêter foi et hommage. Ils devaient aussi choisir, d'après une délibération générale, le meilleur endroit pour fonder une ville. En conséquence, au commencement de 1557, ils en fixèrent l'emplacement au confluent des rivières de Peguirý et du Paraná, à trois lieues au nord à-peu-près de la ville d'Ontiveros, que l'on abandonna pour lors. Pour faciliter le passage au Pérou, Yrala, au mois d'avril de la même année 1557, fit partir Nuflo de Chaves avec 220 soldats, des secours et des bâtimens, en lui ordonnant de fonder une ville sur le territoire des indiens Xarayes. A peine cette expédition fut-elle partie, qu'Yrala se rendit à la peuplade d'Ytá, où il tomba malade: on le ramena à l'Assomption, où il mourut au bout de sept jours, à l'âge de 70 ans, et pleuré de tout le monde. Il était de la ville de Vergara dans le Guipuzcoa. Il nomma, pour lui succéder dans sa place de gouverneur, son gendre Gonzalo de Mendoza, qui fut reconnu aussitôt, et qui donna avis de sa nomination à Melgarejo, qui fondait Ciudadreal, et à Chaves, qui était occupé à remonter la rivière. Celui-ci reconnut l'île Comprida, à laquelle on donna le nom de los Orejones: il remonta jusqu'à l'embouchure de la rivière de Jaurú, qu'il appela Port de Perabazanes; il y laissa ses bâtimens, et se mit à chercher dans l'intérieur du pays un endroit plus favorable à ses desseins. Il pénétra dans toute l'étendue de pays que l'on nomme aujourd'hui province de Chiquitos et Matogroso, où il acquit des renseignemens sur des mines d'or. Les indiens paysuris, xaramasis et samaracosis le reçurent amicalement, mais les trabasicosis lui livrèrent un violent combat. Ce fut là qu'il apprit la nouvelle de la mort d'Yrala, et aussitôt il résolut de fonder une nouvelle province indépendante du Paraguay. Mais, quand il eut fait connaître son projet, presque tous ses soldats le désapprouvèrent et s'en retournèrent à l'Assomption; il n'en resta que soixante avec Chaves. Il parvint avec eux à la rivière de Guapay, et, pénétrant ensuite dans les plaines de Guelgorigota, il rencontra Andres Manso, qui venait du Pérou avec une compagnie, pour s'établir dans ces cantons. Ils se disputèrent tous les deux le droit de conquête, et Chaves partit pour Lima, afin d'y soutenir ses droits devant le vice-roi. Celui-ci prononça en faveur de Chaves, et déclara le pays indépendant, nommant en même tems gouverneur son fils Don Garcia de Mendoza. Celui-ci resta avec son père, et envoya Chaves, avec le titre de son lieutenant, à la nouvelle province, avec quelques troupes et quelques secours. Chaves y retourna donc, et, en 1560, il fonda la ville de Santa Cruz de la Sierra, à côté de la peuplade actuelle de San Josef, dans la province de Chiquitos, à 18° 4' de latitude, et à 62° 24' de longitude. Mais, en 1575, on transféra cette ville à l'endroit où elle est aujourd'hui, à 17° 49′44′′ de latitude, et à 61° 43′ 30′′ de longitude. Quelques habitans n'accompagnèrent pas les autres dans ce déplacement; les uns fondèrent la peuplade de San Francisco de Alfaro; et d'autres, ayant construit une barque, naviguèrent sur le Mamoré et ensuite sur le Marañon, et finirent par arriver à Cadix. Pendant ce tems, le gouverneur de la rivière de la Plata, Gonzalo Mendoza, châtia les agaces, qui étaient devenus insolens, et il mourut le 1er juillet 1558. Aussitôt on nomma pour lui succéder, un autre gendre d'Yrala, appelé Francisco Ortiz de Vergara. Il eut beaucoup à souffrir d'une révolte générale des guaranys déjà soumis, qui lui livrèrent beaucoup de combats vers le mont Acaay, et près des ruisseaux Yaquaris et Mbuyapey. Les indiens du Guayrá se révoltèrent aussi contre lui; mais tout fut appaisé. Lorsque l'on pensait à écrire en Espagne pour y faire connaître l'état des affaires, on vit arriver de Santa-Cruz, Nuflo de Chaves avec son beau-frère, don Diego de Mendoza, et d'autres, qui venaient chercher leurs familles pour les emmener avec eux. Cela donna occasion à l'évêque de persuader au gouverneur de partir avec Chaves, et d'aller à Charcas, pour demander à l'audience de cet endroit la confirmation de sa place. Comme le gouverneur suivait aveuglément les idées de l'évêque, il fit sur-le-champ les dispositions nécessaires pour le voyage: et, en 1564, le gouverneur, l'évêque, Philippe de Caceres, et plus de trois cents espagnols, dont l'un avait le titre de procureur de la province, partirent pour Charcas. Ils débarquèrent à 19° 18′, et, après avoir traversé la province de Chiquitos, ils arrivèrent à |