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LITTÉRAIRE.

ANNÉE M. DCC. LXXVIII.

Par M. FRÉRON.

Parcere perfonis, dicere de vitiis. Mart.
TOME SEPTIEME.

A PARIS,

Chez MÉRIGOT le jeune, Libraire
Quai des Augustins, au coin de la
rue Pavée.

M. DCC. LXXVIII.

MARVANS COLLEGE LIBRARY

MORANAN FUND

JAN 20 1017

LITTÉRAIRE.

LETTRE I.

Le Paradis perdu, Poëme de Milton, traduit en vers François par M. Beaulaton; 2 volumes in-8°. A Montargis, de l'imprimerie de Cl. le Quatre, Imprimeur de la Ville & du College, & à Paris, chez Efprit, au Palais royal.

Le Paradis perdu est un de ces ouvrages de génie qui étonnent également par les beautés fublimes qu'on y voit briller, & par les extravagances groffières qui le défigurent; c'eft le fruit d'une imagination vive & hardie, mais fauvage & bifarre que le goût éclaire rarement & qui n'eft point guidée par les préceptes

de l'art. Milton avoit reçu de la na ture le talent le plus rare & le plus heureux pour la poëfie; mais, dans un fiècle barbare, & chez un peuple dont les moeurs étoient encore féroces, ce talent ne fut point cultivé & perfectionné par ces lumières & ce jugement délicat qu'on ne peut acquérir que dans une fociété polie. Ce fut au fein du fanatifme & dans l'horreur des guerres civiles qui défolerent l'Angleterre fous le règne de Charles I que Milton composa fon poëme; les lettres cependant étoient alors très-floriffantes en Italie : le Talle avoit déja publié fa Jerufalem délivrée, le meilleur poëme épique dont les modernes s'honorent, mais l'Angleterre étoit encore couverte des ténèbres de la barbarie. En proie aux troubles & aux factions, déchirée par une foule de fectes rivales, elle ne s'occupoit que de controverse & Milton lui-même a compofé plufieurs ouvrages polémiques de cette efpèce, abfolument oubliés aujourd'hui.

Le Paradis perdu choque tous les

principes de l'épopée. L'action d'un poëme épique doit être grande & illuftre; l'action du Paradis perdu eft fort éloignée d'avoir ces qualités. C'est la défobéiffance du premier homme, qui, féduit par fa femme mange du fruit défendu; rien n'eft moins grand, ni moins illuftre qu'une pareille action. Le héros de l'épopée doit exciter l'admiration par fes vertus, le héros du Paradis perdu excite l'indignation & la pitié par fa foibleffe. Ceux qui prétendent que Satan eft le véritable héros du Paradis perdu ne juftifient pas Milton; car un pareil héros n'a que des vices odieux, & les rufes qu'il employe pour tromper une femme ne font pas des exploits fort héroïques; d'ailleurs le diable eft un héros très-extraordinaire pour un poëme épique. Le merveilleux, il eft vrai, eft l'ame de l'épopée, mais il ne doit fervir qu'à donner plus d'éclat & d'importance aux faits naturels qui font le fujet principal du poëme. Dans le Paradis perdu, le merveilleux eft prodigué, le poëte n'offre prefque jamais

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