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Extrait des Annales de l'Agriculture française ( janvier 1839 ) *.

Trois hommes, dont l'industrie agricole conservera à jamais la mémoire: Bosc, inspecteur général des pépinières, TESSIER, inspecteur général des bergeries, HUZARD, inspecteur général des Écoles vétéri– naires, unis si longtemps entre eux par la sympathie de leur cœur, par la similitude de leur goût pour les études scientifiques, comme ils le furent toujours dans leur longue carrière par l'affinité de leurs fonctions respectives; ces trois hommes utiles, dont les noms se présentent fréquemment aux yeux des lecteurs des premières séries de ce recueil; ces noms chers à la science de l'économie rurale et domestique, nos Annales ont voulu les rapprocher, en proclamant leur triple veuvage. Il y a un an, nous pleurions le vénérable Tessier, qui avait peu survécu à Bosc. Ces pertes, déjà si amères, n'étaient, pour nous, que le prélude d'une amertume encore plus cruelle: aujourd'hui ce n'est plus un collaborateur, un ami que nous avons à pleurer, c'est, outre cela, le meilleur des pères, car sa tendresse et sa bienveillance s'étendaient également sur ses gendres et ses fils. Il a rempli autrefois lui-même bien des pages de ce recueil, consacrons celle-ci à sa mémoire, que nous

* Cette Notice, dans laquelle M. Bouchard s'est si heureusement attaché à représenter, dans sa vie publique et privée, l'homme de bien et le savant modeste, est suivie de l'Éloge prononcé à l'Académie royale de Médecine, le 11 décembre 1841, par M. le docteur Pariset, son secrétaire perpétuel. Cet Éloge, remarquable sous le rapport de la Science, donne une juste idée de l'importance de la bibliothèque de J.-B. Huzard.

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bénissons sa vie appartient à l'histoire des sciences. Nous en fixerons les dates; les détails des faits exigeraient des volumes, nous nous bornerons à les préciser.

Jean-Baptiste Huzard, né à Paris le 3 novembre 1755, d'une famille qui y exerçait la maréchalerie depuis plus d'un siècle, fit la plus grande partie de ses études chez les Augustins réformés, appelés Petits-Pères. Son heureuse facilité lui mérita de ces bons religieux un attachement dont il se plaisait souvent à s'entretenir dans l'intimité de ses conversations familières ; ce fut d'après leurs conseils qu'en 1769, à l'âge de treize ans, il entra, au moment de sa création, à l'École vétérinaire d'Alfort, aux frais de ses parents. Son aptitude lui en fit parcourir les cours avec distinction : il les termina en 1772. Malheureux au premier concours, il n'y obtint rien; au second, il eut un accessit; mais à tous les concours suivants, et il y en avait plusieurs chaque année, il remporta successivement tous les prix.

Bourgelat, fondateur de cet établissement, avait remarqué ses excellentes dispositions, et conçu de lui une espérance qu'il s'attacha à réaliser. Sur la demande de ce directeur à son père, celui-ci consentit à l'y laisser encore six mois pour se perfectionner dans les diverses parties de l'enseignement.

Nommé dans cette même année, 1792, professeur à l'École qui avait été le théâtre de ses succès, il jouissait d'un traitement de 600 fr., non compris l'habillement d'uniforme fourni par l'École. Il fut spécialement chargé de professer l'extérieur et surtout la connaissance de l'âge du cheval, puis la chimie et la pharmacie, la matière médicale et l'application des bandages, seul cours qui ait eu lieu dans les Écoles sur ce sujet.

En 1775, il quitta Alfort pour s'attacher à l'établissement de son père, qui l'exigea : la pratique lui paraissant d'un revenu plus productif que le professorat.

En 1779, une ordonnance du roi fonda, à Alfort, un concours de pratique le premier prix consistait en une médaille avec chaîne d'or; Huzard eut la gloire d'en être décoré le premier. Il remporta également plusieurs prix à la Société royale de médecine pour des mémoires de pratique insérés dans ses recueils. Devenu membre de cette Société, il y a fait plusieurs rapports avec Vicq-d'Azir, qui le décida à se charger de la médecine vétérinaire dans le Dictionnaire de médecine de l'Encyclopédie méthodique.

En juin 1785, il fut chargé, par le tribunal des juges et consuls des marchands de Paris, et, plus tard, par les divers tribunaux de la capitale, des expertises relatives aux vices rédhibitoires : il a rempli cette fonction jusqu'à la fin de 1824 (près de quarante ans); àlors son fils le remplaça. Il réunit, pendant ce temps, douze volumes in-folio de rapports et de procès-verbaux, qui contiennent des documents précieux sur la jurisprudence vétérinaire.

Dire toutes les ruses qu'il a déjouées en cette qualité, les friponneries qu'il a confondues, serait aussi impossible que d'énumérer toutes les supercheries du maquignonnage.—Voilà trois fois en peu de temps que je renouvelle mes chevaux, disait un riche personnage à Huzard en le consultant: voyez comme ils dépérissent; je vais encore être obligé d'en changer une quatrième fois! - Non, dit Huzard, gardezles, ils sont bons; mais changez le cocher. En peu de temps les chevaux furent rétablis, et le maître fut bien convaincu que le pourboire des maquignons au cocher avait été l'unique cause de ses mécomptes. Consulté une autre fois par un propriétaire sur une acquisition de chevaux, Huzard fut d'un avis favorable : le vendeur satisfait se présenta le lendemain chez lui, offrit 200 fr. à titre de rémunération. Huzard les reçut, les envoya immédiatement à l'acquéreur, avec une lettre, où il disait que, sans doute, par résipiscence, le vendeur avait consenti cette diminution sur le marché consommé.

Chaptal, ministre de l'intérieur, avait créé un troupeau considérable à son château de Chanteloup, près d'Amboise; sur une lettre de son berger, qui lui annonçait que la mortalité désolait son troupeau, M. Chaptal, profitant de ses fréquentes relations avec Huzard, l'engage à l'accompagner à Chanteloup, pour tâcher de découvrir les causes de ce ravage effrayant. Un rapide examen du troupeau, suivi de quelques questions au berger, fit bientôt découvrir à Huzard que ce subalterne, abusant de la confiance du propriétaire, vendait les moutons aux bouchers des environs. Confié à un homme fidèle, le troupeau prospéra.

En 1792, membre du Conseil vétérinaire et des remontes de l'administration de la guerre, chargé avec le général Brune de recevoir les réquisitions de chevaux, il flétrit par sa courageuse indignation tous ces vils déprédateurs des deniers de l'État, dont l'impudeur allait jusqu'à poser tout haut cette ignominieuse question : « Combien avonsnous par tête ? » Inaccessible aux turpitudes et à l'avidité de la tourbe des subalternes, son intégrité, en préservant l'État de toute concus

sion, suscita contre lui bien des vengeances, et sa tête fut gravement compromise lorsque vinrent les jours de l'anarchie.

Vétérinaire de l'administration des messageries, lorsqu'elle devint administration civile, il rédigea, d'après son invitation, une Instruction sur les soins à donner aux chevaux sur les routes, etc., qui fut adoptée par le ministre de la guerre, pour les armées, et par la commission d'agriculture et des arts; réimprimée dans tous les départements, par ordre du gouvernement, en date du 4 fructidor an 11 ( 21 août 1794), répandue à plusieurs milliers d'exemplaires, et traduite en allemand et en italien.

Le 20 mai 1794, le pouvoir gouvernemental ayant été organisé en douze commissions exécutives comme il l'est aujourd'hui en huit départements ministériels, Huzard entra à la commission d'agriculture et des arts, qui forma plus tard le ministère de l'intérieur, et dont une division constitue maintenant le ministère du commerce, de l'agriculture et des travaux publics, sous les titres successifs d'Agent, de Commissaire du gouvernement, enfin d'Inspecteur général des Écoles vétérinaires. Ce fut alors qu'au détriment de sa fortune privée il quitta son établissement de la rue Montmartre, pour se livrer tout entier à ses importantes fonctions.

Il était non-seulement chargé des Écoles vétérinaires, mais encore des épizooties qu'il a traitées successivement en France, en Italie, en Hollande, en Allemagne, à la suite de nos armées, où il remplissait, par ordre du ministre de la guerre, les fonctions d'inspecteur général, sans autre traitement que celui de l'administration civile, sauf toutefois ses frais de tournées qui lui étaient remboursés seulement pour l'inspection des chevaux malades, aux dépôts de Fontainebleau, de Chantilly, de Compiègne, de Saint-Germain, Versailles, Alfort, etc.

Il visitait plusieurs fois, chaque année, non-seulement les deux Ecoles vétérinaires de Lyon et d'Alfort, mais encore, sous l'empire, celles de Milan et de Turin. Par un rapport imprimé, nous savons qu'il avait eu une mission pour la réorganisation complète de cette dernière École.

Après le siége de Lyon, en 1793, l'École vétérinaire de cette ville fut menacée d'être supprimée. Un rapport de Huzard annihila les effets de cette menace.

Lors de la famine qui désola Paris et ses environs, le directeur et les professeurs d'Alfort demandèrent à la Convention un congé pour les

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