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THUISY (le chevalier CHARLES DE), né le 14 novembre 1753, au château de Saint-Souplet, était le frère cadet du marquis de Thuisy, né en 1751 et mort en 1834. Il fut d'abord page de la comtesse de Provence; et, dès son bas âge, chevalier de l'ordre de Malte. Il fit ses caravanes en 1785. Revenu en France, il entra dans le régiment de Noail les-Dragons, où il était capitaine, lorsque la Révolution commença. Forcé d'émigrer en 1792, il fit la première campagne de cette époque dans l'armée des princes, et se rendit en Angleterre après le licen ciement. Retiré avec sa famille à Richmond, près de Londres, non seulement il supporta noblement la perte d'une fortune considérable, mais il sut trouver accès auprès des ministres, et, grâce au crédit qu'il obtint, il rendit de nombreux services. Le chevalier de Thuisy aimait à rappeler la belle conduite de plusieurs nobles familles anglaises, à l'égard des émigrés laïcs et surtout des prêtres. Il citait notamment la marquise de Buckingham et Mme Locke (1). Le voisinage de Twickenham amena quelques relations entre les fils du duc d'Or léans et le chevalier de Thuisy, qui ne leur sacrifia toutefois aucun de ses principes. Rentré en France en 1802, avec 300 fr., il dut à la rencontre de son sellier (Duchesne, sellier de Monsieur, depuis Louis XVIII), chez lequel il avait laissé une voiture, et qui s'empressa dé

de Saint-Fargeau, à qui il remit successivement les familles dans cette grande série végétale, sans dire les localités, car il y avait toujours, dans ses affaires, des restrictions commerciales. Déjà M. de Saint-Fargeau avait décrit les algues, les fougères, les hépatiques et les mousses, lorsque des exigences en style un peu rustique de la part de Thuillier ne lui permirent plus de continuer ce travail. Nous le possédons, offert par l'auteur, tel qu'il l'a laissé. Thuillier n'était pourtant pas un homme sans mérite. Il fut longtemps inspecteur du marché aux champignons sur la halle de Paris, ainsi que des végétaux qu'on y vend aux apothicaires. I empêchait souvent les quiproquos si dangereux en ce genre, par sa surveillance assidue. Il a fait connaître un certain nombre de plantes nouvelles dans nos environs, bien que toutes celles qu'il croyait telles ne le fussent pas. Il a répandu le goût des herborisations, et indiqué les localités, es plus riches de nos environs. Aussi MM. L. de Jussieu et C. Richard aimaient-ils à l'avoir lors qu'ils faisaient leurs herborisations. Il se réservait pourtant le monopole de quelques-unes, contenant les plantes les plus rares. Il s'échappait dans ses courses, et donnait à ceux qui herborisaient avec lui ces plantes qu'il allait recueillir, sans faire connaître le lieu précis de leur habitation. On doit dire, comme excuse de cette conduite, que Thuillier était peu fortuné, et qu'il avait besoin de la vente de ses plantes (1) La marquise de Buckingham fit faire une brasserie pour cinq cents prêtres enpour vivre. Il est mort le 22 novem- voyés dans le château de Winchester, et elle bre 1822, au collége Charlemagne, forma pour eux une bibliothèque. Mme où il était logé deduis longtempsite à North Bury Parck, pour travailler Locke passait, avec ses filles, dix mois de comme ancien jardinier de cet établissement, M-R-T.

aux objets qu'elle distribuait aux prêtres. La charité de ces dames était inépuisable.

licatement de le lui rappeler, en lui offrant trente louis pour le prix de cette voiture, les moyens de se rendre à Reims pour savoir ce qu'étaient devenues ses propriétés et celles de son frère. M. de Tastet, banquier à Londres (1), lui avait donné généreusement des lettres de crédit pour MM. Basterèche et Récamier. Le chevalier n'en voulut pas faire usage, mais il inté ressa M. Récamier au sort d'une malheureuse veuve qui avait perdu son mari dans un naufrage. Elle obtint du gouvernement Batave, grâce à ses généreux protecteurs, le payement d'une lettre de change qui avait été perdue dans cette ca tastrophe. Le chevalier de Thuisy fit élever, et établit les deux filles de cette dame, lorsqu'elles devinrent orphelines. Arrivé à Reims, il trouva Chalerange vendu; un des acquéreurs demandait 17,000 fr. M. Paté, teinturier à Reims (2), qui avait déjà offert au chevalier de Thuisy, qu'il ne connaissait que de nom, 40,000 fr. pour aller à Coblentz, mit le même empressement à lui prêter la somme dont il avait besoin; et ce prêt fut fait, comme il fut accepté, avec la plus grande délicatesse. Réal avait acheté, de seconde main, une maison appartenant au chevalier de Thuisy; il ne la lui rendit pas; mais il lui rendit des ser

(M. de Tastet était d'origine française. Henri IV avait doté son écusson d'une fleur de lys. Avant de conclure un marché, M. de Tasiet ouvrait l'armoire où se trouvaient ses parchemins; y jetait un coup-d'œil rapide, et quand le gentilhomme s'était consulté, la résolution du banquier était prise.

(2) Il était le fils d'un laboureur qui lisait l'Imitation pendant que ses chevaux mangeaient l'avoine. On aime à trouver rénnis la probité et les sentiments chrétiens.

vices (1), comme nous le verrons bientôt. Le premier fut de le délivrer de la surveillance à laquelle il devait rester soumis pendant dix ans, après sa radiation de la liste des émigrés, et de le laisser librement écrire à sa famille en Angleterre.

Grâce à Réal, le chevalier de Thuisy obtint avec des peines inouïes, pour les ducs de Richmond, la restitution de leur duché d'Aubigny, donné par Louis XIV à la fameuse duchesse de Portsmouth. M. de Thuisy parvint lui-même à recueillir les débris de la fortune de sa famille, et son infatigable activité ne se borna pas à ce qui le concernait. Il fut l'intermédiaire de nombreuses négociations relatives à l'ordre de Malte. Mais sa généreuse intervention se fit surtout sentir dans l'affaire des cardinaux noirs. On se souvient à peine aujourd'hui de ce qu'eurent à souffrir, pendant plus de quatre ans, les cardinaux qui avaient été appelés à Paris, pour y assister aux solennités du mariage impérial (1810), et qui, n'ayant pas voulu y paraître, recurent l'ordre de quitter leurs couleurs, et furent exilés (2). Peu de personnes ont connu les tribulations qu'eurent à supporter ces prélats, par suite de leur refus, et l'on sait bien moins encore tout ce qu'ils trouvèrent de secours et de consolations dans la bienfaisance de quelques personnes généreuses, à la tête desquelles il faut placer l'abbé Legris Duval et le chevalier de Thuisy. L'abbé Duval donna la pre

(1) Expressions de Réal lui-même. (2) M. Artaud, Histoire de Pie VII, ne donne pas exactement le nom des lieux où ces prélats furent envoyés.

mière impulsion. Le jour de la Pentecôte (1810), les cardinaux récalcitrants recurent de la police l'ordre de quitter Paris. Une lettre adressée aux maires des villes où chacun d'eux dut se rendre, contenait l'invitation de les traiter avec égard, mais sans éclat.

« interrogatoire ne convient pas à « mon caractère; je m'y refuse. « On n'interroge qu'un accusé. Je « ne puis consentir qu'à une cona versation. - Eh! bien, causons « donc, Monseigneur, répliqua « Réal : « Vous avez reçu une << lettre du pape. » Réal ajoutait que le cardinal avait nié; mais il est plus probable qu'il fit une réponse .évasive. « Vous avez reçu une a lettre du pape... voulez-vous que « je vous dise ce qu'elle contenait;

lettre?....

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Le cardinal Mattéi, doyen du sacré Collége, fut envoyé à Rethel, avec le cardinal Pignatelli; les cardinaux Brancadoro et Consalvi, à Reims; Louis Ruffo, archevêque de Naples et Litta, à Saint-Quentin; « le premier, le second mot de la Salluzzo et Galaffi à Charleville; vous m'en défiez?.... Della Somaglia et Scotti à Meziè- « Eh bien! le premier mot, le seres; Gabrielli à Montbard; Oppi- «cond étaient... · C'est assez, je zoni, archevêque de Bologne, à Sau- « ne devais pas convenir que j'euslieu; Di Pietro à Auxonne. Le « se reçu une lettre du pape, et je ne cardinal Pacca était dès lors pri- «, concevrai jamais comment vous sonnier à Fenestrelles, et son se- « avez pu la connaître, puisque je crétaire Pedeccini, après avoir été « l'ai jetée au feu après l'avoir lue. traîné de prison en prison, était « Je ne l'ai montrée à qui que ce arrivé à Vincennes. Le cardinal « soit, et des mains du pape, elle Oppizoni fut si bien reçu à Saulieu « n'a passé que dans celles de la que la police de Paris donna ordre « personne qui en a été chargée. de lui faire quitter cette ville sur-le- a - Je conçois votre étonnement, champ, pour l'envoyer à Montbard, « Monseigneur, et je regrette de ne puis à Semur, où, avec le cardinal Gabrielli, il se trouva réuni au cardinal di Pietro. La police eut connaissance de leurs relations avec le souverain pontife, et les trois cardinaux furent enlevés de Semur pour être enfermés à Vincennes. Ce fut sans doute dans cette circonstance qu'eut lieu une curieuse conversation de Réal avec le cardinal Gabrielli. Réal la raconta, en 1814, au chevalier de Thuisy pour lui prouver, disait-il, que la police était bien faite, ct qu'elle savait tout. Le cardinal ignorait le motif de l'ordre donné pour son retour à Paris. Après avoir dit la messe à Saint-Sulpice, il se rendit chez Réal qui lui annonça qu'il était chargé de l'interroger,

« pouvoir vous dire que vous êtes « le maître de retourner chez vous. «-Eh!où m'enverrez-vous donc, « Monsieur? — A l'hôtel de la For« ce.

Mais y serai-je bien ? — Je « l'espère, Monseigneur. » Le cardinal crut qu'il s'agissait d'un hôtel semblable à ceux du faubourg Saint-Germain. Il sort de chez Réal et monte en voiture. On arrête devant une petite porte; le cardinal descend, et reste tout surpris de se trouver à l'entrée d'une prison..... Un grand bras nu, comme pour ne lui laisser aucun doute, écarte une énorme toile qui masquait la porte; et présente des clefs d'une grosseur convenable...Entré dans la prison, le cardinal trouva deux hom«Un mes qui depuis furent condamné

à mort, et avec lesquels il passa quinze jours. Ensuite il fut conduit à Vincennes, où il resta, ainsi que ses deux collègues de Semur, jusqu'en février 1813, époque à laquelle, voulant donner au pape une apparence de liberté, on fit venir à Fontainebleau tous les cardinaux prisonniers et exilés. Lors du départ de S. S., le 24 janvier 1814, chaque cardinal reprit la route d'un nouvel exil. Brancadoro fut envoyé à Orange; Consalvi, à Béziers; Mattéi, à Alais; Pacca, à Uzès; Louis Ruffo, à Grasse; Gabrielli, au Vigan; Salluzzo, à Saint-Pons; Scotti, à Toulon Litta, à Nismes; Della Somaglia, à Draguignan; Galaffi, à Lodève; Oppizoni, à Carpentras; Dugnani, à Brignoles. Ils partirent successivement, du 27 au 29 janvier, sans savoir où on les conduisait. Chaque cardinal avait un gendarme dans sa voiture.

Pendant toute cette persécution, l'association que présidait l'abbé Duval vint au secours des prélats victimes de leur refus courageux. Il faut citer tous les Montmorency qui firent le noyau de cette pieuse collecte, laquelle, pendant trois ans et dix mois, ne produisit pas moins de quarante mille francs par an.Des sommes de dix et douze mille francs furent données, à plusieurs reprises; la princesse de Chimay; (1) sa digne amie, la duchesse de Duras; la princesse de Poix; madame de Cordoue, née de Montboissier, qui fut mandée à la police pour y être interrogée et dont les sages réponses ne compromirent personne; madame Leclerc, mère

(1) nef aut pas confondre la princesse de Chimay, dont il s'agit ici, avec celle qui ut Mme Tallien. (Voy. Chimay, LXI, 10).

de madame de St-Fargeau, qui fut longtemps la trésorière générale des cardinaux (1); mesdames de Croisy et de la Rianderie; l'abbé de Bonnefoi; l'abbé Perreau, qui fut arrêté le 4 janvier 1811, et chez lequel on trouva quatre mille francs destinés aux cardinaux (2); le comte de Roucy et l'abbé de Selve, à Liége; M. et madame de Grosbois. M. de Grosbois adressa le cardinal di Piétro, envoyé subitement à Auxonne, au chevalier de Berbis (3),

(1) Madame Leclerc habitait l'Abbayeaux-Bois. C'était une personne distinguée par sa piété et son mérite. Elle mourut avant était convenu que jamais elle ne deman la fin de la persécution des cardinaux. Il derait rien personnellement.

Sa fille unique, connue sous le nom de Mme Émilie de Saint-Fargeau, avait épousé frère consanguin de Michel le Pelletier. Ce M. Daniel le Pelletier de Saint-Fargeau, ut cette dame qui facilita, en 1830, le départ de M. de Polignac.

(2) Un petit chiffon de papier apprit à ses amis ce qu'il était devenu. L'abbé Perreau resta à Vincennes jusqu'en 1814, ou s'il en sortit auparavant, ce fut pour entrer à la Force.

(3) Le chevalier de Berbis, né en 1770,

appartenait à l'une des familles les plus

honorables de la Bourgogne. Soldat dans l'armée de Condé, il supporta avec courage les dures épreuves de l'émigration. Il ne ́ rentra en France, sous le Directoire, que Ne sortant que la nuit, sa seule distraction pour rester caché pendant dix-huit mois. consistait dans la lecture, et sa vue en demeura affaiblie pendant toute sa vie. Le consulat lui rendit la liberté, et la Restau

ration seule le fit sortir de son isolement; envoyé à la chambre, il devint un des membres les plus actifs du côté droit, et prit part aux travaux de tous les comités. de M. de Villèle, et le refus qu'il fit de deux Il eut beaucoup de crédit sous le ministére directions générales prouve qu'il ne voulut pas profiter pour lui-même de sa position à la chambre et au château.

La révolution de 1830 trouva le chevalier de Berbis fidèle à la cause pour laquelle il avait pris les armes dans sa jeunesse, et que sa parole avait défendue dans son âge mûr

qui eut pour ce respectable vieillard
tous les soins d'un fils. M. de Gros-
bois fit le voyage de St-Quentin
pour porter des secours et des con-
solations à l'archevêque de Naples,
Louis Ruffo; puis il alla à Réthel
à Mézières, dans tous les lieux où
avaient été exilés les défenscurs de
la foi. Madame de Grosbois s'oc-
cupa particulièrement des cardi-
naux Gabrielli, di Pietro et Oppi-
zoni pendant toute la durée de leur
séjour à Semur. Sa sollicitude les
suivit à Vincennes, et à Fontai-
nebleau, en 1814, où malgré le
froid extrême et les glaces qui
couvraient les chemins, madame
de Grosbois alla porter, dans un
mauvaís cabriolet de place, une
somme assez considérable; enfin
le chevalier de Thuisy qui allait de
porte en porte, quand les fonds
manquaient (1). C'était lui qui pres-
que chaque mois, se chargeait de
porter ou d'envoyer les secours aux
cardinaux exilés. Il allait à Réthel,
à Mézières, à Charleville, etc.

Casimir Perrier se trompait en lui offrant la pairie en 1832. Dès lors le chevalier de Berbis se consacra tout entier aux bonnes œuvres. Il était le conseil et le patron de toutes les institutions charitables; sa bourse était toujours ouverte. Les frères des écoles chrétiennes et les autres établissements de bienfaisance de Dijon ont conservé précieusement sa mémoire. Il mourut en janvier 1852. L'article du Spectateur, de Dijon, d'où nous avons tiré ces détails, ne parle pas des soins touchants donnés par le chevalier de Berbis au cardinal di Pietro. On ne peut attribuer ce silence qu'à l'extrême modestie du chevalier. Ses amis mêmes ne se doutaient pas de tout le bien qu'il faisait.

(1) Le bon chevalier, dans une de ses visites, souffla une des bougies qui étaient sur la cheminée, disant qu'on en avait assez d'une pour causer, et il demanda le prix de l'autre qu'on lui donna, car il recevait les plus modiques sommes pour augmenter le trésor auquel il attachait tant de prix.

La parfaite intimité des deux cardinaux Mattei et Pignatelli, envoyés ensemble à Réthel, déjoua le calcul de la police, qui n'avait pas oublié qu'au conclave de 1800, à Venise, ils s'étaient trouvés dans deux partis différents. Le chevalier de Thuisy s'occupa surtout du cardinal Consalvi, qui avait eu la plus grande part à la détermination des cardinaux. Quand il fut envoyé à Reims, le chevalier adressa chaque mois en billets de banque le montant de sa collecte à M. Ruinard, de Brimont. Ce dernier les convertissait en argent, et le cardinal faisait, à son tour, sa distribution par l'intermédiaire de commissionnaires fidèles (souvent c'étaient des rouliers).Les cardinaux avaient avec eux leurs secrétaires, un et quelquefois deux domestiques. Pendant trois ans et demi les secours n'ont jamais manqué. Le dix du mois ne se passait pas sans que le chevalier put faire son envoi de 3,600 francs et quelquefois davantage.

Dans ces prodiges de charité, il serait injuste d'oublier le cardinal Fesch. Le chevalier fut en rapport avec lui par l'intermédiaire de mon. seigneur Isoard, auditeur de Rote pour la France, qui demeurait chez le cardinal Fesch. Du reste, le che valier ne vit jamais ce dernier qui ne voulut venir que très-secrètement au secours des cardinaux noirs; mais il voyait presque tous les jours monseigneur Isoard, et demandait par lui à l'abbé Lucote et au père Pouillard, qui était à la tête du musée du cardinal, ce qui manquait à la collecte de chaque mois. Le chevalier ne lui a jamais demandé moins de trois mille francs à la fois, et en 1814, lorsque le pape quitta Fontainebleau, il reçut 5,000 fr. Le chevalier avait conservé une vive

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