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qu'on n'ait tenté d'en faire usage à plusieurs reprises, mais les divers essais qu'on en a faits ont été infructueux.

Dans la Pensylvanie le vol des chevaux n'est point puni de la peine capitale; il l'est en Virginie. Eh bien! ce crime est plus fréquent dans ce dernier pays que dans le premier.

Consultons maintenant l'opinion des personnes attachées à la justice, et surtout l'opinion de celles qui ont le plus souvent occasion d'observer les prisonniers et les criminels. Harmar s'exprime ainsi dans ses rapports au Select committees on the criminal laws: « Je me suis convaincu que la crainte de la mort n'est d'aucun effet sur le criminel, qu'elle ne produit sur lui aucune impressiou de terreur, que le plus souvent il en fait un objet de raillerie: la sentence une fois prononcée, il lui importe peu que le moment fatal soit proche ou éloigné; et j'ai presque toujours entendu parler les condamnés avec la plus grande indifférence de cet instant terrible. Un criminel auquel je m'intéressais, et pour lequel j'étais pris de la plus vive compassion, répondit par ces paroles étranges aux consolations que j'essayais de lui prodiguer: Les joueurs et les voleurs doivent être préts à tout: un coup de gráce, et tout est fini.»

Quels sont en effet les hommes qui, pour ainsi dire, forment l'aliment des tribunaux? Ne sont-ce point pour la plupart des êtres privés de toute instruction, ignorant jusqu'aux premiers éléments du langage, et livrés à la misère dès leur plus tendre enfance? Pensez-vous qu'ils soient très punissables aux yeux d'une raison dégagée d'égoïsme et de préjugés, les malheureux condamnés à toutes les douleurs, 49° Livraison. Août 1858.

quand pour assouvir leur faim ils désobeissent à la loi? Croyez-vous qu'il fu digne du supplice, ce père de famille manquant de travail et qui, après s'être fait saigner plusieurs fois par un étudiant en chirurgie qui lui donnait 30 sous pour apprendre son art aux dépens d'un malheureux, alla menacer une personne riche avec un pistolet non chargé, pour en obtenir un écu afin de donner du pain à sa femme et à ses enfants?

Pour ne laisser aucun doute sur l'inuti lité de la peine de mort, envisagéc comme nécessité pratique; pour démontrer que, loin de diminuer le crime, ce genre de supplice ne fait que multiplier les coupables, nous avons, durant notre séjour en Angleterre, recueilli les faits suivants, puisés en grande partie dans la loi anglaise, dont ia sévérité est connue de tous ceux qui se sont occupés de la législation de ce pays, où la vue répétée de l'échafaud diminue la crainte du châtiment, et où la hache sanglante du bourreau enhardit le bras du criminel.

Ces faits vont démontrer, je crois, jusqu'à l'évidence, combien la peine capitale et en général les châtiments trop rigoureux remplissent mal le but du législateur.

Dans les années antérieures à l'an 1807, le vol commis en Angleterre dans les blanchisseries publiqucs était puni de mort. A cette époque on adoucit la législation; le coupable ne paie plus de sa tête un semblable attentat. Aussitôt le délit diminue du triple, tandis que, loin de décroître, les crimes contre lesquels on avait laissé substituer un châtiment aussi rigoureux, s'augmentaient d'une manière désespé

rante.

Ainsi, pendant les cinq années qui pré

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cèdent l'époque dont nous avons parlé, 40 vols de cette nature furent soumis aux tribunaux, et 9 seulement dans le même espace de temps, après 1807, c'est-à-dire après l'abolition de la peine capitale; et qu'on se garde de croire que ce résultat fût borné à une partie de l'Angleterre ; il était le même en Irlande.

Les faits recueillis sur la falsification du papier timbré viennent à l'appui de cette opinion; et l'expérience prouve que les falsifications ont été d'autant plus nombreuses en Angleterre, que les peines portées contre elles étaient plus sévères. La même chose se reproduit pour les billets de banque.

Nous avons dit qu'une énorme différence existe entre la France et l'Angleterre sous le rapport de la sévérité des lois pénales, bien que celles de la France soient trop souvent écrites avec du sang. On est effrayé quand on songe qu'en Angleterre la peine capitale est appliquée à 220 espèces de crimes. Eh bien! qu'en résulte-t-il? C'est que dans une des dernières années, en 1820, 1236 criminels. furent exécutés dans la Grande-Bretagne, tandis qu'en France on ne compta que 361 exécutions. En 6 années elle a compté 5000 criminels, et la France, dont la population est d'un tiers plus grande, 1800.

Un certain nombre de faits, heureusement peu communs, nous montrent que le penchant est quelquefois tout-à-fait indépendant de l'éducation, des exemples, de la séduction ou de l'habitude, et qu'il prend souvent sa source dans un vice de l'organisation. En effet, il se commet des crimes tellement barbares, ou avec des circonstances si dégoûtantes et si révoltantes, qu'il serait difficile d'expliquer ces crimes d'une autre manière. Pro

chaska raconte (1) qu'une femme de Milan attirait chez elles des petits enfants par la flatterie, puis les tuait, salait leur chair et en mangeait tous les jours. Il cite aussi l'exemple d'un homme qui, par l'effet de ce penchant atroce, tua un voyageur et une jeune fille pour les dévorer.

J'étais dans l'Inde ou en Chine quand vous avez vu cet horrible Papavoine qui assouvit, sans motif, sa férocité sur de jeunes et beaux enfants, sur de petits anges que la contagion du vice n'avait pas encore souillés de son baleine impure; mais j'ai vu près de cette enceinte l'infame Lacenaire s'enorgueillissant de ses crimes nombreux.

« Pour porter,dit Gall, un jugement équi table sur le mérite ou le démérite d'une actiou, on doit prendre en considération toutes les circonstances, tant intérieures qu'extérieures, au milieu desquelles s'est trouvé celui qui l'a commise. Des notions précises à cet égard étant très difficiles à obtenir et souvent impossibles, l'exercice d'une justice dans le sens le plus strict n'est pas au pouvoir des hommes; mais le législateur et le juge satisfont à leur devoir, quand ils rempliss nt le dessein qui répond le mieux au bien des hommes en particulier et de la société en général, celui de prévenir les crimes, de corriger les criminels et de mettre la société à l'abri des attaques de ceux qui sont incorrigibles. Les moyens les plus sûrs pour y parvenir ne peuvent être puisés que dans une connaissance exacte de la nature de l'homme, dans la persuasion que les penchants au bien et au mal sont innés, et que l'homme est déterminé et peut se déterminer par des motifs; en un mot,

(1) Opera minora, t. II, p. 98.

dans une idée juste de la liberté morale. »

Je dis, enfin, que les bagnes ne corrigent qu'un très petit nombre de criminels, et rendent la plupart des scélérats plus dangereux qu'ils ne l'étaient avant leur emprisonnement.

Le plus grand remède pour prévenir ou diminuer du moins le crime, est non seulement l'éducation morale et religieuse, mais encore de grands encouragements à accorder aux ouvriers et aux

classes pauvres, une répartition plus juste des biens de la vie, et l'anéantissement du pauperisme. Je voudrais encore accorder de nobles récompenses aux vertus. Pourquoi ces troupes de filles qui lèvent la tête au milieu de leur avilissement? Pourquoi ces enfants exposés dans les rues? Pourquoi ces hommes déguenillés que l'on déshonore complaisamment pour un vol d'un morceau de pain, tandis qu'on sauve l'effronté coquin qui jette'

au hasard la fortune des familles au tripot de la Bourse? Pourquoi tant de malheureux désertent-ils le sol de notre France? Cependant vous avez des landes, des terres pouilleuses, des marécages et même des déserts, et des colonies ou des possessions, telles que la Guiane, Madagascar, le Sénégal et la régence d'Alger à assainir ou à défricher. Et vous avez des millions de corps et d'âmes à sauver de la faim et du vice, et vous pouvez sextupler au moins le produit de la France, grâce à l'association; et notre pays attend des merveilles de ses gouvernants. Il serait beau pour la France, dont la mission est éminemment civilisatrice, de donner l'exemple de l'abolition de la peine de

mort.

qu'il faut se contenter de mépriser le
méchant, le voleur, le calomniateur
l'homicide, l'adultère? Non, sans doute.
Que celui qui a porté le désordre dans
la société soit puni au sein de la so-
ciété! Qu'il soit forcé de consacrer ses
jours aux intérêts de ses concitoyens !
Condamnez au travail le plus rigoureux
l'homme exécrable qui a donné froide-
ment la mort à son semblable, après l'a-
voir déporté sur une terre inféconde,
sous un ciel d'airain, loin de sa douce
patrie! Qu'il soit plongé, s'il le faut, dans
un cachot, séparé temporairement de la
société des hommes; faites parvenir des
livres de morale dans son cachot, et il sera
forcé de méditer sur l'homme et sur Dieu;
il connaitra le repentir. Voyez-le dans
son insupportable solitude, toujours en
présence de son crime et de sa peine : une
tristesse mortelle obscurcit son front; ses
cheveux sont épars et hérissés, ses joues
creuses et baignées de larmes, sa respira-
tion entrecoupée, son corps brûlant et
livide. Accablé sous le poids de sa misère,
la voix terrible du remords gronde dans
son cœur déchiré, et lui reproche son
crime. La nature le rejette de son sein;
la terre ne le porte plus qu'à regret. Au
bruit de la foudre il se prosterne contre
terre, rempli d'épouvante; des larmes de
sang coulent de ses yeux; la nuit même
le
repos fuit loin de sa couche; et des
songes horribles lui font éprouver des
supplices pires que la mort.

Voilà, sauf quelques exceptions, voilà le sort de la plupart des grands criminels; car on ne peut étouffer le cri de sa conscience. Voyez, Messieurs, si la peine de mort, si fugitive, est aussi cruelle que cette longue agonie, que cet avant-goût

Conclura-t-on, de tout ce que j'ai dit, de l'enfer; mais voudrais-je, à l'instar

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Je propose, pour atteindre ce but, et rendre à la société l'homme jadis égaré, mais devenu meilleur, d'établir le système pénitentiaire, non selon la règle de Philadelphie, qui exige l'isolement de jour et de nuit, et ensevelit l'homme dans un tombeau anticipé, mais en prenant pour base la règle d'Auburn, qui ne demande que l'isolement de nuit, avec travail en commun pendant le jour. Les femmes, les enfants, et surtout les reeidivés, seraient enfermés dans des pénitenciers éloignés les uns des autres. Je crois même qu'en France, où l'esprit de sociabilité est plus grand que dans toute autre contrée du globe, il faudrait faire subir à cette règle de grandes modifications; car la législation doit être établic en raison du caractère des peuples auxquels elle est destinée, et l'isolement entier tuet at la plupar des condamnés français.

Je n'ai fait qu'ébaucher mon sujet. La

question que j'ai traitée, vous le savez, Messieurs, ne m'a été donnée que fort tard; mais j'entrerais volontiers dans les détails propres à compléter ce sujet important, si l'on me faisait l'honneur de me les demander. Ma vie sera, jusqu'à mon dernier soupir, consacrée à l'hamanité et à ma patrie. Dans une époque où tant d'écrivains usent leurs talents dans des questions futiles et une politique mesquine et décevante, et ne louent que les hommes qui appartiennent à leurs coteries, je n'aspire qu'à porter aux masses si arriérées et aux gouvernants retardataires des paroles de paix et de conciliation, en unissant leurs intérêts, leurs forces et les idées de notre nation et successivement des autres peuples, en combattant l'opposition de l'intérêt individuel avec l'intérêt social, en cherchant à les rallier tous à un principe d'unité humanitaire, résultat de l'harmonie sociale voulue par le Dieu qui a établi l'harmonie universelle des mondes. Tel est, depuis longtemps, le plan de la société des Sateians, que j'ai fondée il y a quinze ans, et dont plusieurs écrits ont parlé en des termes beaucoup trop flatteurs pour moi. Quel que soit le résultat des efforts d'un faible soldat de l'humanité, j'ose croire que ces pensées, tombant dans l'océan sans rivages de l'intelligence publique, causcront tôt ou tard un mouvement salutaire.

QUINZIÈME ET DERNIÈRE SÉANCE.

(MERCREDI 4 OCTOBRE 1837.)

Présidence de M. Dufey (de l'Yonne).

La discussion est ouverte sur le mémoire de M. DNY de Rienzi :

De la peine de mort à l'occasion de son abolition dans une île de l'Océanie.

M. Félix Labbé: Si dans la nature tout se balance, s'équilibre, se régularise, pourquoi n'en serait-il pas de même dans la société, quant aux effets de la liberté de la parole et de la presse? Soustraites à cette loi générale, ces deux grandes et belles puissances y seraient un fléau. Ces considérations, Messieurs, imposent à chaque membre de la société une tâche souvent pénible mais indispensable. Il faut que dans le total de l'émission de la pensée le bien l'emporte sur le mal: j'entends le bien moral, auquel l'art oratoire peut être si préjudiciable, en prêtant à l'erreur la forme et trop souvent l'attrait de la vérité. Heureusement, Messieurs, la vérité est une, et tôt ou tard l'attention et l'expérience la font connaître.

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Le second point de vue c'est la question même. Dans la législation actuelle la peine de mort est-elle ou n'est-elle point convenable? M. de Rienzi, d'accord avec un grand nombre d'excellents esprits, se déclare pour la négative. Le sentiment impulsif de l'honorable orateur mérite toute notre estime. Quant aux détails et aux preuves sur lesquelles l'opinion principale semble s'appuyer, je suis loin de les approuver en tous points; nous y reviendrons dans un instaut. Cependant les Taïtiens, dit M. de Rienzi, conclurent pour la déportation; et luimême insiste pour la détention, pour une détention rigoureuse avec travaux au pro fit de la société.

Le troisième point de vue, c'est cette longue et repoussante énumération d'actes dépravés, d'atrocités que l'orateur aurait bien fait de rejeter de son discours. Si ces idées impures trouvent place au milieu des archives humaines, que ce soit

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