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principes honnêtes, le caractère ferme, l'expérience et la réputation balançoient quelquefois l'influence du parti de la cour. Ils avoient vu et prévu le rétablissement du stathoudérat; ils n'avoient pu l'empêcher; mais ils tenoient toujours à l'ancien gouvernement, et le nouveau étoit forcé de les ménager; la ville d'Amsterdam s'étoit ralliée à ce parti; on pou voit l'appeller celui de la république; il avoit tenu ferme pour la neutralité, pendant la dernière guerre, malgré tous les efforts de la princesse gouvernante, du duc Louis de Brunswick, et de l'ambassadeur d'Angleterre (1).

Ce parti n'existe plus : le pensionnaire Stein en a été le dernier son successeur, M, Bleeswick, est la créature, l'agent du duc Louis, qui est l'ame et le mobile de la cour stathoudérienne; mais ce mobile reçoit et suit constamment une autre impulsion, c'est eelle de la cour de Berlin; elle lui est communiquée par mademoiselle de Dankelman (2).

D'après cet exposé, on doit bien s'attendre qu'il y aura de la part des négocians, et peut-être même de la ville d'Amsterdam, beaucoup de réclamations et de mémoires présentés à l'assemblée de Hollande

(1) Le chevalier Yorck, le plus célèbre des ambaffadeurs, parce qu'il en eft le doyen, & le plus confidéré en Hollande, parce que fa nation y eft la plus redoutée & la plus endettée.

(2) Dame d'honneur de la princeffè d'Orange, qui l'a élevée, & à qui le roi de Pruffè l'a confiée, en mariant celle-ci au prince stathouder. C'eft une vieille fille de beaucoup d'efprit, élevée dans l'intrigue & les affaires : fon père, miniftre d'Etat, avoit été employé dans les plus importantes négociations, & elle ne l'avoit point quitté. Elle a un pouvoir abfolu fur l'efprit de la princeffe, & s'eft acquis beaucoup d'afcendant fur celui du prince : le duc la craint & la ménage extrêmement; il eft avec elle aux petits foins, et ne propose rien à fon pupile, fans l'en avoir prévenue & obtenu fon approbation. De fon côté, elle concerte avec lui toutes les démarches qu'elle eft obligée de faire en conféquence de fes inftructions de Berlin; elle eft proprement le miniftre fecret du roi de Pruffe & l'organe de fes volontés Le voyage de la princeffe à Berlin, paroit être une fuite de ce fyftême de domination fi heureufement établi les affaires préfentes exigeoient trop de détails, d'explications & d'éclairciffemens, pour pouvoir les traiter a fond dans une correfpondance. Il eft apparent que ce monarque a defiré avoir la princeffe, & fur-tout mademoiselle Dankelman, pour concerter à foifir les mesures à prendre en Hollande, & la conduite qu'elle devra preferire au duc, relativement aux mêmes affaires,

pour invoquer l'intercession, l'appui des Etats-Généraux auprès du roi de Prusse, et le redressement de leurs gries. Il est même apparent que LL. HH. puissances ne refuseront point à la province de Hollande les démarches ministérielles, dont elles seront formellement requises. Mais tout aura été auparavant pesé, mesuré, concerté entre le duc, le pensionnaire et le greffier (1): si la dépêche ministérielle, le mémoire et les autres pièces publiques adressées à M. Verelst, doivent être rédigées en termes un peu forts ou vivement plaintifs, la lettre secrette aura lieu de les adoucir; et ce ministre de Hollande à Berlin, n'aura garde de manquer à aucun ménagement (2).

Le roi de Prusse répondra, ou ne répondra point; il ira son' train: nouvelles plaintes, nouvelles dépéches et nouveaux mémoires : il n'en sera ni plus ni moins; c'est ainsi qu'on traite avec la Hollande (3).

(1) M. Fagel, à qui fon fils a été adjoint en furvivance; ce vieux &bas courtifan eft proprement le ministre des affaires étrangères : il appartient aux Etats-Généraux, comme le penfionnaire à ceux de Hollande. Lorfque ces deux miniftres étoient d'accord, avant le rétablissement du stathouderat, ils_gouvernoient les affaires : depuis, ils ont dû fe foumettre à l'influence de ceux qui ont gouverné la cour : c'eft aujourd'hui le duc; il disposoit déjà du greffier; il trouvoit quelquefois de la résistance dans le penfionnaire Stein, homme fage, intègre, ferme & incorruptible. Le duc favolt alors fe replier à propos; mais il travailloit fans relâche à le faire exclure de la première nomination qui fe fait tous les cinq ans pour y placer M. Bleefwick, penfionnaire de Delft: il y en avoit quinze que M. Stein étoit toujours continué dans fa place; il le fut encore la dernière fois, mais une apoplexie en a délivré le duc; peu de tems après, M. Bleeswick lui a fuccédé.

(2) Il n'a plus de reflòurce ni d'existence que fon pofte; c'eft un affez bon-homme, fort au-deffous du médiocre, courtifan du roi de Pruffe, qui l'a décoré du titre de comte. Il n'en eft pas plus confidéré à Berlin, ni dans fa patrie; mais cela n'eft pas néceffaire pour conferver fon emploi, non plus que la capacité, dont en général les ambaffadeurs & miniftres de Hollande font toujours difpenfés; au refte, il n'en eft que mieux au gré du roi de Pruffe.

(3) C'eft ainfi qu'on traitoit à la cour de Londres les plaintes de la Hollande, fur les déprédations des anglois pendant la dernière guerre. La ville d'Amfterdam y fit envoyer exprès un ambaffadeur, M. Borel). L'amirauté angloife, pour abréger fa miffion, déclara de bonne prife toutes les cargaifons réclamées. C'eft ainfi qu'on avoit prévenu des plaintes encore plus fondées, lorfqu'au commencement de la même guerre, les anglois, fans aucune provocation, avoient attaqué & pris, dans le Gange, l'efcadre hollandoife, les troupes qu'elle avoit mifes à terre & le comptoir d'Ongly. Le che valier Yorck préfenta aux Etats un mémoire fulminant, pour de¬

Si la France a toujours eu pour cette république plus d'égards, de ménagemens, qu'aucune autre des grandes puissances, elle n'en a pas inspiré à la nation plus d'attachement pour nous, ni plus de reconnoissance au gouvernement; les vieux préjugés y subsistent encore, et la cour stathoudérienne les cultive soigneusement. L'influence angloise a long-tems dominé dans cette nouvelle cour; l'influence prussienne y domine à son tour, sans que la première

ait été détruite.

L'intérêt du commerce nous attacheroit encore en général la province de Hollande et la ville d'Amsterdam; mais cet intérêt même pliera toujours sous le joug de la crainte qu'inspire l'Angleterre. La peur qu'on a du roi de Prusse, affecte davantage les provinces de terre; et ce motif, exagéré par la cour -même, se joint au plus grand pouvoir qu'elle a dans ces provinces, pour les retenir à l'égard de cette puissance dans un état purement passif.

Ainsi, de tous côtés, la république a des entraves qui la réduisent à l'inertie, et rendroient inutiles toutes les démarches qu'on auroit pu tenter pour la

remettre en activité.

On a déjà dit que ces tentatives seroient au moins imprudentes; et cela n'est pas douteux, puisque la cour stathoudérienne s'en feroit un mérite auprès des puissances co-partageantes. Au moins est-il bien sûr que le duc n'y manqueroit pas à Berlin, où il fait et à Vienne où il tâche de la faire encore, Ses empressemens y doivent être désormais d'autant mieux accueillis, que, dans les affaires présentes, la Prusse et l'Autriche font cause commune.

sa cour,

Du tableau qu'on vient de tracer et du

gouverne

mander fatisfaction des hoftilités commifes au Bengale par la compagnie hollandoife contre celle d'Angleterre. Le confeil de Batavia comptoit fi peu fur l'appui de la république, qu'il fe hâta de conclure un accommodement honteux, pour ravoir fes vaiffeaux, fes troupes & fon comptoir. Par cette convention, les hollandois s'aflujétirent à ne plus envoyer dans le Gange ni troupes, ni vaiffeaux armés en guerre, & à ne tenir dans leur comptoir d'Ongly qu'une garnifon de 150 hommes. Cet accommodement, dont la nouvelle vint en Europe, prefqu'auffi-tôt que celle de l'infult, furvint fort propos pour tirer d'embarras le gouvernement de Hollande. ment,

à

ment, et de la Hollande, et de sa situation actuelle, relativement aux autres puissances, il résulte :

1°. Que la position respective de cette république, à l'égard de la France, est celle d'un état purement mercantile, et qu'elle ne tient plus à cette puissance que par les avantages du commerce;

Mais que ce même intérêt ne l'empêchera point de plier sous le joug de l'Angleterre, toutes les fois qu'elle verra son commerce menacé par cette même puissance, d'une destruction aussi prompte qu'inévitable (1).

2°. Que la crainte de la France, fondée sur les vieux préjugés, peut bien subsister en Hollande encore dans l'esprit du peuple, assez pour y nourrir la haine nationale, mais non pas pour en imposer au gouvernement ;

5. Que, dans l'état actuel des affaires, cette crainte seroit balancée par la frayeur qu'inspirent deux autres puissances voisines et réunies, la cour de Vienn● et le roi de Prusse;

4°. Que cette frayeur même seroit dans tous les cas un motif de sécurité pour la Hollande contre le ressentiment de la France, tant que ces deux puis sances resteront unies. La raison, c'est qu'alors elle seroit assurée de leur protection; et c'est le cas de tout Etat foible: il ne trouve sa sûreté que dans la jalousie et la division entre les plus forts;

5°. Que la cour stathoudérienne n'est plus animée

(1) Outre ce motif de crainte, il en eft un qui touche de plus près les principaux membres de l'Etat, & les différentes régences particulières ; c'eft la dette immenfe que l'Angleterre a contractée en Hollande elle étoit, en 1765, de 40 millions de florins (plus de 800 millions tournois.) Dans cette fomme eft comprife, en grande partie, la fortune de tous ces individus & de leurs familles; & ceux qui n'ont point affez d'intérêt dans le commerce, pour craindre par cette raifon la guerre avec l'Angleterre, trembleroient alors qu'elle ne fit une banqueroute nationale. Ils ne craignent pas que ce malheur arrive, tant qu'elle eft en paix; ils font donc forces par cet intérêt perfonnel & domeftiq e, à la ménager, à tout fouffrir, plutôt que de rompre avec elle; même à faire des vœux pour fa tranquillité & fa profpérité. Il arrive donc ici d'Etat à Etat, toug le contraire de ce qui fe paffe entre particuliers; c'eft que le débiteur tourmente le créancier, & que celui-ci eft dans fa dépendance.

Tome II.

B

de cette haine vive et active contre la France, qui avoit caractérisé l'administration de Guillaume III; mais qu'elle n'a et ne peut avoir, jusques à-présent, aucun motif, aucun intérêt de rechercher son amitié; 6°. Que l'ambition de se mêler de toutes les affaires de l'Europe, d'en diriger les négociations, d'en fixer le centre à la Haye, et d'en faire le temple de la paix ou le foyer de la guerre, n'est plus, comme autrefois, le mobile de la cour stathoudérienne ni de la république; que le duc Louis ne s'occupe qu'à gouve ner paisiblement, sous le nom de stathouder et sous les auspices du roi de Prusse, en ménageant toujours l'Angleterre et la cour de Vienne; que le prince n'a lui-même d'autre ambition que de jouir en paix de la représentation royale, dont, au titre près, il réunit tous les attributs (1);

Qu'enfin, la république subjuguée par la cour, intimidée par les puissances voisines, craignant pour son commerce, mais encore plus pour sa sûreté et sa tranquillité, sans énergie, sans patriotisme, désarmée par mer et à-peu-près par terre, n'a conservé tout au plus que la force d'inertie, qu'elle est réduite à un état purement passif;

(1) Ce prince a été fort mal élevé : la foiblesse de fon tempérament, & les maladies qu'il a eues dans fon enfance, ont fervi de prétexte à ceux qui avoient fans doute d'autres raifons pour en faire un enfant gâté. Il partage fon tems entre des amusemens pučrils & des fpectacles militaires, le goût de ceux-ci ¡ui eft venu par imitation. Le duc avoit commencé de le lui faire naître, pour l'occuper de quelque chofe, & le détourner des affaires; le roi de Pruffe l'a achevé. Ce prince eft devenu, comme tant d'autres, le finge de ce monarque: il a charge, outré l'imitation jufqu'au ridicule; & à fon habillement, à fa coëffure, à fon allure, on le prendroit plutôt pour un charlatan, que pour un militaire. On ne peut pas dire qu'il foit fans efprit, fans talens; au contraire, il a montré toujours beaucoup de facilité à apprendre tout ce qu'on a vulu lui enfeigner, comme la géométrie & les langues outre le hollandois, il parle le françois, l'anglois & l'allemand; il a quelque teinture de la mufique & des beaux arts, mais point d'énergie, ni de caractère, peu de jugement & de réflexion, nulle application fuivie & foutenue. Au refte, ce prince, quoique familier jufqu'à l'indécence & à la poliçonnerie avec fes entours ordinaires, eft affez fier & vain de l'étiquette prefque royale, dans laquelle il a été élevé. D'ailleurs, il n'a ni figure, ni grace, ni dignité, ni maintien; fon air eft timide, embarraffé avec les étrangers, haut avec les hommes, impoli avec les femmes.

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