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vance avec l'idée d'un changement total de systême dans l'administration de son commerce et dans ses rapports avec ses colonies.

Une réconciliation, sur-tout, et une réconciliation prompte, entre l'Angleterre et l'Amérique, me paroit le seul cas où les deux couronnes soient menacées d'un danger prochain.

II. Dans l'examen de ce danger, j'ai observé qu'il étoit double; qu'il pouvoit venir de l'Angleterre ou de l'Espagne.

Du côté de l'Angleterre, M. le comte de Vergennes me paroît persuadé que le ministère actuel n'a aucunes vues hostiles. Je le pense comme lui.

Je pense même qu'un nouveau ministère ne commenceroit la guerre qu'après avoir consommé l'ouvrage de la pacification de l'Amérique.

Je crois pouvoir en conclure que nous ne serons point inquiétés dans le courant de cette année.

J'ai rappellé les saisons différentes où nos matelots et ceux de l'Angleterre sont tour-à-tour exposés à être enlevés par la puissance rivale.

J'ai observé que cette marche régulière et annuelle déterminoit les époques que l'Angleterre choisit pour commencer les hostilités, et qu'elle nous fournissoit des moyens de découvrir ses vues par les précautions qu'elle prend alors.

Par rapport à l'Espagne, j'ai dit qu'on pouvoit craindre de sa part une confiance trop grande en ses forces, l'antipathie contre la puissance angloise, le juste ressentiment que conserve le roi catholique des procédés de cette puissance à son égard, et les obstacles que ces dispositions mettroient à la conciliation, s'il survenoit quelque dispute ou quelque voie de fait entre des commandans espagnols et anglois.

J'ai dit enfin qu'il étoit également important de n'être pas surpris par l'Angleterre, et de n'être pas entraînés par l'ardeur qu'on peut supposer à l'Espaet j'ai insisté sur la nécessité de faire naftre et de maintenir entre nos deux cours une confiance sans réserve.

gne;

III. Sur l'objet des mesures à prendre par les deux couronnes, pour prévenir le danger qui peut les me

nacer, ma façon de penser est exactement la même que celle de M. le comte de Vergennes, sur la nécessité de rejetter tout plan d'aggression de notre part. D'abord, par les raisons morales, si conformes à la façon de penser connue des deux monarques.

En second lieu, à cause de l'état où le roi a trouvé ses finances et ses forces de terre et de mer, du besoin qu'il a de tems pour régénérer toutes ces branches de sa puissance et du danger d'éterniser notre foiblesse, en faisant de nos forces un usage pré

maturé.

En troisième lieu, par la raison décisive qu'une guerre offensive de notre part reconcilieroit la métropole avec les colonies, en donnant au ministère un prétexte de céder, et aux colons un motif de se prêter à ses propositions, pour se donner le tems de consolider et de mûrir leur projet et de multiplier leurs moyens.

J'ai discuté ensuite l'idée qu'on pourroit avoir d'envoyer sans vues hostiles des troupes de terre et des escadres dans nos colonies, pour les mettre en défense et les mettre à l'abri de l'envahissement.

Je me suis attaché à prouver que ce plan devoit être rejetté comme ruineux, insuffisant et dangereux. Comme ruineux, parce que la dépense qu'il entraîneroit et qu'il faudroit continuer aussi long-tems que dureroient nos craintes, étant ajoutée au déficit actuel de la finance, en rendroit le rétablissement impossible; parce qu'elle deviendroit peut-être plus embarrassante pour ce département, que le projet même de la guerre : la nécessité autorisant, en tems de guerre, l'usage de moyens extraordinaires, qui, en tems de paix, deviendroient odieux, et porteroient le dernier coup à la confiance publique.

Comme insuffisant, parce que l'Angleterre n'entreprendroit pas d'attaquer les deux couronnes en Amérique, sans y envoyer des forces supérieures aux nôtres, et que cette puissance ayant en Amérique au moins trente mille hommes, qu'elle peut, dans la supposition, porter sur tel point d'attaque qu'elle voudra choisir, il est impossible que des forces, même beaucoup plus nombreuses que celles que nous pou

en état de résister à

vons envoyer, étant partagées entre tous les points menacés, soient, dans aucun une armée aussi nombreuse.

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Comme dangereux, parce qu'il forceroit le ministère anglois à envoyer de son côté en Amérique des escadres au moins équivalentes, et à se préparer à la guerre dans tous les points de la puissance britannique; parce que cette apparence de guerre auroit vraisemblablement le même effet que la guerre ellemême, d'amener les deux partis à la réconciliation, et de provoquer le danger que nous voulons éviter; enfin, parce que l'exécution de ce plan augmenteroit la confiance de l'Espagne, et nous exposeroit à être entraînés malgré nous dans la guerre.

J'ai conclu qu'il falloit se borner à des précautions moins chères et moins approchantes de l'état d'hostilité.

Ces précautions se réduisent à ceci :

1o. Observer attentivement tout ce qui peut nous avertir des approches du danger;

Observer aux attérages de nos isles et aux entrées du golphe du Mexique. C'est l'objet des croisières dont parle la lettre de M. le marquis de Grimaldi, et des ordres qui seront donnés en conformité aux bâtimens que nous avons dans ces parages.

Se procurer des informations fréquentes de ce qui se passe sur le banc de Terre-Neuve.

Observer, en Angleterre, l'état de ses troupes, de ses armemens, la situation du crédit public, celle du ministère.

Chercher à connoître ce qui se passe dans les colonies angloises, en évitant cependant tout ce qui pourroit faire penser que nous y ayons aucun agent direct et caractérisé.

- 2o. Faciliter aux colons les moyens de se procurer, par la voie du commerce, les munitions et même l'argent dont ils ont besoin, mais sans sortir de la neutralité et sans leur donner de secours directs."

3o. Rétablir sans éclat nos forces maritimes; remplir nos magasins, réparer nos vaisseaux, nous mettre en état d'armer promptement, lorsqu'il en sera besoin, une escadre à Toulon, et successivement une

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à Brest, pendant que l'Espagne en armeroit une au Ferrol:

40. Dans le cas où nous aurions des moifs fondés de craindre un danger plus imminent, armer effectivement des escadres, mais sans les faire sortir.

5o. Dans le cas où tout se disposeroit à une guerre prochaine, rassembler des troupes nombreuses sur les côtes de l'Océan, et tout disposer pour une expédition en Angleterre, afin d'obliger cette puissance à recueillir ses forces, profiter du moment pour envoyer des troupes et des vaisseaux, soit dans nos colonies, si on le jugeoit nécessaire, soit dans l'Inde où nous nous serions procuré d'avance des moyens, soit en pratiquant des liaisons avec les naturels du pays, soit en perfectionnant l'établissement de nos isles de France et de Bourbon.

Comme une partie de ces précautions même entraîneroit encore des .dépenses assez considérables, je crois essentiel de ne rien précipiter, sur-tout relativement aux deux dernières, si ce n'est lorsque nous aurions lieu de croire, par la conduite de l'Angleterre, que cette puissance songe véritablement à nous attaquer.

Je ne puis terminer ce mémoire sans faire une observation que je crois très-importante sur la manière dont nous devons nous concerter avec la cour d'EsNul doute les intérêts étant communs, pagne. que la confiance ne doive être entière et les mesures prises de concert.

Mais il n'y a que trop lieu de craindre que l'Angleterre n'ait, dans les bureaux des ministres d'Espagne, des intelligences qui lui donnent avis de beaucoup de secrets importans.

Je crois savoir que ce projet hostile, concerté, si je ne me trompe en 1766, entre les deux ministères, en conséquence duquel M. de Bucarelli avoit eu des ordres de chasser les Anglois des isles Falkand, projet qu'on avoit même oublié en Espagne, étoit connu du ministère Anglois. C'est un danger contre lequel il falloit être en garde dans les communications qu'on doit faire à l'Espagne. Certainement la communication de tout ce qui, annonçant la ferme résolution

de deux rois de maintenir la paix, indique l'usage des moyens propres à menacer l'Angleterre directoment, ne peut nuire, même quand le ministère Britannique en auroit connoissance.

Mais tout ce qui tendroit à des entreprises sur Minorque ou sur Gibraltar, à des mesures combinées pour porter des forces dans les Indes, ne peut être confié, sans danger, qu'au roi d'Espagne et à M. de Grimaldi, pour lui seul.

PASSAGE tiré du même mémoire; (l'auteur y rabaisse le produit des Colonies à sucre ).

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On calcule le produit de nos colonies à sucre par centaine de millions, et l'on a raison si l'on compte la somme totale de leurs productions évaluées en argent. Mais cette valeur appartient en entier aux colons, et non pas à la France; et c'est le profit réel de la France qu'il faut connoître. Il n'y a que trois manières de calculer le profit que fait une nation avec ses colonies.

D'abord en général.

par rapport au commerce de la nation

La production et la consommation sont les deux termes de tous les échanges du commerce. Le producteur vend, le consommateur achète. Dans le commerce de la France avec les colonies, elle achète de cellesci le sucre, le café, le coton, l'indigo dont elle a besoin ; elle vend à ses colonies les farines, les vins les étoffes, les ouvrages manufacturés qu'elle produit ou qu'elle façonne. L'intérêt de la nation, dans ce commerce, est, d'un côté, de vendre, le plus avantageusement qu'il est possible, les produits de son sol et les ouvrages de son industrie; de l'autre, d'acheter, au meilleur marché possible, les objets de ses jouis

sances.

Je dis au meilleur marché possible, car quant à l'agrément d'avoir en abondance les différentes denrées que produisent les isles de l'Amérique, il est notoire que ces denrées sont tout aussi communes dang les Etats qui ne possèdent point de colonies, que dans les autres.

Pour

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