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peut avoir affirmé qu'il avoit tiré tout ce qui concernoit les lois, tant religieuses que civiles des Egyptiens, des livres sacrés de leurs prêtres; et Diodore l'aura répété. Cet auteur inconnu (comme il est constant par plusieurs passages que Diodore paroît avoir emprunté de lui) racontoit les choses, non pas telles qu'elles s'étoient passées, mais comme elles auroient dû arriver. M. Heyne hasarde ici une conjecture; il croit que l'ouvrage de ce Græco-Egyptien, peut fort bien avoir été écrit dans un même esprit que l'est la Cyropédie de Xénophon, c'est-à-dire, que c'étoit un roman historiquemoral. Pour peu qu'on veuille remonter, alors on trouvera, sans trop hasarder, que tant de choses miraculeuses, et qui tiennent absolument du prodige, tant d'aventures extraordinaires, de ces combinaisons vraiment monstrueuses, ces récits fabuleux de la façon de vivre des anciens Egyptiens, à compter de leurs rois jusqu'au plus vil gardien de troupeaux, pourroient fort bien être sortis de la même source. Il en seroit de même de tant d'autres événemens pareils, rapportés par Diodore, et dont Hérodote n'a pas la moindre connoissance, quoiqu'il ait vécu dans un siècle plus rapproché de l'époque où les Egyptiens n'avoient pas encore entièrement adopté les mœurs des Grecs leurs vainqueurs, et qu'il soit un historien plein de véracité et de bonne foi.

On pourroit ranger dans cette série, sans trop hasarder, le récit sur les funérailles des rois.

C'est encore à cette classe que pourroit appar tenir la loi sur le vol privilégié.

Mais si c'est à juste titre qu'on doit douter de la vérité historique de cette institution, ce seroit aller trop loin que de vouloir prétendre, avec M. Heyne, que le tout n'a été qu'un rêve creux, enfanté par une imagination vive et ac tive. Mais comme en général les erreurs renferment un fond de vérité qui a même donné lieu à la fiction, celle dont il est question aura de même une origine véritable, que l'esprit obe servateur du critique éclairé et du sage histo rien ne sauroit méconnoître, malgré les détails accessoires. M. DE PAUW, auteur de beaucoup de pénétration, à qui on a cependant souvent fait le reproche assez fondé d'avoir traité ces matières avec trop de légèreté, est parti du même principe lorsqu'il a examiné ce point d'his toire. Je rapporte ici son jugement. « Diodore, dit ce judicieux critique, « en parlant de la sorte, >> auroit dû s'apercevoir que cette prétendue loi » laissoit subsister beaucoup de cas particuliers, >> qui doivent être nécessairement décidés par » une autre loi dont il ne fait pas la moindre » mention. Il suffit de réfléchir à des institutions » si bizarres, pour se convaincre qu'elles n'ont » pu subsister dans une même société, mais bien » entre des peuples différens; et les auteurs qui » en ont parlé étoient assurément mal instruits, puisqu'ils ne sont d'accord, ni entre eux, ni » avec eux-mêmes. Ce qu'on a pris pour une

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» loi égyptienne n'est qu'un concordat ou un » traité fait avec les Arabes, auxquels on ne » pouvoit défendre le vol et le brigandage, qu'ils >> font par besoin, et qu'ils font encore par le » défaut de leur droit public; de sorte qu'on >> rachetoit d'entre leurs mains les effets qui » ne leur étoient quelquefois d'aucune utilité » comme cela se pratique encore de nos jours. » Les Bédouins revendent fort souvent, pour » la centième partie de la valeur, des perles et » des pierreries dont ils s'emparent en dépouil» lant une caravane; et ils seroient heureux de pouvoir toujours avoir la quatrième partie en » argent des denrées qu'ils volent en nature. Sous » les rois pasteurs, les Arabes se répandirent >> par troupes dans toute l'Egypte, et il étoit >> absolument nécessaire de convenir avec eux » de quelque manière que ce fût, par rapport » aux captures qu'ils faisoient de temps en temps. » Et je crois qu'on rachetoit également les lar» cins d'entre les mains des Juifs; car il seroit » bien surprenant que des hommes tels que les >> Juifs n'eussent volé qu'une seule fois en Égypte. » On conçoit maintenant à peu près ce que » Diodore de Sicile a voulu dire : on n'inscri>> voit pas le nom des voleurs dans un registre, >> mais on s'adressoit au chef des Arabes, qui » connoissoit lui-même ses sujets, et il leur >> faisoit rendre ce qu'ils avoient pris, au moyen » de la compensation qui étoit stipulée. Nous ne » savons pas si, sous la domination des Perses, T. I. Janvier 1806.

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lorsqu'il se forma une république entière de » voleurs dans un endroit du Delta, on observa » à leur égard la même conduite qu'on avoit » tenue avec les Bédouins; mais cela est très-pro» bable, et il faudroit bien se résoudre à un tel >> sacrifice, partout où des brigands seroient par» venus à se fortifier au point qu'on ne pût ni » les expulser ni les détruire. Or, les marais qu'ils avoient occupés près de la bouche Héracléotique étoient impraticables, et jamais les » Persans et les Grecs ne furent en état de les » en chasser, car les barques qui leur servoient » de maisons, alloient à la moindre alarme se » cacher très-loin dans les joncs.

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» L'extrême rigueur des lois à l'égard de ceux qui subsistoient en Égypte par des moyens » malhonnêtes, prouve qu'on y étoit fort éloigné de tolérer le vol ou la mendicité parmi » les indigènes, qui n'étoient ni des Arabes ni » des Juifs; et le sens commun a suffi pour apprendre aux hommes que, dans une société » bien policée, il ne faut jamais permettre que » sujets robustes embrassent la vie des mendians, » que Platon (6) craignoit tellement dans une république, qu'il emploie jusqu'au ministère de >> trois magistrats différens, pour les éloigner » d'abord des marchés, ensuite des villes, et en» fin du territoire de l'état. »

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L'explication de DE PAUW est extrêmement

(6) De Legibus, Dial. XI.

ingénieuse; si on trouve cependant qu'elle n'ait pas entièrement levé les difficultés, elle a du moins le mérite d'avoir jeté quelques lumières sur un objet très-obscur. Aussi les savans qui ont traité de la législation et du gouvernement de l'ancienne Égypte, se sont-ils empressés de rendre justice à la pénétration de M. de Pauw. Son assertion est encore appuyée par les témoignages de deux célèbres voyageurs : ces témoignages ne semblent plus laisser aucun doute sur sa justesse. Voici ce que NIEBUHR (7) nous rapporte : « Kahira » étant le siége d'une multitude de petits. ty»rans qui ont chacun leurs gardes du corps et » leurs partis en cachette et en public, et dont » chacun cherche à régner et à perdre ses rivaux, » on pensera peut-être qu'il n'y a que très-peu » de sûreté dans les rues étroites de la ville, au >> milieu de cette foule : cependant on y entend » moins parler de vols et de meurtres que dans » bien des grandes villes de l'Europe. Outre le premier kadi, il y a encore à Kahira une mul>> titude d'autres juges, qui sont obligés de tenir journellement séance dans les quartiers qui >> leur sont assignés et dans certaines maisons pour accorder les parties. Dans toutes les principales rues, il y a des janissaires pour main» tenir le bon ordre : chaque corps de métier » a son maître juré qui connoît exactement tous

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(7) Voyage en Arabie et en d'autres pays circonvoisins, par C. NIEBUHR, traduit de l'allemand. Amsterdam, 1776. 2 vol. in-4°.

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