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dicateur interloqué. « Seigneur, que tes œuvres sont belles ! » s'écria M. Martin; et, sur ce thême improvisé, il parla pendant une heure, mieux qu'il n'avait jamais parlé.

Mais c'est trop s'appesantir sur un léger travers, qui n'est pas rare chez les hommes d'études. Parlons plutôt de la libéralité, de l'obligeance extrême qui caractérisaient notre regrettable confrère. Loin de lui cette prudence égoïste qui, sous prétexte de plagiats à redouter, se renferme en ellemême et cache soigneusement ses trésors. Une nature comme celle de M. Martin ne pouvait manquer d'être communicative. Il aimait à parler de l'objet de ses études, et en faisait volontiers profiter les autres, pour peu qu'ils s'adressassent à lui dans un but de travail sérieux.

Une rencontre assez piquante eut lieu à Bourges, vers 1838, entre lui et un archéologue novice, qui, déjà depuis deux ou trois ans, s'était mis, de son côté, à explorer les anciens vitraux de nos cathédrales. L'abbé Martin préparait alors sa grande monographie. Il ignorait la présence à Bourges de son jeune émule, qu'il ne connaissait même pas, et dont il avait vu seulement un commencement de publication. Un jour donc, de grand matin, il envoie des ouvriers placer un échafaud pour son travail, dans je ne sais quelle chapelle dont le dessinateur nomade avait entrepris de copier les vitraux. Grande colère de celui-ci, qui, outré de l'impertinence, s'établit sans façon sur les tréteaux fraîchement établis, pour y achever, tant bien que mal, sa copie commencée. Survient peu après le P. Martin, non moins surpris, comme on le pense, de trouver son nid occupé par un oiseau étranger. Mais le P. Martin était bon hommé : « C'est singulier, se borna-t-il à dire, je croyais que nous n'étions encore que deux en France à nous oc+ cuper des vieux vitraux. » — « Plaignez-vous donc, » lui. répond le jeune homme, « moi, je croyais être seul! » Bientôt cependant le mystère s'éclaircit. La connaissance fut bientôt faite une heure après, M. Martin emmenait son nouvel ami à l'atelier qu'il avait en ville, pour lui commu

niquer tous ses calques, et, pendant près de vingt ans, ces relations, que la communauté d'études avaient rendues assez fréquentes, se continuèrent toujours avec autant de profit d'une part que de bienveillance de l'autre.

Un savant ainsi disposé à obliger devait nécessairement se faire aimer. Aussi fut-ce une émotion douloureuse et sincère que celle que produisit la nouvelle si inopinée de la mort du P. Martin. Nous l'avions vu partir si plein de joie pour ce voyage! Comme chrétien, comme archéologue, il était dans le bonheur de revoir Rome, où tant de souvenirs vivaient encore pour lui. Déjà, après quelque séjour à Milan, il venait d'atteindre Ravenne, cet admirable champ d'explorations, si mal connu encore et si digne de l'être. Là, se laissat-il entraîner à quelque excès de travail, à quelque oubli de soins matériels qui ait pu hâter sa mort? C'est ce qu'on n'a pas pu savoir, car il était seul. Frappé d'une attaque d'apoplexie le 24 novembre 1856, il perdit immédiatement l'usage de la parole, et, pendant le peu d'heures qu'il vécut encore, ce ne fut que par signes qu'il put communiquer avec le digne ecclésiastique, dont la présence vint heureusement adoucir et consoler ses derniers moments.

Le P. Martin laisse après lui de grandes richesses inédites, un nombre incalculable de dessins recueillis en France, en Allemagne, en Espagne; plus de huit cents dessins sur bois, prêts à être gravés, et dont la moitié au moins se rapportent à un grand travail sur les carrelages historiés, qu'il se disposait à publier. Il préparait aussi une description de l'Alhambra, accompagnée de nombreuses planches, un grand travail sur les catacombes de Rome, et il avait en portefeuille divers mémoires sur les émaux, les ivoires, les étoffes, etc. Beaucoup de ces matériaux seront sans doute difficiles à mettre en ordre, faute de notes qui en indiquent suffisamment la provenance. Espérons toutefois que tous ces travaux ne resteront pas sans fruit pour la science que le P. Martin cultivait avec tant d'amour.

EXTRAITS

DES

PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.

Séance du 7 janvier.

Présidence de MM. BOURQUELOT et BRUNET de Presle, présidents.

Le procès-verbal de la séance du 17 décembre 1856 est lu et adopté.

Après l'accomplissement de cette formalité, l'ordre du jour appelant l'installation du nouveau bureau, M. Bourquelot, président sortant, prend la parole en ces termes :

« MESSIEURS,

« Je ne quitterai pas ce fauteuil, où vos suffrages m'avaient appelé, sans vous remercier du fond du cœur, je ne dis pas de la bienveillance, mais de l'indulgence que vous m'avez constamment témoignée, pendant la durée de mes fonctions de président. Par votre concours, tout m'est devenu facile, et si quelque obstacle grave s'était présenté, je sens que j'en aurais triomphé, parce que vous étiez avec moi.

« Ce qui distingue notre compagnie, Messieurs, c'est l'esprit fraternel qui y règne. Je ne vois ici aucune de ces petites passions qui agitent trop souvent les assemblées de savants; on vient à nos séances pour ainsi dire en famille,

sûr de trouver des amis ou au moins des confrères bienveillants; on n'y recherche point les fonctions pour s'élever au-dessus des autres, on les accepte, parce qu'on a la conscience de vouloir et de pouvoir être utile.

« C'est cette fraternité, Messieurs, que j'ai été heureux de voir se conserver parmi nous pendant le cours de ma présidence. La Société des Antiquaires de France n'est pas seulement une réunion de curieux qui lisent, entendent et publient des morceaux d'érudition; c'est un cercle studieux, où des hommes, voués aux mêmes recherches, visant tous à un but utile, discutent courtoisement des questions sérieuses, se communiquent leurs opinions, leurs découvertes, se conseillent et se corrigent, si je puis le dire, sans vanité, sans aigreur, afin de concourir plus efficacement, par la mise en commun de leurs aptitudes et de leurs travaux, au progrès des sciences historiques.

« Nous nous sommes réjouis tous ensemble, Messieurs, des distinctions dont plusieurs de nos confrères ont été cette année honorés. Pourquoi faut-il qu'à ce sentiment se mêle la douleur des pertes cruelles que notre Société a faites, et en particulier de celle qui nous a enlevé tout récemment, loin de la France, un confrère si digne à la fois d'estime et d'affection!

« J'aurais voulu, Messieurs, en terminant, vous annoncer l'achèvement du volume de vos Mémoires qui se trouve actuellement en voie de publication. Mais, malgré les efforts de ceux de nos confrères auxquels vous avez confié le soin de diriger l'impression de vos travaux, il n'a pas encore été possible de le mener à fin. Tout doit cependant nous faire espérer qu'il pourra paraître dans les premiers mois de cette année, et donner un nouveau relief à notre Société.

« Je me fais un plaisir, Messieurs, de céder à l'homme savant et aimable qui va me succéder, une place qu'il rem

1. Le P. Martin, décédé à Ravenne, le 24 novembre 1856,

plira certainement mieux que moi. Dévoué comme il est aux intérêts de la compagnie, secondé comme il va l'être, il contribuera à maintenir la Société dans la voie honorable où nous devons être fiers de la voir marcher. »

M. Bourquelot invite ensuite son successeur et les autres membres du bureau, élus dans la dernière séance, à venir prendre possession de leurs fonctions. En s'asseyant au fauteuil de la présidence, M. Brunet de Presle adresse à ses confrères l'allocution suivante :

« MESSIEURS,

« Ce n'est pas sans hésitation que j'ai accepté l'honneur que vous m'avez fait en m'appelant à présider la Société impériale des Antiquaires de France. Le vif intérêt que je porte au succès de notre Société m'aurait fait désirer, je le dis bien sincèrement, d'en voir remettre la direction en des mains plus capables, J'étais si peu désigné à cet honneur, par des études fort limitées sur quelques points de l'antiquité et par des relations littéraires restreintes, qu'il m'est impossible de ne pas voir uniquement dans vos suffrages un témoignage de sympathie affectueuse, et c'est aussi pourquoi je n'ai pas eu le courage de m'y soustraire. Je compte, Messieurs, sur la continuation de cette même bienveillance pour me soutenir dans l'exercice des fonctions que vous venez de me confier. Je m'efforcerai de suivre les exemples qui m'ont été donnés par mes prédécesseurs, nommément par ceux à côté desquels je vous ai dû l'avantage de m'asseoir depuis deux ans. Leur zèle soutenu, leur esprit conciliant, ont perpétué la bonne harmonie, qui a toujours régné dans cette société, et qui fait le charme de nos réunions. J'ai la confiance que, sous ce rapport du moins, je ne ferai pas défaut à ces bonnes traditions. Dans la direction de nos discussions scientifiques, j'espère n'avoir jamais le regret de blesser personne, car vous pouvez être assurés d'avance que ce serait bien involontairement.

« Avec votre concours, Messieurs, j'espère que nous

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