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ajouterai, pour ce qui concerne les faits relatifs à notre ville et aux bommes qui ont joué alors les principaux rôles, quelques-uns des échos qui sont parvenus jusqu'à moi.

Il est un personnage, dont on a parlé longtemps. chez nous, dont le souvenir n'est pas éteint, et qui a eu le mérite d'attacher son nom au dénouement de la phase la plus aiguë de notre drame révolutionnaire; il s'agit d'André Dumont, le président de la Convention au 9 thermidor, notre ancien proconsul. Voici ce qu'en dit notre Anglaise :

« Tous les points de la France sont infectés par « des commissaires qui disposent sans appel de la « liberté et de la propriété de tout le département, << où ils sont envoyés. Il arrive souvent que ces ⚫ hommes sont délégués dans les villes où ils ont déjà résidé; ils ont ainsi une opportunité de « satisfaire leur haine personnelle contre tous ceux qui sont assez malheureux pour leur avoir déplu. Imaginez-vous un procureur de village agissant << avec autorité, sans contrôle, dans le pays où il a << autrefois exercé sa profession, et vous aurez une « idée de ce qui se passe ici.... Nous avons main« tenant comme commissaires, Chabot, un ex

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capucin, qui est renommé comme patriote dans « la Convention, et un procureur d'un village voisin, nominé Dumont. On leur a confié, comme • au reste de ces missionnaires, des pouvoirs illimi

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Elle cite un fait qui témoigne du sans-gêne avec lequel ces messieurs agissaient.

<< Comme les agents de la République ne pêchent jamais par omission, ils arrêtèrent l'aide-de-camp de M. Laveneur avec son général; un autre officier de sa connaissance, suspendu et qui vivait à Amiens, partagea le même sort pour avoir tenté de lui procurer quelque adoucissement. Ce gentilhomme avait prié Dumont de permettre au domestique du général l'entrée et la sortie de la prison, pour faire les commissions de son maître. Après avoir déjeûné ensemble et conversé en termes très polis, Dumont lui dit: « Puisque tu es si plein de compassion pour l'état « du général, tu iras lui tenir compagnie. » Et, à la fin de la visite, l'officier trop zélé fut conduit à Bicêtre. Peut-être que la majorité des trois ou quatre cent mille personnes détenues comme suspectes ont été arrêtées sous des prétextes aussi frivoles ? »

L'auteur apprécie avec justice la conduite de Dumont dans une circonstance fort scabreuse pour notre ville, où il s'agissait de la destruction d'un arbre de la liberté. Il y a lieu de savoir gré à Dumont de la manière dont il tourna le péril, lorsque l'on songe aux terribles châtiments que la Convention réservait aux communes qui se rendaient coupables d'un aussi horrible attentat. Je me sers à dessein de cette épithète que nous avons vue apparaitre dans la proclamation de l'un des adjoints du maire d'Amiens, qui eut lieu à l'occasion de la

mutilation de l'arbre de la liberté de la place Saint-Denis en 1848.

Dernièrement, dit l'auteur, le peuple d'Amiens, dans un moment d'effervescence et de mécontentement, a brûlé un arbre de la liberté, et Dumont, le représentant, a été menacé; mais ce sont seulement les coups d'un poltron qui a peur de sa propre témérité et en redoute le châtiment. Ce crime, dans le code révolutionnaire, est d'une nature très sérieuse, et, quelque léger qu'il puisse vous paraitre, il n'a tenu qu'à Dumont en cette circonstance de sacrifier un grand nombre de vies. »

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Voici un fait rapporté par l'éditeur du livre, et qui témoigne de ce que Dumont pouvait faire: Toute la ville de Bedouin, dans le sud de la France, fut brûlée, sur un décret de la Convention, pour expier l'imprudence de quelques habitants qui avaient coupé un arbre de la liberté, mort. Plus de soixante personnes furent guillotinées comme complices, et leurs corps jetés dans des fosses creusées avant leur mort, par l'ordre de Maignet, représentant alors.

Cette destruction de l'arbre de la liberté donna lieu à une cérémonie expiatoire dont l'un de nos honorables concitoyens, M. Cornet, ancien négociant, rue Saint-Leu, me rapportait un détail qui peint bien l'étrangeté de la situation dans laquelle notre pays se trouvait : « J'avais, me disait M. Cornet, seize ans, au moment de la Terreur ; j'étais possédé de la passion de suivre et d'être le specta

teur de toutes les scènes d'agitation d'alors. Ce fut une grosse affaire que celle de l'arbre de la liberté. On décida qu'une cérémonie expiatoire à laquelle assisteraient toutes les autorités, la garde nationale et la population, aurait lieu au temple de la Raison. Je me rendis sur le devant de la Cathédrale que l'on avait transformée de la sorte, pour jouir de l'aspect du cortège à son débouché sur la place de NotreDame. Dumont le précédait en grande tenue de représentant. Il avait à côté de lui les membres de la municipalité et les autorités. Tout entier à mon inspection, je fus refoulé par la masse des arrivants du péristyle dans la porte de la Cathédrale où Dumont et les siens arrivèrent en même temps que moi. Je n'eus rien de mieux à faire, pour échapper à cette pression, que de m'effacer complètement, en m'appuyant contre le pilier du milieu du portail. La chose m'était facile, j'étais long et fluet. Avant d'entrer dans l'église le cortége posa un instant. Dumont profita de ce moment d'arrêt pour se recueillir, et se disposer. Il tenait particulièrement à ne pas manquer ses entrées. Et il faut convenir qu'avec sa stature, son costume théâtral de représentant du peuple, il faisait figure dans les cérémonies d'apparat. La tête du cortège s'arrêta juste derrière le pilier et j'étais placé immédiatement contre elle. C'est alors que j'entendis ces quelques paroles qui ne sortiront jamais de mon esprit. Dumont avait pour voisin le citoyen Malivoir, l'un des bommes les plus influents dans le conseil de la

Commune « J'espère bien, dit Malivoir, en se rapprochant de Dumont, que cette fois-ci tu feras justice! Si tu n'as pas de bourreau, compte sur

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moi, je t'en servirai. » Dumont se retourne en face de lui, prend sa main, le regarde un instant dans le blanc des yeux, et lui répond: « Je recon<< nais bien là ton civisme, Malivoir; j'y réfléchirai.»> Dumont y réfléchit encore. »>

Je reprends maintenant la suite du récit de notre anglaise, qui contient une appréciation du caractère de Dumont, parfaitement en rapport avec l'opinion qu'on s'en est faite chez nous : « Mais Dumont, ajouta-t-elle, quoique transformé en tyran par les circonstances, n'est pas sanguinaire; il est, par nature et par éducation, passionné et grossier, et, en d'autres temps, il n'aurait peut-être été qu'un polisson bon enfant. Jusqu'ici, il s'est contenté d'alarmer les gens, de les dégoûter de la vie ; mais je ne crois pas qu'il ait, directement ou intentionnellement, causé la mort de personne. Il a été si souvent le héros de mes aventures, que je vous en parle sans songer qu'il est par lui-même insignifiant, malgré son pouvoir dictatorial ici, pour être connu en Angleterre. Son histoire est celle des deux tiers de la Convention. Il a débuté par être clerc d'un procureur à Abbeville, et il s'établit ensuite pour son compte dans un village voisin. Sa jeunesse n'avait pas été des plus correctes, sa profession était loin de lui fournir des moyens de subsistance, et la révolution, qui semblait faire appel à tous les gens

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