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des difficultez, qu'il les leve, qu'il preffe, 'des heretiques par la raifon, par 1'Ecritu re & par l'autorité. En un mot il fait tout ce qu'on fait, quand on veut perfuader des contredifans, & convaincre des adverfaires. Or je fuppofe & je foûtiens que les. adverfaires contre lefquels l'Apôtre agit, doivent avoir été vivans, agiffans & parlans. Je fçai bien que les Apôtres avoyent l'efprit de prophetie, & qu'ils pouvoient deviner quels feroient les heretiques qui troubleroient la paix de l'Eglife, & altereroient la faine doctrine. Mais je nie qu'ils ayent formé des difputes regulieres, longues, & pouffées en veuë de combatre les ennemis futurs & encore à naître. J'ofe dire qu'il n'eft rien de plus ridicule que de dire que l'Apôtre Saint Paul ait conçu une difpute dans toutes les formes, pour refuter les erreurs que les Scholaftiques devoient introduire dans la matiere de la juftification huit ou neuf cens ans aprés; & qu'il ait negligé des affaires plus prochaines & beaucoup plus importantes. Pourquoi n'a-t-il pas fait une difpute reguliere, pour refuter les Arriens qui devoient nier la divinité du Fils? Pourquoi n'a-t-il pas combatu l'i. dolatrie Payenne, qui devoit étre rappellée dans l'Eglife par les Grecs & par les Latins? Pourquoi n'a-t-il pas fait une difpute pour combatre le facrifice de la Meffe? Et qu'eftce que cela veut dire, qu'il ait paffé fur neuf

ou dix fiecles, & fur cent herefies importantes, pour s'attacher à une feule herefie qui devoit naître dans les derniers temps? Qu'on nous donne un feul exemple, que les Apôtres ayent difputé contre des heretiques qui n'étoient pas encore nés. Saint Paul difpute regulierement contre des heretiques qui nioient la refurrection. Ces heretiques étoient-ils à naître? n'enseignoient-ils pas, & ne vivoient-ils pas du temps de Saint Paul? l'Apôtre ne parle t-il pas de gens vivans. Comment difent quelques-uns d'entre vous, qu'il n'y a point de refurrection des morts? C'est doncune chose indubitable qu'il faut que les adverfaires contre lesquels Saint Paul a compofé l'Epître aux Romains, celle aux Galates, celle aux Hebreux, fuffent vivans &· enfeignans.

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Or où prendrons-nous ces adverfaires? ou bien il faut qu'ils foient d'entre les Gentils, ou bien d'entre les Juifs, ou bien d'entre les Chrêtiens. Les Payens ont-ils pû entrer en difpute avec Saint Paul fur la queftion, fçavoir fi l'homme étoit justifié par les œuvres, ou par la foi? Y avoit-il quelque chofe dans la Theologie Payenne qui engageât les Prêtres Payens, à foûtenir que l'homme devoit obtenir la remiffion de fes pechez, par le merite de fes oeuvres, & non par l'efficace de fa foi? Je ne croi pas 1.Cor.cap. 15. **verf.12.

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que quelqu'un ofe dire cela, que les Payens euffent quelque interêt à faire procez à Saint Paul là-deffus. C'êtoit donc peut-être entre les Chrêtiens, qu'il fe trouva des gens qui difoient, que l'homme doit étre abfous de fes crimes par le merite de fes œuvres, & non par l'efficace de la foi feule. C'est à dire, qu'il fe trouva des Docteurs qui raifonnoient fur la matiere de la justification, à peu prés comme on en a raifonné depuis fept ou huit cens ans. S'il y a eu de tels Docteurs dans l'Eglife Chrêtienne naissante, tainement ils ont dû faire quelque figure dans le monde, & pour leur nombre & pour leur poids. Car il n'y a pas d'apparence que Saint Paul fe fut tant agité contre des gens: qu'on auroit pû appeller des tenebrions, des gens fans fçavoir, fans diftinction, fans nombre, & fans appui. Si ces ennemis de la juftification gratuite ont été confiderables, qu'on nous les trouve dans l'histoire de l'Eglife. Nous y trouvons tres-bien les heretiques qui nioient la refurrection, contre lefquels Saint Paul a difputé. C'étoient des Payens faux-convertis, contre lesquels ont difputé Tertullien, Athenagore, & prefque tous les Peres des trois premiers fiecles. Nous y trouvons les Cerinthiens, & autres heretiques, qui nioient la divinité du Seigneur Jefus Chrift; lefquels Saint Jean a eu certainement en veuë quand il a compofé fon Evangile. Nous y trouvons les

Gnoftiques, qui difoient que l'homme étoit fauvé fans les œuvres, par la feule foi, & que tout étoit permis à l'homme fpirituel, contre lefquels a difputé Saint Jaques dans fon Epître. Qu'on nous trouve donc ces certains heretiques, qui nioient qu'on duft étre justifié par la feule foi, & qui vouloient qu'on affociât à la foi les œuvres dans les moyens de la juftification. C'est ce que je défie tous nos Savans de découvrir dans l'Antiquité. Il ne refte donc que les Juifs, contre lefquels l'Apôtre pût difputer dans fon Epître aux Romains & dans celle aux Galates. En effet c'étoient-là fes grands adverfaires; il les trouvoit par tout, & partout ils le croifoient & mettoient obftacle à fa predication. Il ne faut point de fcience dans l'hiftoire de l'Eglife pour fçavoir cela, iln'y a qu'à lire le livre des Actes des Apôtres. C'eft contre eux qu'il difpute prefque dans toutes fes Epîtres, dans celle-ci, dans celle aux Galates, dans celle aux Coloffiens, dans celleaux Hebreux. Dés le commencement de l'Epître aux Romains, il fait voir à qui il en veut. Pourtant, & homme, qui juges d'autrui, tu és fans excufe, &c. Voici tu és furnommé Fuif, te repofe du tout en la loi, & te glorifie en Dieu. Et fi ce pouvoit étre une chofe douteufe, j'en apporterois cent preuves. Mais avant que de s'en donner la pei * chap. 2. verf. 1.171⁄2

ne, il faut voir s'il fe trouvera quelqu'un affez hardi pour la nier. Saint Paul a donc à faire avec des Juifs: Or quels Juifs? Ce n'eft pas avec le peuple, car on fçait bien que le peuple n'eft point autheur des controverfes. C'est avec les Docteurs. Il n'y en avoit que de deux fortes, Pharifiens & Sadduciens. Car c'étoient là les deux feules, fectes qui paruffent dans le Judaïfme. Il y en avoit une troifiéme qu'on appelloit des Effeens. Mais c'étoient des gens folitaires, retirez, & qui ne paroiffoient pas. C'eft. pourquoi il ne paroît pas que Jefus-Chrift & fes Apôtres ayent eu des affaires, contre eux. Quelques Interpretes croyent qu'il lesa eu en veuë dans le fecond chapitre de, l'Epître aux Coloffiens, quand il parle de. la vaine philofophie de ces gens,qui difoient ne mange,ne goûte,ne touche point, & qui vous ioient introduire le fervice des Anges. Quand cela feroit, certainement ce n'est pas contre eux qu'il difpute dans cette Epître aux Ro mains: ce n'eft pas non plus contre les Sadduciens. Car contre ces impies, c'eût été perdre le temps que de difputer de la manie re de la juftification. Il eût falu les con vaincre de l'immortalité de l'ame, de l'existence des efprits, des peines & des récom penfes eternelles lefquelles ils nioient. C'é toient là des affaires importantes, & qu'il eût falu vuideravant tout. Il eft donc plus, clair que le jour, que les gens aufquels l'A

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