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fur la matiere de la juftification; par exemple, fil'homme eft precifement juftifié par l'habitude & par l'acte de la foi, ou fi c'est par la vertu & par le mérite des œuvres. L'Apôtre n'a point eu deffein d'entrer dans ces queftions qui divifent aujourd'hui l'école Romaine de la Proteftante. Ce n'eft pas qu'il n'ait dit beaucoup de chofes, & pofé des principes generaux qui font d'un trésgrand fecours pour vuider ces questions. Il eft certain que les ennemis que l'Apôtre avoit en vûë c'étoient ces Pharifiens, ces zélateurs de la Loi dont il eft fi fouvent parlé dans le livre des Actes, & qui traverserent de tant de façons l'établiffement de l'Evangile que Saint Paul prêchoit entre les Nations. Voions precifement quel étoit le fentiment de ces gens-là, & nous aurons trouvé la Thefe que Saint Paul combattoit. Ces gens-là foûtenoient que l'economie de Moife devoit durer eternellement, que cette alliance legale étoit la feule & l'unique voye du falut, que le Meffie n'étoit point venu pour détruire cette alliance, mais afin de la faire obferver; en un mot que la Loi de Moïfe étoit celle qui mettoit les hommes en état de grace, & qui les établiffoit dans la difpofition prochaine, comme on parle, pour la vie éternelle, en leur donnant la vraie & falutaire juftice. Voilà precisement le fentiment que Saint Paul combat, c'est à dire, qu'il établit que ce n'eft point la Loi

de Moife qui eft capable de mettre les hommes en état de grace, qu'elle ne confere point la vraye juftice falutaire, laquelle conduit neceffairement à la vie eternelle, & rend les hommes agreables à Dieu, mais que ce privilege de fauver les hommes & de les rendre veritablement juftes appartient à l'Evangile exclufivement, 1. àl'Alliance de Nature, 2. à l'Alliance Legale. Cela étant pofé, il faut prefentement voir le fens de nôtre Thefe: Nous concluons que l'homme eft juftifié par foi fans les œuvres de la Loi. Elle eft compofée de trois termes, le premier c'eft d'être juftifié, le fecond c'eft la foi, le troifiéme c'eft les œuvres de la Loi.

Les Interpretes par juftifier, entendent être abfous & déclarez juftes; par la foy, ils entendent la vertu de la foy en habitude & en acte ; & enfin par les œuvres de la Loi, ils entendent toutes les œuvres par lefquelles l'homme rend obéiffance aux Commandemens de Dieu, qui font contenus tant dans la Loi morale, que dans toute l'Ecriture du Vieux Teftament: & felon cela, le fens ordinaire qu'on donne à cette propofition, c'eft: l'homme eft déclaré jufte & abfous devant Dieu de tous fes péchez par la vertu & l'efficace de la foi, comme cause inftrumentelle qui s'applique les promeffes juftifiantes de l'Evangile, & cela en excluant toutes les bonnes œuvres faites dans la grace ou hors de la grace, comme ne contri

buant rien à la juftification. Je ne fçai fi cette These ainfi expliquée n'a point quelque chofe d'incommode, mais je fuis affuré que ce n'eft point l'intention & le but de l'Apôtre. Je dis que cette These ainsi expliquée, pourroit bien avoir quelque chofe d'incommode; car je doute qu'on doive abfolument exclure toute forte d'oeuvres de l'affaire de la juftification. Il eft vrai qu'il faut bannir abfolument tout merite des oeuvres, car il eft certain que cette proposition, l'homme eft fauvé & juftifié gratuitement, eft le fondement de toute la doctrine de la

grace. * Mais il faut obferver que quelques bonnes œuvres peuvent intervenir dans la juftification de deux manieres, ou par voye de merite, ou par voye de condition. La premiere eft neceffairement excluë comme nous l'avons dit, mais je ne voi rien qui excluë la derniere. Au contraire toute l'Ecriture la favorife, car il eft certain qu'elle demande la repentance & l'amandement de vie, comme un préliminaire d'une absolue neceffité pour recevoir la juftification. L'Ecriture Sainte crie par tout, Amendezvous, & vous convertissez, & vos péchez vous feront pardonnez; ainfi la converfion & la repentance font des conditions d'une égale neceffité avec la foi pour recevoir la justication. Or la converfion & la repentance

Voy les Eclairciffemens.

font des œuvres, & des œuvres diftinctes de la foi; & dans leur idée elles renferment les premiers actes de toutes les vertus Chrêtiennes, foi, charité, efperance, humilité, &c. Car il eft impoffible d'être vrai penitent & contrit, que l'on n'aime Dieu en quelque degré de veritable amour, que l'on n'efpere en lui & en fa mifericorde ; & enfin l'on ne fçauroit être vrai converti & repentant qu'on ne foit humilié veritablement. Or comme ces premiers actes de foi, de charité, d'efperance, & d'humilitê, qui font renfermez fous l'idée de la repentance, font de veritables bonnes œuvres, fi la repentance doit préceder la juftification, il eft clair que quelques bonnes œuvres doivent aussi préceder la juftification. Il ne faut donc pas prendre à la rigueur cette Thefe de Saint Auguftin, qui a été adoptée par tous nos Theologiens, Bona opera non præcedunt juftificandum, fed fequuntur juftificatum. Car cela fignifie feulement que cette fuite de bonnes œuvres, qui font un homme habituellement faint & jufte, ne viennent qu'aprés la juftification, & ne la précedent pas. En effet il faut remarquer que les bonnes œuvres qui compofent la repentance devant la juftification de l'homme, ne partent pas des habitudes de vertu qui foient déja établies dans l'ame. Ce font feulement des actes qui font produits par le Saint Efprit, & par cette grace que l'Ecole appclle gratia

praveniens, auxilium actuale; Ainfi la difference qui eft entre les bonnes œuvres qui fuivent la juftification, & celles qui la précedent, eft tres-grande, parce que celles qui fuivent la juftification, viennent d'une grace actuelle & habituelle,& elles font l'homme veritablement jufte, puis qu'elle le font habituellement jufte, au lieu que les œuvres qui précedent la juftification, ne font encore que des actes fans habitude, & ne peuvent par confequent donner à leurs fujets le nom de veritables juftes. C'eft pourquoi les œuvres qui fuivent la juftification,meritent beaucoup mieux que les autres le nom de bonnes œuvres, & en ce fens il eft tres-vrai de dire, bona opera fequuntur juftificatum non præcedunt juftificandum.

Au refte fi l'on confidere de prés la Theologie de Saint Paul dans la matière de la juftification, il paroîtra évidemment qu'il n'a pas deffein d'en exclure generalement toute forte d'oeuvre: Car au moins il eft certain que quand il attribuë la juftification à la foi, il entend une foi operante par charité, comme il parle ailleurs, c'est à dire, une foi qui produit efficacement les bonnes ceuvres. Il faut donc confiderer la foi fous deux égards, 1. entant qu'elle eft un inftrument de reception, ou une main qui embraffe & qui fait application des promeffes. 2. comme une œuvre par laquelle on obeït au commandement que Dieu nous donne

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