Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Saint Paul dans cette difpute fe fert de plu fieurs termes fynonymes à celui de juftifier, par lefquels nous pourrons découvrir quel eft le vrai fens de celui de juftifier. Par exemple celui de vivre de foi, dans ces paroles que l'Apôtre cite plufieurs fois du Prophete Habacuc, lejufte vivra de foi; il eft certain que vivre de foi & étre justifié par foi c'eft abfolument la même chofe; cela eft évident par ce que dit Saint Paul Gal. 3. 11. Or que par la Loinul ne foit juftifié il appert, d'autant que le jufte vivra de foi, car c'eft comme s'il difoit, or que par la Loi nul ne foit juftifié il eft évident, parce que l'homme doit être juftifié par la foi. Car la preuve de S. Paul ne vaudroit rien, fi vivre de foi ne fignifioit pas être juftifié par foi, exclufivement à la Loi. Cela n'eft pas moins évident par le premier chapitre de l'Epître aux Romains v. 17. où l'Apôtre dit, Dans l'Evangile ferévele tout à plein la justice de Dieu de foi en foi, felon qu'il eft écrit, or le jufte vivra de foi. Nous avons déja vû que le mot de justice dans ce verfet fignifie precifement la juftification. L'Apôtre veut prouver que dans l'Evangile la juftification fe revele, il le prouve par le texte d'Habacuc, or le jufte vivra de foi; à moins que vivre de foi ne foit la même chofe, qu'être juftifié par foi, la preuve eft abfolument nulle. Voions prefentement ce que fignifie la vie de la foi, où vivre de foi, Il eft certain que cela fignifie cette vie de la

grace qui nous eft communiquée par l'Evangile. Or cette vie de la grace comprend ces deux chofes, la remiffion des pechez & l'infufion de la fainteté, car l'homme vit avec Dieu, parce qu'il eft forti de la mort, c'est à dire du pêché par la remiffion, & parce qu'il eft uni avec Dieu par la conformité de fa juftice. Ainfi le mot de juftification & de juftifier qui eft fynonyme à celui de vivre par foi doit comprendre les deux parties qui compofent la vie de la grace.

Voici encore un autre terme de même fignification que celui de juftifier, c'est celui de fauver, par exemple l'Apôtre Saint Paul au 2. chapitre de l'Epître aux Ephefiens: vous étes fauvez par grace, par la foi, cela non point de vous, c'eft le don de Dieu, non point par œuvres, &c. & dans la 2. à Timothée chap. 1. v. 9. qui nous a fauvez & appellez par une fainte vocation, non point felon nos œuvres, mais felon fon propos arrêté, &c. Pareillement dans le 3. chap. de l'Epître à Tite v. 4. & 5. Quand la benignité & l'amour de Dieu nôtre Sauveur eft clairement apparue il nous a fauvez nonpoint par œuvres de juftice que nous euffions faites, mais felon fa mifericorde par le lavement de la regeneration & le renouvellement du Saint Esprit Il eft clair que dans tous ces paffages l'Apôtre. prend le mot de fauver pour celui de juftifier; car il attribue le falut comme la juftification à la grace & à la foi, & en exclud

:

expreffement les œuvres, comme il fait dans la matiere de la juftification. Et en effet dans le paffage de l'Epître à Tite il explique le mot de fauver dont il s'eft fervi par celui de juftifier, car il ajoûte immediatement aprés les paroles que nous avons citées; afin qu'étant juftifiez par la grace d'icelui, nous foyons beretiers felon l'efperance de la vie eternelle. Cela étant pofé que le terme de justifier & celui de fauver font fynonymes dans la difpute de Saint Paul, au moins dans la plufpart des endroits, il eft clair que le mot de juftifier doit comprendre les deux parties qui font neceffaires pour être fauvé. Etre fauvé comprend deux chofes, la premiere, recevoir la remiffion des péchez & par là être delivré de la colere de Dieu, la feconde, recevoir l'efprit de fanctification & par là être delivré de l'esclavage du peché: & par confequent le terme de juftifier comprend auffi ces deux chofes-là.

Remarquons encore, que le mot de benir dans cette difpute de Saint Paul, fignifie la même chofe que celui de juftifier. Dans l'Epître aux Galates chap. 3. v. 8. l'Ecriture prevoyant que Dieu juftifie les Gentils par la foi, a cy-devant evangelifé à Abraham, diJant; toutes nations feront benites en toy. Ileft clair que l'Apôtre prend le terme de benir pour celui de juftifier, puis qu'il prouve que la promeffe faite à Abraham que toutes les Nations feroient benites en lui, a été ac

complie en ce que Dieu a juftifié les Gentils par la foi. Dans le quatorziéme verfet du même chap. l'Apôtre dit, afin que la benediction d'Abraham avint aux Gentils par Fefus-Chrift. Cette benediction d'Abraham eft fans doute la juftification. Si nous fuppofons encore ceci, que le mot de juftifier & celui de benir dans cette dispute sont de même fignification, il paroîtra clairement que le terme de juftifier doit embraffer & la remiffion des pêchez & l'infufion de la juftice inherente. Car le terme de benir comprend l'un & l'autre, puis qu'un homme ne feroit pas veritablement beni de Dieu qui n'auroit que l'une ou l'autre de ces deux chofes.

4. Voici une nouvelle raifon qui nous perfuade cela même que juftifier fignifie conferer toute la juftice evangelique, c'eft que dans le 5. chap. de cette Epître aux Romains l'Apôtre fait une oppofition de la maniere dont le peché eft defcendu d'Adam fur les autres hommes, à la maniere dont la juftice de Jefus-Chrift paffe de lui à fes fideles. Or le peché d'Adam eft communiqué à fes defcendans par deux voyes, l'une eft l'imputation, foit qu'on la pofe mediate ou immediate; l'autre eft la propagation des foüillures inherentes. Afin que l'oppofition foit jufte & raisonnable, elle doit être parfaite dans toutes fes parties: & par confequent afin que l'oppofition qui eft ici entre

le pêche d'Adam & la juftice de Jefus Chrift foit jufte, il faut que la juftice de Jefus Christ passe fur les fideles par deux voyes. La premiere eft celle de l'imputation qui fait la remiffion des pechez, l'autre eft la communion de la juftice inherente par la vertu du Saint Efprit. Et il eft clair que le terme de juftifier dans l'intention de Saint Paul comprend l'une & l'autre de ces parties, puis qu'il oppofe toûjours la juftification que nous recevons par Jefus Christ à la corruption que nous heritons d'Adam, la coulpe, dit il, eft d'une feule offense en condamnation, mais le don eft de plufieurs offenfes en juftification, & peu aprés: comme donc par une feule offenfe la coulpe eft venue fur tous hommes en condamnation, ainfi aussi par une Jeule juftice nous justifiant, le don eft venu fur tous hommes en justification de vie. Il y a d'avantage, c'eft que l'Apôtre Saint Paul. explique le terme de juftifier par celui de rendre jufte, & il ajoûte: Comme par la defobeiffance d'un feul homme plufieurs ont été rendus pecheurs, ainfi par l'obeiffance d'un feul plufieurs feront rendus juftes, Or nous ne fommes rendus juftes que par cette double juftice, la juftice imputée & la juftice inherente, & par confequent le terme de juftifier comprend le don de l'une & de l'autre justice.

5. Ajoûtons à tout cela que l'Apôtre S. Paul comprend evidemment la fanctifica

4

« VorigeDoorgaan »