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empressé de recourir aux livres du siècle de Louis XIV. Ceux des novateurs sont tombés dans l'oubli : les réputations qu'ils s'étoient élevées, se sont écroulées comme un édifice bâti dans un marais. Les ouvrages de Bossuet et. de Fénelon sont redevenus classiques : et il semble que la révolution ait produit à leur égard l'effet des siècles : ils sont pour nous ce qu'étoient pour eux les anciens.

Ce retour vers le bien est très-remarquable et caractérise l'époque présente. On en verra l'effet dans les fragmens rassemblés dans le SPECTATEUR. J'ose dire qu'il nous présage un plus heureux avenir. Mais qu'on ne croie pas néan→ moins que ce jour naissant ne soit pas encore mêlé d'ombre. Il y a toujours une résistance au bien; et les novateurs, quoique convaincus de leur impuissance, lui opposent au moins le regret du mal qu'ils ne sont plus en état de

causer.

Blåmera-t-on le SPECTATEUR de n'avoir pris ses Mémoires que dans une seule classe d'écrivains ; lui reprochera-t-on de n'avoir pas adopté les opinions de ceux, qui se donnent à eux-mêmes le nom de philosophes. Il est prêt à rendre compte des motifs qui ont dirigé son choix.

Lorsque le SPECTATEUR entendit pour la première fois parler de la philosophie moderne,

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crut qu'elle formoit un corps de doctrine; qu'elle avoit des principes fixes et des préceptes uniformes; que tous ses sectateurs avoient les mêmes, dogmes, et qu'ils prêchoient la même morale. Quelle fut sa surprise lorsqu'il ouvrit les livres des patriarches de la secte, et qu'il les trouva entièrement opposés les uns aux autres! Là, Voltaire traite de plat énergumène ce Rousseau, qui dans son déisme soutient la croyance d'un Dieu rémunérateur, et de l'immortalité de l'ame; qui sent la nécessité d'un culte, et rend même hommage à la sublimité surnaturelle de l'Evangile. Ici, Helvétius regarde Voltaire comme un cagot, parce qu'il croit à l'existence de Dieu. Enfin, Helvétius, qui s'étoit fait une espèce de morale ennemie des excès, est mis au rang des esprits foibles par: Diderot, qui, plus conséquent dans son athéisme, ne veut reconnoître aucun mal, ni rien interdire aux passions des hommes, et qui dans un écrit posthume, le testament de sa philosophie,

Honore l'adultère, applaudit à l'inceste.

C'est ainsi que nul accord n'existoit entre ces chefs des soi-disant philosophes. Réunis uniquement par leur fanatisme irréligieux, ils ont conspiré contre, le, Christianisme; et lorsleurs disciples ont cru un instant en avoir

que

triomphé, semblables à ces animaux qui, unis un moment pour la chasse, se divisent et se battent pour le partage de leur proie, chacun d'eux a voulu élever un autel à la place de celui qui venoit d'être renversé. L'un déifioit la raison et lui consacroit des temples; l'autre inscrivoit l'arrêt du néant sur les portes des lieux destinés aux sépultures: un grave penseur enseignoit que l'athéisme devoit être la religion des républicains; un fondateur de la république faisoit décider à la pluralité des voix, qu'il existeroit désormais un Dieu, et que même l'ame seroit immortelle. Plus loin se formoit l'Eglise des Théophilantropes. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que tous ces fantômes de culte ne parvenoient à s'établir un jour, qu'avec l'appareil des échaffauds : et il a fallu à tous ces nouveaux dieux des victimes humaines. Je crois en un mot, qu'il ne faut jamais méconnoître ce caractère particulier des novateurs modernes : c'est que, malgré leur nombre, ils n'ont pas même l'avantage de former une secle.

Mais puisque le SPECTATEUR n'a pu leur emprunter un corps de doctrine qui leur manque, il ne lui reste qu'à se justifier de n'avoir pas admis dans son recueil leurs opinions particulières.

"

Si, par exemple, j'étois tenté d'insérer dans

ce Recueil des déclamations semblables à celles dont Raynal a rempli son Histoire du Commerce, je me rappellerois, que cet écrivain a eu łe malheur de vivre assez pour assister à la fatale expérience de ses théories, et qu'effrayé de sa propre renommée, il s'écrioit avec l'accent du désespoir : « Seroit-il donc vrai qu'il fallût me » rappeler avec effroi que je suis un de ceux » qui, en éprouvant une indignation géné>> reuse contre le pouvoir arbitraire, ont donné » peut-être des armes à la licence. La religion, >> les lois, l'autorité royale, l'ordre public re>> demandent-ils donc à la philosophie, à la rai» son, les liens qui les unissoient à cette grande » société de la Nation Française, comme si, >> en poursuivant les abus, en rappelant les >> droits du peuple, et les devoirs des princes, » nos efforts criminels avoient rompu ces » liens (1). »

(1) C'est ainsi que s'exprimoit Raynal dans sa lettre à l'Assemblée Constituante. On sait de quels murmures la lecture en fut interrompue par le côté gauche. Un membre (M. Boutidoux) s'écria: Si l'on est d'avis d'enten

ע

dre ces insolences-là, je m'en vais. » (Ce qui sans doute eût été une calamité irréparable. ) Uų autre membre demanda la parole contre le Président qui se justifia en disant, que M. Raynal lui avoit déclaré qu'il publieroit

Si j'avois un instant pensé que des dissertations anti-religieuses pouvoient être admises

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sa lettre, s'il refusoit d'en donner communication à l'As emblée. Enfin ce fut Robespierre qui remplit la tâche d'y répondre dans le sein de l'Assemblée. Sa réponse fut couverte de vifs applaudissemens. -Peu de jours après, un écrivain dont la fin tragique et le repentir ont expié ses opinions d'alors (André Chénier), adressa à Raynal une lettre où il lui reprochoit la démarche qu'il venoit de faire. « Voltaire, lui disoit-il, Montesquieu, Rousseau, Mably, sont morts avant d'avoir » vu fructifier les germes qu'ils avoient semés dans » les esprits. Vous vivez, vous qui avez avec eux préparé les voies de la liberté; et comme dans ces as»sociations ingénieuses, où les vieillards qui survivent » héritent de toute la fortnne de leurs confrères morts, on se plaisoit à voir accumuler sur votre tête le tribut » de reconnoissance et d'hommages que l'on ne peut plus

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offrir qu'à leur cendre.

» Quel a donc été l'étonnement général de vous voir

prendre le ton de vos anciens persécuteurs, de vous » voir regarder comme ami et comme allié par ceux qui jadis ne parloient de vous qu'avec ces expressions inju»rieuses, qu'eux et leurs pareils prodiguoient à quicon» que haissoit le fanatisme et la tyrannie, et vouloit le bonheur du genre humain! et cette alliance n'est pas » venue d'eux; car ce n'est pas eux qui ont changé d'esprit et de langage...............

» Vous avez appelé à grands cris un libérateur qui mit » le fer à la main de ces malheureux opprimés (les Noirs);

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