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tienne au-dessus de la tribune de Rome et d'Athènes, s'il est vrai, comme l'établit Longin, qué le sublime doit passer avant tout le reste; ce Discours sur l'Histoire Universelle, dont la lecture. étonne et confond à chaque page, dont l'exécution et en quelque sorte la pensée sembloient surpasser la capacité de l'homme; voilà parmi les œuvres de Bossuet, celles qui sont les plus généralement connues du public; mais ces élévations sur les mystères, si dignes de ce nom par la hauteur des pensées; ces avertissemens.... si forts de doctrine, surtout le cinquième, où l'on creuse jusqu'aux fondements des sociétés humaines; cette politique sacrée, qui pour ne pas faire des rapports de l'homme à ses semblables, et des rapports des peuples à leurs chefs, une chaîne sans commencement, en altache le premier anneau au trône même de celui qui, étant l'ordre par essence, ne peut approuver que l'ordre sur la terre; cette Histoire des variations qui, sous la plume d'un autre écrivain, eût été sèche et lánguissante, et qui est si éloquente sous celle de l'évêque de Meaux; ces sermons enfin (pour borner ici l'énumération), qui sont un vrai trésor de beautés politiques, morales et religieuses voilà, ce me semble, ce que le public ne connoît presque pas.

Que les amateurs du beau prennent en main ce volume, qu'ils ne s'arrêtent pas à quelques expressions vieilles, à quelques inégalités inévitables au génie; et ils seront étonnés de trouver si fréquemment dans chacun des discours choisis, le Bossuet des Oraisons funèbres. Le lecteur qui rencontre un grand nombre de beautés d'un ordre supérieur, n'a pas le courage de critiquer. Quand le soleil, dans les splendeurs de son midi, anime la

nature, on ne s'embarrasse pas de savoir si le télescope y fait découvrir des taches.

Ne vous attendez pas à trouver dans Bossuet la méthode toujours bien marquée de Bourdaloue, ni les graces touchantes de Massillon; mais aussi vous serez éveillé de temps en temps par des pensées vives et fortes, des tournures originales, d'impétueux mouvemens, des réflexions profondes qui invitent à la méditation, des images grandes qu'on ne trouve point ailleurs; et pour des traits de ce genre on donneroit des discours entiers. L'âge mûr est l'époque de la vie où il faut lire Bossuet; je ne sais si à vingt ans on n'est pas trop jeune pour en sentir les profondes beautés, et si dans la vieillesse on n'est pas trop appesanti par l'âge pour se prêter à ses élans et à son audace: on peut dire de lui ce qu'il a lui-même dit de ce héros dont il s'est montré l'égal en le célébrant si dignement, qu'il s'avance par vives et impétueuses saillies. Madame de Sévigné disoit, qu'il se battoit à outrance avec son auditoire, et que chacun de ses sermons étoit un combat à mort. Jamais peut-être on n'a porté d'un orateur un jugement plus original et mieux senti. Oui, il est des momens où l'on croit voir l'orateur poursuivre le vice, l'atteindre, le terrasser et le forcer d'avouer sa défaite. Ainsi, parlant quelque part de ce faux honneur qui n'est pas la vertu, il dit : « Je ne me contente pas de lui >> refuser de l'encens, je veux faire tomber sur >> cette idole la foudre de la vérité évangélique; je >> veux l'abattre tout de son long devant la croix » de mon Sauveur, je veux la briser et la mettre » en pièces. Parois donc ici, honneur du monde! » vain fantôme des ambitieux et chimère des es» prits superbes, je t'appelle à un tribunal où ta

>> condamnation est inévitable !.

...

>> Voilà de ces touches mâles et vigoureuses, de ces manières vives, hardies et populaires, sans lesquelles il n'est point de véritable orateur.

Quel spectacle que celui de l'évêque de Meaux avec ses traits majestueux, la dignité de son caractère, l'empire de ses vertus et la force de son génie, élevant la voix devant le roi le plus puissant de la terre et la Cour la plus magnifique de l'univers, et du haut de la tribune sacrée faisant entendre ces paroles d'une simplicité terrible, qui commencent son discours sur la mort et sur l'immortalité, au sujet du tombeau de Lazare!

<< Me sera-t-il permis aujourd'hui d'ouvrir un >> tombeau devant la Cour; et des yeux si délicats » ne seront-ils point offensés par un objet si fu» nèbre ?.... C'est une étrange foiblesse de l'esprit » humain, que jamais la mort ne lui soit pré» sente, quoiqu'elle se mette en vue de tous cô»tés et en mille formes diverses. On n'entend » dans les funérailles que des paroles d'étonne» ment, de ce que ce mortel est mort; chacun » rappelle en son souvenir depuis quel tems il lui » a parlé, et de quoi le défunt l'a entretenu, et >> tout-à-coup il est mort; voilà, dit-on, ce que >> c'est que l'homme, et celui qui le dit c'est un >> homme, et cet homme ne s'applique rien, ou» blieux de sa destinée.... >> On ne sait que citer dans un court article de journal, parce que, dans l'endroit même du sermon, ce que l'on veut citer tire de tout le reste une force et une beauté qu'il n'a plus quand on l'en détache. Chacun a un goût particulier qui tient à une manière de sentir qu'on n'est pas le maître de se donner, mais je ne serois pas étonné que plus d'un lecteur trouvât

que Bossuet, dans ses sermons choisis, laisse derrière lui tous les autres orateurs. Quand on le quitte pour en prendre un autre, on croit être descendu de la cime d'une haute montagne dans une vallée, on peut bien y entendre le chant des oiseaux, voir des côteaux fertiles et reposer sa vue sur les eaux d'un beau fleuve; mais on n'est plus parmi la tempête de feu qui lance de toutes parts des foudres et des éclairs.

Je finis par une réflexion : c'est que très-souvent Bossuet unit aux plus hautes pensées les sentimens les plus tendres; et, je l'avoue, quand je vois tant de science et tant de vertu, tant de génie et tant de piété, je me sens ému, je pleure d'attendrissement et d'admiration, je me trouve affermi dans la religion de nos pères, et j'adore, ce me semble, avec plus de foi le grand Dieu que son pontife me prêche si éloquemment. V.

Toura

I V.

De la tolérance de Fénelon,

OUT a été dit sur Fénelon, et les éloges de ses écrits comme de ses vertus sont épuisés. Péu de noms ont réuni plus de suffrages, se sont acquis un plus grand nombre d'admirateurs sincères : il n'est pas un seul homme de génie qui ne s'honorât d'avoir composé ses ouvrages, comme il n'est pas un seul homme vertueux qui ne desirât de l'avoir eu pour ami. Les disciples de toutes les religions, les hommes de tous les partis, se confondent ici dans les mêmes hommages, et d'un bout de l'Eu rope à l'autre, on ne trouveroit pas une seule voix

qui n'applaudît à ce vers si naturel et si vrai d'un de mos meilleurs poëtes :

Son goût fut aussi pur que son ame étoit belle.

FONTANES.

Mais une chose très-digne de remarque, et que, jusqu'à présent nous n'avons pu guère expliquer , c'est la dévotion qu'ont toujours conservée pour lui les indévots même; c'est le culte que lui vouent ceux même qui ne veulent plus de culte; c'est que les philosophes se soient passionnés pour un homme qui a passé sa vie à déclarer la guerre à tous les philosophes passés, présens et futurs ; c'est de voir les athées se prosterner devant ses images, en dépit de son beau traité sur l'existence de Dieu, et tous les anti-prêtres s'extasier pour un prêtre dont ils blasphêment la religion, et dont ils bafouent le ministère. Toutes les académies le célèbrent avec autant d'enthousiasme que s'il eût été chimiste. Les baladins l'ont transporté sur le théâtre; les défunts théophilantropes le chantoient dans leurs temples décadaires; tous les cosmopolites de profession, tous les docteurs économiques, tous les maniaques sentimentaux dressent des chapelles en son honneur, et le placent sur le même autel avec Jean-Jacques. Il n'y a pas même jusqu'à ces hommes qu'on n'appelle plus par leur nom, tant il est odieux, qui ne l'aient inauguré dans leurs repaires, après l'avoir plus d'une fois flétri dans leurs tribunes, d'une mention honorable. Quoi donc! et quel peut être ici le but de tout ce monde-là ? Voudroient-ils, par hasard, nous faire prendre le change? Voudroientils nous donner à entendre que ce grand homme leur appartient, qu'il a pensé comme eux, et qu'ils ont droit de le revendiquer comme un de leurs

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