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trouve chez le Lapon tapi dans ses neiges, aussi bien que dans le bel esprit qui pérore à côté du poële d'un athénée : telles sont la reconnoissance envers un bienfaiteur, la piété filiale. On dit que ces sentimens sont dans la nature; en ce sens, le mot nature exprime un sentiment du cœur.

Dans l'ordre physique, le mot nature désigne l'universalité des êtres qui composent cet univers.

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Maintenant que nous avons fait cet examen ana→ lytique, je m'adresse à un athée, et je lui dis : voyez l'homme, ce prodige d'organisation par son corps, mais encore mille fois plus prodigieux par sa pensée et son intelligence : Si je remonte d'âge en âge, de génération en génération, il faudra bien que j'aboutisse à un homme qui ait été le premier de tous; eh bien, cet homme qui fut le premier de son espèce, qui l'a fait ? la nature. Fort bien, citoyen philosophe; mais de quelle nature me parlez-vous ici? Est-ce de la nature en tant qu'elle est l'essence de chaque chose, ou en tant qu'elle est un sentiment, ou en tant qu'elle est l'universalité des êtres? Je manque peut-être un peu de philosophie, mais j'avoue que dans rien de tout cela, je ne puis appercevoir la cause de l'homme. En vérité, il est des choses qui ont de l'apparence et qui réduites à leur juste valeur, ne sont plus que des niaiseries. C'est une jolie chose que la philosophie avec ses mots qu'elle n'entend pas; mais c'est une bonne chose aussi que le sens commun avec des mots qu'il définit bien, et les idées claires qu'il présente à l'esprit.

Depuis que nous avons disséqué l'entendement humain, mis sur la table et comme sous les yeux la pensée et ses élémens, nous avons cru avoir prodigieusement avancé dans la métaphysique, l'ana

lyse devoit écarter de nos conceptions jusqu'à l'ombre de l'erreur, comme les mathématiques devoient nous faire sentir, comme par instinct, la vérité partout où elle se trouvoit ; et voilà qu'après un siècle de procédés analytiques et de calculs, nous nous étions précipités dans l'athéisme, qui est l'extinction de toute vérité, et la dissolution de toutes choses. On se moque avec raison des réalistes et des nominaux, et l'on ne s'apperçoit pas que les idéologues agitent des questions plus ridicules, plus impertinentes que celles de ces vieux dialecticiens, ne fussent-elles pas mille fois plus dangereuses. On se moque des qualités occultes, et cela est bien fait; mais du moins les anciens physiciens, en se trompant sur les causes secondes, ne bannissoient pas de l'univers la cause intelligente qui seule a pu donner à l'homme l'intelligence, et dont la sagesse est tracée en couleurs brillantes sur l'aile du papillon comme elle est écrite en lettres de flamme à la voûte des cieux. Aux mauvaises explications, nous avons substitué un grand mot, celui de nature. Les philosophes du 18. siècle avoient sonné le tocsin contre les préjugés; ils croyoient les avoir mis tous en fuite, et tout-à-coup la morale, la politique, la législation, les lettres, l'éducation, la langue, tout jusqu'à l'orthographe, se trouva enveloppé de préjugés barbares : un court espace de temps accumula plus de folies que n'en avoit offert l'espace de plusieurs siècles, et il se trouve encore des hommes qui ne sont pas guéris des doctrines désolantes, et qui n'en voient pas le résultat dans ce long amas de sottises qu'a su enfin réparer le génie.

Je reviens à mon objet : et nous aussi qui croyons en Dieu, nous employons bien le mot nature; nous parlons de loi de nature, de sentimens naturels,

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nous disons voilà une affection qui est dans la na ture, voilà un devoir que dicte la nature ; mais en parlant ainsi nous sommes bien loin de vouloir exclure la cause première, créatrice et conservatrice de tout ce qui existe; nous rougirions de nous arrêter à une abstraction, à un être purement métaphysique qui n'a en lui aucune intelligence, ni sagesse, à une dénomination de grammaire, à cette universalité des êtres, qui est l'idole des athées ; ainsi, par loi naturelle nous n'entendons pas un je ne sais quoi sans principes, mais une règle dont nous avons le sentiment, par laquelle Dieu luimême nous fait connoître ce qui est dans l'ordre et ce qui ne l'est pas.

Si je contemple cet univers avec cet ensemble de merveilles qui nous ravit sans nous lasser jamais, mon esprit aime à s'élancer au-delà des temps et des espaces; il voudroit percer le voile qui lui dérobe le secret des choses, pénétrer jusqu'au trône de celui qui est ; et voilà qu'au moment où je me livre aux élans de ma pensée, un athée m'observe froidement que tout ce que je vois est l'effet nécessaire des lois mécaniques de ce monde, et qu'il ne faut rien chercher au-delà de la nature. - A merveille! Mais l'indication des heures sur le cadran, est bien l'effet nécessaire des mouvemens mécaniques des rouages de l'horloge; toutefois ne puisje pas demander quelle est la main intelligente qui a mis en ordre toutes les parties de cette machine, et les a disposées avec tant d'artifice, que leur effet ne manque jamais? Constamment dût-on me traiter de capucin, je suis tenté de dire avec le patriarche même des beaux esprits philosophes du dix-huitième siècle : Une horloge prouve un horloger, et l'univers prouve un Dieu. En ne voyant

dans le monde que les lois de la nature, sans remonter à leur auteur, les philosophes, comme l'a observé quelque part un métaphysicien célèbre, ont pris la législation pour le législateur.

Après dix ans de combats et de victoires, une grande nation n'est pas encore sûre de ses destinées ; il s'agit de les fixer: une armée se forme avec la rapidité de l'éclair; elle franchit des monts jusquelà inaccessibles, et la voilà dans la plaine; elle paroît comme l'aigle descendu des nues : la bataille est donnée, et par un seul triomphe, le vainqueur a conquis une vaste contrée, dompté l'Europe et commandé la paix à la terre. Je demande quelle est la cause de cette suite de prodiges ?.... La va→ leur. J'en conviens; mais encore ?.... La discipline. J'en conviens; mais encore ?.... L'habileté encore?.... des capitaines. J'en conviens; mais encore ?... Ne faut-il pas arriver enfin à un héros qui a conçu le plan, dirigé tout par sa sagesse, animé tout par les feux de son génie? L'application de cette fable, qui n'en est pas une, se présente d'ellemême.

et

Qu'on argumente, qu'on subtilise tant qu'on voudra, le mot nature, si l'on ne veut pas se contenter d'un mot, ne portera jamais dans l'esprit aucune connoissance qui dispense de recourir à la cause première, par laquelle on explique tout, sans laquelle on n'explique rien: si l'on veut enfin parler de bonne foi, on dira avec M. de Buffon: La nature est le systéme des lois établies par le Créateur, pour l'existence des choses et la succession des étres.

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X I I.

Missions du Père Brydayne.

M. BRYDAYNE, connu sous le nom de père Brydayne, fut un des plus célèbres missionnaires du dernier siècle. Toute la France a retenti du bruit de son nom : il la parcourut en apôtre pendant plus de quarante ans. Plus de cent diocèses furent le théâtre de son zèle; il y fit avec un succès toujours égal plus de cent cinquante missions, où il renouvela les prodiges des Xavier et des Regis. Peu d'orateurs ont mieux connu ce grand art de dominer la multitude, de s'emparer d'un vaste auditoire, de remuer à son gré les esprits, de frapper l'imagination par de grandes images, des traits inattendus, et par ces mouvemens d'une éloquence antique et populaire dont il ne reste presque plus de trace parmi nous, Ce n'étoit pas Bourdaloue pour la pureté de sa diction et la régularité de ses plans, mais il faisoit ce que Bourdaloue n'a pas fait, et c'est bien surtout de Brydayne que ce grand orateur auroit dit ce qu'il disoit d'un missionnaire de son temps, qu'il faisoit rendre à ses sermons les mouchoirs qu'on voloit aux siens. Que de restitutions! que de réparations de torts et de dommages! Dans la seule ville de Châlons-sur-Saône, en 1745, il y en eut pour plus de vingt mille francs; la plupart même se firent publiquement, tant étoit grande l'impulsion que l'homme apostolique avoit communiquée. Il étoit nonseulement l'apôtre, mais le juge-de-paix de toutes les paroisses qu'il évangélisoit. C'est à son tribunal que se portoient tous les différends de familles; c'est

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