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lui intente, n'a plus aucun intérêt personnel à sauvegarder, laisse juger contre lui, même sans mauvaise foi, mais par un découragement et une indifférence que le défaut d'intérêt explique, une question de propriété dans laquelle une défense aurait facilement triomphé. Comment veut-on qu'un tel jugement, rendu par défaut peut-être, ait son effet contre des créanciers seuls intéressés, et à l'insu desquels il aura été rendu et passé en force de chose jugée?... Quoi de plus propre à ébranler le crédit public?... Un danger aussi effrayant n'existe pas même pour des acquéreurs d'une portion de l'immeuble, puisque leur auteur aurait toujours à défendre sa propre portion; et il existe encore bien moins pour des acquéreurs de simples servitudes, puisque ces servitudes laissent au concédant la valeur presque entière de l'immeuble.

Ainsi, en refusant aux créanciers hypothécaires un droit qu'il est bien forcé de reconnaître aux acquéreurs de portions de l'immeuble ou de servitudes, le système de Merlin repousse précisément pour le cas où il est beaucoup plus facilement praticable et de première nécessité, un droit d'intervention qu'il accorde dans le cas où son application est plus difficile et bien moins utile!... On peut donc dire, en renversant la phrase de M. Bonnier, que cette doctrine n'est pas plus utile que logique, et que, loin de là, elle est aussi contraire aux besoins de la société qu'aux principes du droit positif.

XIII. Il est certaines classes de personnes qui, par leur rapport avec telle autre, se trouvent légalement représentées par elle dans les jugements qui leur sont profitables, et ne sont plus que des tiers, au contraire, pour ceux qui leur seraient nuisibles. C'est-à-dire que, dans ce cas, la partie qui a plaidé se trouvait, par sa position envers la personne à laquelle il s'agit d'opposer le jugement, avoir mandat pour rendre meilleure la condition de celle-ci, mais non pour la rendre pire.

Ainsi, les acquéreurs d'un bien, quoique le jugement rendu sur ce bien contre leur auteur sur une demande postérieure à l'aliénation soit pour eux res inter alios judicata, peuvent invoquer, au contraire, le jugement rendu dans le même cas au profit de cet auteur. Par exemple, quand vous avez intenté contre Paul une revendication de la maison que celui-ci venait de me vendre et que vous avez succombé, vous ne pourrez pas intenter de nouveau une action semblable contre moi, en disant que le jugement obtenu par Paul n'est point obtenu par moi; car Paul, qui n'avait plus lors du procès la propriété de la chose, n'a pu plaider que pour mon compte, comme mon gérant d'affaires; et si je puis bien ne pas respecter cette gestion et argumenter du défaut de pouvoir, quand cette gestion m'est nuisible, je suis bien le maître aussi de la ratifier quand elle m'est profitable.

Ainsi encore, l'usufruitier sera représenté par le nu propriétaire quant à son usufruit, et le nu propriétaire par l'usufruitier quant à sa nue propriété, dans les jugements obtenus par l'un d'eux contre d'autres personnes sur la pleine propriété du bien, tandis qu'ils ne le se

raient pas si les jugements étaient rendus au profit de ces autres personnes. Ce point a été expliqué sous l'art. 614 (1).

De même, celui qui se trouve actuellement propriétaire d'un bien, mais sous une condition résolutoire, soit parce qu'il l'a acquis sous cette condition, soit parce qu'il l'a aliéné sous une condition suspensive (art. 1168, no I), et dont la propriété vient à s'évanouir rétroactivement par l'avénement de la condition, aura dùment représenté, quant aux jugements favorables relatifs au bien, celui qui se trouve définitivement être et avoir été propriétaire, tandis qu'il ne l'aura pas représenté dans les jugements contraires (2).

Il en est ainsi encore du simple possesseur ou propriétaire apparent, relativement au propriétaire réel qui vient l'évincer; car, ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le dire, ce propriétaire apparent se trouvait l'administrateur du bien, ayant évidemment qualité pour faire tout ce qui intéressait le véritable maître, et n'ayant aucun pouvoir, au contraire, pour détruire ou compromettre les droits de celui-ci.

On doit également mettre sur la même ligne, malgré l'opinion contraire de Toullier (X, 207), les jugements rendus, sur ce qui touche la propriété d'un immeuble, et même sur un droit indivisible de servitude sur cet immeuble, pour ou contre l'un des copropriétaires indivis de l'immeuble. Ce copropriétaire aura suffisamment représenté les autres copropriétaires contre le tiers dans les jugements favorables à ces copropriétaires, mais il aura été sans qualité si le jugement est favorable au tiers, malgré l'indivisibilité de l'objet. Toullier, invoquant une loi romaine dont la pensée est assez obscure, et s'appuyant, mais à tort, de l'autorité de Pothier, prétend que les copropriétaires seront représentés ici aussi bien dans les jugements contraires que dans les autres. Mais sa doctrine, repoussée avec raison par MM. Duranton (XIII, 528) et Bonnier (no 702), est évidemment inadmissible, et l'indivisibilité même de l'objet ne saurait faire que la question de savoir à qui il appartient puisse se juger contre quelques-uns de ceux qui s'en prétendent maîtres, sans leur concours. Qu'importe que la chose soit indivisible? Peut-il y avoir là une raison, un prétexte même, pour que je sois dépouillé de ma copropriété sur elle, sans être admis à défendre mon droit?... Aussi Pothier, après avoir dit, au no 59 de sa section de l'autorité de la chose jugée, que le jugement défavorable se trouve alors, vu l'indivisibilité de l'objet, exécutoire par la nature même des choses contre tous les copropriétaires, a-t-il soin, ce que n'a pas remarqué Toullier, d'ajouter, au numéro suivant, que ceux qui n'y ont pas figuré peuvent y former opposition en tiers (tierce opposition), sans qu'ils aient besoin d'alléguer la collusion. Or celui qui a été représenté dans

(1) Voy. Duranton (no 520); Zachariæ (p. 773 et suiv.); Aubry et Rau (p. 487); Dalloz ( Chose jugée, 265); Larombière (art. 1351, no 102); Proudhon (De l'Usuf., 37 et suiv., 1267 et suiv.).

(2) Voy. Proudhon (De l'Usuf., t. III, p. 1314); Aubry et Rau (3o édit., t. VI, p. 487-491); Larombière (art. 1351, n° 112 et suiv.).

T. V.

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un jugement n'y peut former tierce opposition (opposition en tiers en tant que tiers) qu'à la condition de prouver qu'il y a eu fraude de son représentant, fraude qui fait tomber la qualité de représentant; mais quand on peut former la tierce opposition sans alléguer la fraude, c'est qu'on est complétement tiers et que le jugement est res inter alios acta. La doctrine de Pothier signifie donc que si l'indivisibilité de l'objet a pour conséquence naturelle et forcée de faire rejaillir l'exécution du jugement par ceux-là mêmes qui n'y ont pas figuré, elle n'empêche pas que ceux-ci ne soient toujours des tiers, ayant le droit absolu de faire juger la question de nouveau, sauf à eux à ne pouvoir agir pour cela que par la tierce opposition, au lieu d'avoir le choix entre cette tierce opposition et une action principale. C'est là aussi, tout simplement, ce que juge un arrêt de rejet du 19 décembre 1832 (1); et M. Bonnier se trompe quand il critique cet arrêt, comme déclarant ayants cause les uns des autres les copropriétaires d'un objet indivisible.

Toullier commet donc une grave erreur dans ce n° 207, comme il en commet une autre également grave dans le numéro précédent, quand il dit que toute obligation indivisible est par là même solidaire. (Voy. art. 1225, n° II.)

Cette dernière idée fausse de Toullier le conduit à dire que le codébiteur d'une dette indivisible est représenté par son codébiteur aussi bien dans les jugements qui leur sont contraires que dans ceux qui leur seraient favorables, puisque, étant codébiteurs solidaires, ils se trouvent par là mandataires les uns des autres. Mais comme cette prétendue solidarité n'existe pas, et que longè aliud est, ainsi que le disait Dumoulin, plures teneri in solidum, et aliud obligationem esse individuam, la conséquence de Toullier, alors même que son principe serait vrai, ne pourrait pas encore être admise.

Mais le principe lui-même est-il vrai; et faut-il admettre, comme Toullier (X, 202), que de même que le jugement obtenu contre le créancier par l'un des débiteurs solidaires profite toujours aux codébiteurs (pourvu, bien entendu, qu'il s'agisse d'un moyen de défense commun à tous), de même le jugement rendu au profit du créancier contre l'un des débiteurs (sur un moyen de défense commun également) sera toujours res judicata contre les autres débiteurs? Nous ne le pensons pas. Nous avons vu, sous les art. 1205 et 1207, que si les codébiteurs solidaires sont regardés, dans le système de la loi, comme s'étant constitués mandataires les uns des autres, c'est uniquement ad conservandam obligationem. Ainsi le créancier peut bien, par la poursuite dirigée contre un seul (art. 1206), ou au moyen de l'aveu de ce débiteur (art. 2249), empêcher vis-à-vis de tous la prescription du droit qu'il a contre eux et faire continuer ce droit tel qu'il est; mais il ne peut, ni en contractant, ni en plaidant avec l'un, arriver vis-à-vis

(1) Sur arrêt conforme de Colmar (Dev. et Car., 33, I, 473). Voy. Aubry et Rau (p. 490, note 43); Pardessus (Des Servitudes, II, 334).

des autres à une consolidation ou amélioration quelconque de ce droit. Il nous paraît donc, comme à MM. Duranton (XIII, 520) et Zachariæ (V, p. 774, note 42), et contrairement à l'opinion de Toullier (X, 502) et de M. Bonnier (no 701), que le débiteur non poursuivi peut faire juger de nouveau la question jugée en présence seulement de son codébiteur, non pas seulement quand il invoque un moyen de défense qui lui serait personnel, mais absolument et aussi bien pour des moyens communs à tous que pour des moyens à lui personnels (1).

La plupart des auteurs, et aussi des arrêts (2), admettent que la caution est représentée par le débiteur principal dans les jugements rendus contre celui-ci sur des moyens proposables par tous deux, et qu'elle ne doit être considérée comme tiers que quand elle a à proposer des moyens qui lui sont propres. Cette doctrine, que nous comprenons très-bien chez Toullier, M. Bonnier et tous ceux qui admettent qu'un débiteur solidaire est représenté par son codébiteur dans les jugements rendus contre celui-ci sur un moyen commun, nous paraît être une contradiction de la part de la Cour suprême, en présence de l'arrêt cidessus cité du 15 janvier 1839, puisque les codébiteurs solidaires sont plus rigoureusement liés envers le créancier que de simples cautions, et que, dans le même cas où ils sont à considérer comme simples cautions, c'est seulement dans leurs rapports entre eux et nullement par rapport au créancier (art. 1216). Si un créancier ne peut se prévaloir contre un débiteur solidaire du jugement qu'il a obtenu contre un codébiteur, à plus forte raison ne doit-il pas pouvoir opposer à une simple caution le jugement qu'il a obtenu contre le débiteur principal: aussi, M. Zachariæ, qui enseigne comme nous que le débiteur solidaire n'est pas représenté dans les jugements défavorables par son codébiteur, enseigne également comme nous (V, p. 773, note 40) que la caution ne l'est pas par le débiteur. Quant à M. Duranton, qui admet aussi le premier point, il est assez difficile de savoir ce qu'il pense sur le second; car il commence par dire que le jugement défavorable « serait bien censé rendu avec la caution, parce que le débiteur la représente »; puis il ajoute « Mais la caution pourrait y former lierce opposition (XIII, 517,

(1) Rej., 15 janv. 1839 (Dev., 39, I, 97). M. Bonnier enseigne que la jurisprudence ne réserve au codébiteur non poursuivi que ses moyens personnels, et le soumet à la décision rendue arrière de lui sur un moyen commun; il cite à l'appui de cette assertion un arrêt de rejet du 20 novembre 1836 (Dev., 37, I, 362). C'est une nouvelle inexactitude. D'une part, cet arrêt de 1836 ne juge pas et ne pouvait pas juger la question quant aux moyens communs, puisqu'il s'agissait d'un codébiteur invoquant un moyen à lui propre, et qui dès lors devait être admis à un nouveau débat, dans le système de M. Bonnier comme dans le nôtre. Quant aux moyens communs à tous les débiteurs, la question ne s'est présentée que dans un arrêt de Paris du 20 mars 1809 et dans l'arrêt de rejet de 1839; jugée contre le débiteur dans le premier, elle l'a été en sa faveur dans le second.-Voy. Merlin (Quest., Chose jugée, 18, no 2); Proudhon (De l'Usuf., III, 1321); Chauveau, sur Carré (Lois de la procédure, quest. 645, in fine); Aubry et Rau (t. VI, p. 488); Limoges, 19 déc. 1842; Req., 3 fév. 1846.

(2) Cass., 27 nov. 1811; Lyon, 12 avril 1831; Rej., 11 déc. 1836; Rej., 12 fév. 1840 (Dev., 35, 1, 376; 40, I, 529). Chose jugée, 18, no 4); Zachariæ et ses annotateurs Aubry et p. 487).

1834; Paris, 11 juill. Voy. Merlin (Quest., Rau (3e édit., t. VI,

alinéa 3). » Ceci revient à dire que la caution serait bien représentée...

Quoi qu'il en soit, nous pensons que la caution ne saurait être ici représentée par le débiteur. De ce que le cautionnement est un accessoire et une dépendance de la dette sans laquelle et au delà de laquelle il ne saurait exister, il s'ensuit bien que, quand la dette s'évanouit ou diminue (pour une cause qui n'est pas personnelle au créancier, mais qui concerne la dette elle-même), le cautionnement diminue ou s'évanouit par là même, et que dès lors tout ce qui est jugé (pour une telle cause) au profit du débiteur est par là même jugé au profit de la caution; mais comment s'ensuivrait-il réciproquement que ce qui est jugé contre ce débiteur soit jugé contre la caution?... L'obligation de la caution, si elle est dépendante de l'obligation principale, n'est pas pour cela identique avec elle; elle en est assurément très-distincte, et la caution se trouve liée de son côté comme le débiteur l'est du sien; et comme les causes de nullité, d'extinction ou de diminution de la dette principale sont aussi des causes de nullité, d'extinction ou de diminution du lien particulier à la caution, il s'ensuit que, quand la caution invoque ces causes, elle n'agit pas au nom et du chef du débiteur, mais bien de son chef et en son nom personnel : si le droit qu'elle exerce alors appartient au débiteur, il lui appartient aussi en propre à elle-même... Mais s'il en est ainsi, elle ne se présente donc pas alors comme ayant cause de ce débiteur, et par conséquent la question jugée avec celui-ci n'est pas pour cela jugée avec elle.

Disons donc, malgré les arrêts, qui sont dans l'erreur aussi bien sur ce point que sur l'importante question des créanciers hypothécaires, que les cautions, comme les débiteurs solidaires, comme les autres classes de personnes indiquées plus haut, sont bien représentées par leurs débiteurs principaux ou codébiteurs, dans les décisions favorables obtenues par ceux-ci, mais ne le sont plus dans les jugements defavorables prononcés contre eux.

XIV. Nous avons vu, sous l'art. 137, no IV, en réfutant le système adopté par la jurisprudence et par plusieurs auteurs, notamment M. Demolombe, que l'héritier apparent n'est nullement le mandataire de l'héritier réel; et nous n'avons pas à insister de nouveau sur cette idée pour en conclure que ce dernier ne serait pas représenté dans les jugements rendus contre l'héritier apparent, quant aux biens héréditaires. Cet héritier apparent, pour lequel, quoi qu'on puisse faire et dire, on ne trouvera nulle part dans la loi une règle qui lui donne une position exceptionnelle, est ni plus ni moins sur la même ligne que tous les autres propriétaires putatifs dont nous avons parlé dans l'alinéa 5 du numéro précédent (1).

Nous avons vu aussi, sous l'art. 800, que le jugement par lequel un héritier s'est laissé imprimer la qualité d'héritier pur et simple et qu'il a laissé passer en force de chose jugée, alors qu'il pouvait l'attaquer, peut être invoqué contre cet héritier par toutes personnes intéressées,

(1) Conf. Aubry et Rau (t. VI, p. 487).

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