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duit à dire que, puisque le prodigue en se mariant soumet ses biens à l'hypothèque légale, quoique l'art. 513 lui défende toute concession d'hypothèque, c'est donc qu'il est soustrait pour son mariage à l'incapacité qui le frappe; mais cet argument est triplement inexact : d'une part, en effet, il s'agit alors du mariage même, du contrat moral, et notre question ne concerne que le contrat pécuniaire; d'autre part, il n'est pas vrai que, même en ce qui concerne l'hypothèque, le prodigue soit soustrait à la prohibition de l'art. 513, puisque cet article lui défend, non pas de se soumettre aux hypothèques établies par la loi pour telle ou telle position prévue, mais seulement de consentir et d'établir luimême des hypothèques; enfin, la conséquence serait encore fausse quand même la prémisse serait vraie, puisqu'on ne peut pas conclure du particulier au général, et que la capacité qui serait exceptionnellement accordée pour concéder hypothèque à la femme n'emporterait pas capacité de consentir tous pactes quelconques. La dernière raison spéciale aux donations, consiste à dire que la donation faite ici par le mari est bien plutôt le contrat onéreux do ut des qu'une vraie donation, puisque l'épouse en apporte le prix en donnant sa beauté, sa jeunesse et ses soins empressés... Nous ne voyons pas ce que viennent faire ici la jeunesse et la beauté de l'épouse (qui, d'ailleurs, pourra souvent n'être ni jeune ni belle). Cette jeunesse, cette beauté, ces soins empressés, tous les avantages physiques et moraux de l'épouse, sont l'objet, non du contrat pécuniaire qui se rédige chez le notaire et qui nous occupe seul, mais du contrat moral qui constitue le mariage; les qualités de la femme, ou plutôt la femme elle-même reçoit pour prix, non les écus du mari, mais le mari lui-même, qui se donne tout entier à l'épouse comme l'épouse se donne à lui. Les trois arguments du savant magistrat sont donc sans valeur et notre question reste entière.

Or c'est dans le sens de l'incapacité que les principes commandent impérieusement de résoudre cette question. Et d'abord, l'individu frappé d'incapacité par une disposition légale ne se trouve-t-il pas sous le coup de cette incapacité pour toute position dans laquelle une autre disposition ne vient pas l'en relever? Mais puisque l'incapacité du prodigue pour la disposition de ses biens ne trouve nulle part le relief que celle du mineur reçoit dans notre art. 1398, force est bien de reconnaître que cette incapacité subsiste ici comme ailleurs... Et cette règle du droit positif, la raison ne l'exigeait-elle pas? Comment! il s'agit d'une de ces tristes organisations, heureusement rares, qui ne soupçonnent même pas la gestion à demi raisonnable d'un patrimoine, d'un homme que ses folles dissipations et ses dépenses scandaleuses ont forcé la justice de venir frapper pour le protéger contre lui-même. et c'est précisément dans la circonstance où la seduction est le plus à craindre qu'on lui aurait retiré cette protection pour le rendre sans défense à ses malheureux penchants! Cet homme ne peut pas, sans l'assentiment du conseil chargé d'être prudent à sa place, donner le demiquart de sa fortune, même pour récompenser le plus beau dévouement, et voilà qu'une courtisane habile pourrait, en l'amenant par l'empire

de ses charmes à consentir à un mariage dont elle se moque, se faire donner par lui, sans examen ni contrôle, sa fortune tout entière !.... Sans doute il se peut que le prodigue, comme se plaît à le supposer M. Troplong, « ait choisi une épouse honnête, d'une condition sortable, d'une vertu éprouvée », et que les avantages qu'il lui fait soient dès lors raisonnables et bien placés; mais comme le contraire est fort à craindre, vu l'état du prodigue, c'est donc avec raison que le Code laisse ses conventions soumises au contrôle d'un homme plus judicieux. Celui-ci les approuvera si elles sont raisonnables; dans le cas contraire, il les empêchera ou les rendra nulles par son refus.

Il suit de là que le seul régime auquel puisse se soumettre valablement le prodigue qui ne recourt pas à l'assistance de son conseil, c'est celui de la communauté légale. Établie par la loi elle-même, la communauté légale est indépendante de la capacité de l'époux; elle existe de plein droit, comme la transmission par la succession légitime se réalise de plein droit et aussi bien quand le défunt est un enfant de six mois que quand c'est un majeur. Si le prodigue non assisté adopte tout autre régime, comme ce régime ne peut être valablement établi que par la volonté du contractant capable, le contrat sera susceptible d'annulation pour incapacité, et le prodigue ou ses ayants cause pourraient le faire annuler tant qu'il n'aurait pas été ratifié (1).

1399.

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CHAPITRE II.

DU RÉGIME EN COMMUNAUTÉ.

La communauté, soit légale, soit conventionnelle, commence du jour du mariage contracté devant l'officier de l'état civil : on ne peut stipuler qu'elle commencera à une autre époque.

SOMMAIRE.

1. On ne peut stipuler que la communauté commencera à une époque autre que celle

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de la célébration, ni qu'elle finira à une époque autre que celle de la dissolution du mariage.

II. Et si la communauté ne peut pas être stipulée avec un terme, elle ne peut pas l'être davantage sous une condition. Dissentiment avec Toullier et M. Duranton; contradiction du premier.

(1) Voy. Bordeaux, 7 fév. 1855, et Pau, 31 juill. 1855 (Dev., 56, II, 65). — M. Zachariæ, autant que le laconisme dans lequel il s'enferme permet d'en juger, semble avoir la même doctrine que nous. Il dit, en effet, que si la capacité de faire un contrat de mariage suppose nécessairement la capacité de se marier, celle-ci n'emporte pas nécessairement la première; que cette capacité, quant aux biens, reste soumise aux principes généraux; et c'est comme une exception à cette règle qu'il semble considérer la disposition de notre art. 1398 (III, p. 39, 3394).- Mais voy, en sens contraire, outre l'opinion de M. Troplong, celle de MM. Toullier (t. II, no 1379); Duranton (t. XIV, 15); Rodière et Paul Pont (t. I, no 45); Odier (t. II, no 613). Le sourd-muet peut faire son contrat de mariage sans tuteur ad hoc, s'il est en état de manifester sa volonté. Paris, 3 août 1855 (Dev., 57, II, 443). Conf. Troplong (Donat. et rect., t. II, 1539); Demolombe (t. III, no 25); Pont et Rodière (2e édit., I, 49).

T. V.

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HI. Ce qui est dit ainsi de la communauté doit s'appliquer aux autres régimes, et on ne peut pas, au moyen de termes ou de conditions, adopter simultanément plusieurs régimes. Dissentiment avec MM. Rodière et Paul Pont.

IV. Le contrat qui adopterait ainsi plusieurs régimes placerait les époux, dans tous les cas, sous la communauté légale. Erreur de MM. Rodière et Paul Pont. V. La communauté commence à l'instant de la célébration d'une manière réelle, et rend immédiatement la femme copropriétaire des biens communs. Erreur de Toullier et de MM. Championnière et Rigaud.

1. Dans la plupart de nos anciennes coutumes, la communauté ne commençait que le lendemain du mariage; d'autres en retardaient l'ouverture jusqu'à l'an et jour depuis la célébration. Le Code, que nous avons déjà vu, pour assurer la fixité des conventions matrimoniales, proscrire les contrats sous signature privée permis autrefois, s'est préoccupé ici encore de garantir ce même résultat, et, non content de déclarer que la communauté stipulée par les époux commencera, sans qu'il soit besoin de s'en expliquer, au moment même de la célébration, il a soin d'ajouter qu'il n'en pourra jamais être autrement et que la règle sera suivie malgré toute stipulation contraire.

Et puisque les époux ne peuvent pas faire commencer la communauté à un jour autre que celui de la célébration, ils ne pourraient done pas stipuler valablement qu'ils seront d'abord soumis au régime dotal et que ce régime fera place à la communauté après un temps déterminé. Réciproquement, et quoique le texte de la loi ne le dise pas, ils ne pourraient pas non plus faire cesser la communauté à un moment autre que la dissolution du mariage, en stipulant qu'après un tel temps déterminé le régime de communauté sera remplacé par le régime dotal. Il n'y a, en effet, ni raison ni prétexte pour qu'on puisse plutôt se soumettre à la communauté d'abord et au régime dotal ensuite, qu'au régime dotal en premier lieu et à la communauté plus tard; il est évident que la pensée de la loi est que le règne de la communauté ne doit pas être scindé, qu'il doit être admis ou rejeté purement et simplement, de manière à régir l'association conjugale pendant toute sa durée ou à ne pas la régir du tout.

II. — Ainsi la communauté ne peut pas être stipulée avec un terme, pas plus le terme ad quem, c'est-à-dire celui à l'échéance duquel elle devrait finir, que le terme à quo, c'est-à-dire celui à partir duquel elle devrait commencer. Mais ne pourrait-elle pas être stipulée sous une condition, soit suspensive, soit résolutoire, et ne devrait-on pas déclarer valable le contrat où il serait dit que les époux seront communs en biens, si pendant le mariage tel événement vient à se réaliser; ou bien que ces époux adoptent la communauté, mais qu'elle sera non avenue et remplacée par le régime dotal, si tel événement vient à s'accomplir? Nous n'hésitons pas, malgré l'opinion contraire de Toullier (XII, 83 et 84), Delvincourt (t. III, 257), Battur (t. Ier, no 89), et de M. Duranton (XIV, 97), à répondre négativement. La fixité des conventions matrimoniales n'est-elle pas aussi bien troublée au cas de condition que dans le cas d'un terme? Il y a, sans doute, entre les deux cas cette différence, qu'avec la condition, et à cause de son effet rétroactif, l'asso

ciation conjugale sera juridiquement soumise à un seul régime : ainsi, par exemple, si les parties ont dit qu'elles seraient communes s'il naissait un enfant de leur union, il est bien vrai que la naissance d'un enfant, arrivée après deux ou trois ans de mariage, ferait remonter juridiquement l'existence de la communauté au moment même de la célébration, et que le régime différent qui existait pendant les premières années serait fictivement réputé n'avoir pas existé; mais ce phénomène purement juridique, c'est-à-dire fictif, empêcherait-il la réalité des choses et en détruirait-il les inconvénients? Quoique juridiquement il ne pût exister ici qu'un régime, il n'est pas moins vrai qu'en fait il en existerait deux; or ce n'est assurément pas une fixité fictive des conventions matrimoniales, mais une fixité vraie et réelle, que le législateur a entendu établir (1).

Et non-seulement cette différence entre la condition et le terme ne diminuerait pas les inconvénients de la variation du régime, mais elle les augmenterait, au contraire, et la rétroactivité du second régime qu'il faudrait substituer au premier, même pour le passé, serait précisément une source féconde de difficultés inextricables; en sorte que c'est par à fortiori qu'il faut appliquer à la condition ce que nous avons dit du terme.

Aussi Toullier, qui a soutenu le premier sous le Code cette doctrine d'une stipulation conditionnelle de communauté, tombe à cet égard dans une lourde contradiction, et condamne lui-même, sans le remarquer sans doute, le sentiment qu'il veut établir. En effet, il motive sa décision, comme on l'a fait après lui, sur ce que la condition, à la différence du terme, ayant un effet rétroactif, il en résulte que juridiquement la communauté aura existé toujours ou n'aura jamais existé. Or il explique lui-même que notre art. 1399 a pour objet de retrancher les difficultés que faisaient naître certaines dispositions, telles que celles de la coutume de Bretagne, qui soumettait l'établissement de la communauté à la condition que les époux auraient été en mariage par an et jour, et il insiste sur ce que l'effet rétroactif de cette condition, en faisant remonter la communauté au jour du mariage, faisait naître les difficultés que le Code a eu raison de faire disparaître.

C'est qu'en effet, non-seulement notre texte porte sa défense de faire commencer la communauté dans le cours du mariage d'une manière absolue, et aussi bien dès lors pour un établissement de communauté rétroactif que pour un autre, mais c'est précisément du premier qu'il a surtout entendu parler, puisque son but a été de faire disparaître la règle contraire des anciennes coutumes, et que cette règle était que l'arrivée de la communauté après l'an et jour réagissait au jour des noces : Trahitur retro ad diem nuptiarum, disait Dumoulin. (Voy. Pothier, Communauté, nos 22 et 23, et le Nouveau Denizart, vo Communauté, §3.)

(1) Conf. Renusson (De la Comm., part. 1, chap. 4, no 12); Bellot (III, p. 4-23); Rodière et Paul Pont (1, 82 et 83); Troplong (1, 332); Odier (II, 674); Duranton (XIV, 99); Battur (II, 251); Dalloz (loc. cit., 563).

III. Notre article ne parle que de la communauté. Faut-il en conclure que le Code ne tient que pour elle à la fixité des conventions matrimoniales, et que l'on pourrait, conditionnellement ou au moyen de termes, adopter deux ou trois régimes, pourvu que la communauté ne fût pas l'un d'eux? Ainsi, pourrait-on convenir que les époux seront soumis au régime dotal jusqu'à ce que la femme ait vingt-cinq ans, qu'il yaura ensuite régime exclusif de communauté jusqu'à tel autre moment, puis enfin séparation de biens?... MM. Rodière et Paul Pont répondent affirmativement (no 85), en se décidant surtout par cette raison que les trois régimes de non-communauté ne sont tous trois que les déductions d'un même système. Nous ne saurions nous ranger à cet avis.

Sans doute, les trois régimes ont un point qui leur est commun, le rejet de la communauté; mais ils sont assez différents l'un de l'autre pour que la substitution de celui-ci à celui-là ne puisse pas s'opérer sans entraîner, soit quant aux époux, soit quant aux tiers, les bouleversements et les embarras que le Code a voulu prévenir. Serait-ce un léger changement, par exemple, que la substitution de l'exclusion de communauté à la séparation de biens? Sous le premier régime, la femme avait la libre administration de ses biens, ainsi que la jouissance de ses revenus, dont le mari ne touchait pas un centime; sous le second, c'est le mari qui administre les biens de la femme comme sous la communauté, et les revenus de cette femme, au lieu de former un fonds commun aux deux époux, appartiennent au mari, qui en dispose pour son profit particulier; c'est-à-dire que le changement serait ici plus profond que le passage de l'exclusion de communauté à la communauté elle-même, communauté qui tient le milieu entre les deux extrêmes! Et que serait-ce si cette substitution d'un extrême à l'autre extrême devait se faire avec effet rétroactif?...

Si le législateur avait entendu que les époux pourraient ainsi passer d'un régime à un autre, à la condition seulement de rester en dehors de la communauté, pourquoi n'aurait-il pas permis sous cette condition de faire un nouveau contrat dans le cours du mariage? Le soin si minutieux qu'il a mis à assurer l'immutabilité des conventions matrimoniales, sans aucune distinction de régimes, prouve clairement pour nous, comme pour M. Bellot (loc. cit.), l'invariabilité absolue qu'il veut voir régner ici; et nous croyons que la pensée de la loi se résume dans cette double idée : les époux seront parfaitement libres d'adopter tel système de convention qu'il leur plaira; mais ce système sera nécessairement unique et régira, sans variation possible, l'association conjugale depuis son commencement jusqu'à sa fin. Cette idée de fixité, d'unité, résulte, à nos yeux, bien plus encore des art. 1394 et 1395 que de notre art. 1399. Celui-ci n'est, en définitive, qu'une application de détail de cette idée générale; et si le législateur a songé à exprimer formellement la règle pour le cas particulier de communauté, c'est uniquement parce qu'il rencontrait pour ce cas des règles contraires dans nos anciennes coutumes.

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