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IV. Ainsi donc, le contrat ne peut jamais établir qu'un système unique et identique pour toute la durée du mariage. Mais à quel régime les époux se trouveraient-ils soumis en présence d'un contrat qui, au moyen d'une condition ou d'un terme, adopterait plusieurs régimes? Serait-ce à tel ou tel des régimes stipulés? Serait-ce de plein droit et toujours à la communauté légale?... C'est à ce second parti qu'il faut s'arrêter.

En effet, et pour parler d'abord du cas d'un terme, quand les époux ont déclaré adopter tel régime jusqu'à telle époque et tel autre pour le temps qui suivra, il n'apparaît dans la volonté des parties aucune idée de prendre l'un de ces deux régimes plutôt que l'autre pour la durée entière du mariage; et puisque le contrat ne manifeste pas la volonté des contractants pour le système unique qui doit les régir, force est bien de rejeter ce contrat, et de placer les époux sous le régime de droit commun comme ceux qui n'ont pas écrit de conventions matrimoniales. En vain on dirait, si les deux ou trois régimes indiqués au contrat étaient pris tous en dehors de la communauté, que les époux ont au moins manifesté la volonté de ne pas être communs, et qu'on doit donner effet à cette volonté en choisissant l'un des régimes du contrat. Car, encore une fois, ce contrat ne permettant pas de préférer tel régime à tel autre, c'est donc comme s'il n'existait pas, ou, si l'on veut, c'est comme si ce contrat se réduisait à dire que les parties ne veulent pas de communauté. Or, il est évident qu'un contrat qui se contenterait ainsi de dire quel régime on ne veut pas, sans dire quel régime on veut, serait comme n'existant pas et placerait les époux sous la communauté légale (1).

Il en serait de même dans le cas d'une condition. Lorsque deux époux stipulent, par exemple, qu'ils resteront séparés de biens s'il ne naît pas d'enfants de leur union, et qu'ils seront soumis au régime exclusif de communauté dans le cas contraire, leur contrat n'apprend évidemment rien sur le point de savoir lequel de ces deux systèmes ils auraient préféré pour y être soumis absolument et avec ou sans enfants; et puisque ce contrat ne donne pas d'indication sur le choix du régime unique, il est donc comme non avenu et fait tomber les époux sous le régime du droit commun.

Ceci réfute la doctrine par laquelle MM. Rodière et Paul Pont, en admettant pour un cas particulier la nullité des conditions que nous croyons nulles pour tous les cas possibles, enseignent (no 85, in fine) que la nullité de l'adoption conditionnelle de deux régimes autres tous deux que la communauté ne permettrait pas de placer les époux sous cette communauté, parce que le contrat indiquerait qu'on a entendu exclure ce dernier régime pour tous les cas, et qu'il faudrait dès lors les déclarer

(1) C'est un cas analogue à celui de la personne qui ferait un prétendu testament pour déclarer seulement qu'elle entend que ses biens ne passent pas à ses héritiers du sang, sans dire à qui elle veut les faire passer. Il est clair qu'il n'y aurait pas là de testament, et que par conséquent c'est précisément aux héritiers du sang que les biens passeraient.

soumis à celui des deux régimes indiqués au contrat qui paraîtrait plus favorable à l'autorité maritale et aux enfants, parce que ce serait le plus moral... La première raison, celle qu'on tire de ce que les époux n'ont pas voulu de communauté, est sans valeur, comme on vient de le voir plus haut. La seconde, celle qui consiste à dire que tel régime devrait être préféré comme plus moral, ne l'est pas moins; car il est bien clair que tous les régimes autorisés par la loi (et par cela seul qu'ils sont autorisés par la loi) sont tous également et parfaitement moraux. Celuilà seul peut être préféré et doit régir l'association, que les parties ont exclusivement choisi ou qui est indiqué par la loi pour ceux qui n'ont pas fait ce choix exclusif.

V. Puisque la communauté commence toujours, et nécessairement, le jour même de la célébration du mariage, il y a donc erreur à dire, comme l'ont fait Toullier (XII, nos 75-81), et plus tard MM. Championnière et Rigaud (IV, 2835), d'après des passages mal compris de Dumoulin et de Pothier, que la communauté n'existe pas entre les époux pendant le cours du mariage, qu'elle ne se réalise que quand la femme, après ce qu'on appelle (très-improprement dans ce système) la dissolution de la communauté, vient accepter cette communauté, et que jusque-là cette femme n'est pas encore commune, mais peut seulement le devenir: Non est socia, sed speratur fore.

Même sous les coutumes, alors que le mari était déclaré seigneur et maître de la communauté, et avait un droit de disposition illimité que les art. 1422-1424 du Code sont venus restreindre, la communauté n'en existait pas moins pendant le mariage, la femme n'en était pas moins commune, et le non est socia, sed speratur fore de Dumoulin, rappelé par Pothier, n'était qu'une manière d'exprimer énergiquement les droits d'administration du mari. C'est du rapport entre le mari et les tiers qu'il s'agissait là, et on disait que le mari pouvait faire « COMME SI la femme n'était pas commune avec lui » : elle l'était donc. Elle l'était si bien que Pothier lui-même nous dit que c'est comme chef de la communauté, comme mandataire de sa femme, que le mari peut disposer de la part de sa femme. (Pothier, Communauté, nos 22, 23, 498, etc.)

A plus forte raison ne peut-on pas douter de la réalité de la communauté sous le Code Napoléon, qui restreint les droits autrefois illimités du mari et lui donne le nom plus logique d'administrateur, substitué à celui de seigneur et maitre. Et qu'importe la possibilité pour le mari de dissiper les biens communs? Est-ce que la femme n'a pas, en regard, le droit de demander la séparation pour sauver sa part des biens communs et faire cesser la communauté, qui ne pourrait pas cesser si elle n'existait pas? Si le droit de copropriété de la femme n'existait pas et que le mari fùt propriétaire unique, la femme ne pourrait pas se plaindre des dissipations de celui-ci et les arrêter! Il est vrai que la femme, en compensation du pouvoir exorbitant d'administration du mari, a le droit, après la dissolution de la communauté, de renoncer à cette communauté; mais ce droit vient précisément prouver encore

que la communauté existe bien pendant le mariage; et loin qu'on puisse dire que la femme n'est pas commune et peut seulement le devenir à la condition de son acceptation, il faut reconnaître qu'elle l'est et qu'elle peut cesser de l'être à la condition d'une renonciation.

Le système de Toullier et de MM. Championnière et Rigaud est, ni plus ni moins, le contre-pied et le renversement de toutes les dispositions du Code; et c'est avec raison qu'il est repoussé par tous les auteurs (1).

PREMIÈRE PARTIE.

DE LA COMMUNAUTÉ LÉGALE.

1400. La communauté qui s'établit par la simple déclaration qu'on se marie sous le régime de la communauté, ou à défaut de contrat, est soumise aux règles expliquées dans les six sections qui

suivent.

1. Les époux, d'après ce texte, sont soumis à la communauté légale, 1° lorsqu'ils se sont contentés de déclarer dans leur contrat, sans apporter aucune modification aux règles de la loi, qu'ils adoptent la communauté, et 2o lorsqu'il n'existe pas de contrat. Mais on comprend, d'après ce qui précède, qu'il faut embrasser, sous ces dernières expressions, non pas seulement le cas où il n'a pas été fait de contrat, mais aussi ceux où le contrat dressé se trouverait légalement non avenu, soit parce qu'il serait fait sous seing privé ou autrement nul pour vice de forme, soit parce qu'on se serait contenté d'y renvoyer au système d'une ancienne coutume, soit parce qu'il serait trop obscur pour faire comprendre quel régime on a voulu adopter, soit enfin parce qu'il établirait plusieurs systèmes au lieu d'en adopter un seul pour toute la durée du mariage.

SECTION PREMIÈRE.

DE CE QUI COMPOSE LA COMMUNAUTÉ ACTIVEMENT ET PASSIVEMENT.

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1401. La communauté se compose activement :

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1° De tout le mobilier que les époux possédaient au jour de la célébration du mariage, ensemble de tout le mobilier qui leur échoit pendant le mariage à titre de succession ou même de donation, si le donateur n'a exprimé le contraire;

2o De tous les fruits, revenus, intérêts et arrérages, de quelque nature qu'ils soient, échus ou perçus pendant le mariage, et provenant des biens qui appartenaient aux époux lors de sa célébration, ou

(1) Voy. notamment Laurière (Cout. de Paris); Duranton (XIV, 96); Battur (I, 64); Zacharia (III, p. 408); Rodière et Paul Pont (1, 293 à 295); Duvergier (sur Toullier); Troplong (1, 333); Glandaz (Encyclop. du droit, yo Comm., no 12); Dalloz (545).

de ceux qui leur sont échus pendant le mariage, à quelque titre que ce soit;

3o De tous les immeubles qui sont acquis pendant le mariage.

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1402. Tout immeuble est réputé acquêt de communauté, s'il n'est prouvé que l'un des époux en avait la propriété ou possession légale antérieurement au mariage, ou qu'il lui est échu depuis à titre de succession ou donation.

1403. Les coupes de bois et les produits des carrières et mines tombent dans la communauté pour tout ce qui en est considéré comme usufruit, d'après les règles expliquées au titre De l'Usufruit, de l'Usage et de l'Habitation.

Si les coupes de bois qui, en suivant ces règles, pouvaient être faites durant la communauté, ne l'ont point été, il en sera dû récompense à l'époux non propriétaire du fonds ou à ses héritiers.

Si les carrières et mines ont été ouvertes pendant le mariage, les produits n'en tombent dans la communauté que sauf récompense ou indemnité à celui des époux à qui elle pourra être due.

I.

II.

SOMMAIRE,

La communauté, dont les biens forment un troisième patrimoine en face des deux patrimoines des époux, et qui a notamment l'usufruit des biens de ceux-ci (critique des idées de Toullier), a pour actif trois classes de biens:

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1° Biens meubles des époux. L'action en reprise ou récompenses sur une précédente communauté est meuble ou immeuble selon le résultat de la liquidation. Erreur de Toullier; réfutation de la doctrine de M. Troplong.

II bis. Même règle pour toute obligation alternative; secùs pour l'obligation facultative. De l'obligation de faire.

III.

IV.

V.

VI.

Toute rente est mobilière, et tombe dès lors en communauté, la rente viagère comme les autres. Erreur de Toullier.

La communauté prend tous les meubles arrivant aux époux par quelque cause que ce soit, même par succession ou donation; et il importe peu que la succession dont le partage n'a donné que des meubles à l'époux contint aussi des immeubles. Il en est de même des créances attribuées en entier au lot de l'époux copartageant. Dissentiment avec M. Duranton.

Les compositions littéraires, scientifiques ou artistiques, tombent dans la communauté (erreur de MM. Toullier et Battur). Idem des offices transmissibles: mais le titulaire survivant n'est pas tenu de les vendre. - De la moitié de trésor attribuée jure soli à l'époux propriétaire du fonds. Dissentiment avec plusieurs auteurs. Renvoi pour la loi du 25 juin 1850.

2 Fruits des propres.- La communauté prend tous les fruits, naturels ou civils, échus ou percus pendant son cours. Quant aux fruits antérieurs au mariage, elle les a, non comme fruits, mais comme mobilier ordinaire : erreur de M. Odier. Renvoi au titre De l'Usufruit pour diverses règles. — Il est dû récompense à la communauté pour les frais de semences, labours, etc., des fruits existants sur le propre d'un époux lors de la dissolution. Elle a également droit à indemnité pour toute récolte qui eût dû être faite sur un propre avant la dissolution et qui ne l'a pas été.

VII. 3o Conquêts.— Tous les biens sont présumés communs jusqu'à preuve contraire faite par un des époux. Cette preuve se fait en établissant, ou que l'époux a eu avant le mariage, soit la propriété de l'immeuble, soit sa possession civile (erreur de Toullier), ou que le bien est arrivé pendant le mariage par l'une des causes qui donnent des propres.

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1. L'actif de la communauté conjugale comprend trois espèces de biens: 1° tous les biens meubles que possédaient les époux en se mariant, et ceux qui leur échoient pendant le mariage même par succession ou donation, à moins, dans ce dernier cas, que le donateur n'ait disposé du bien mobilier à la condition qu'il serait propre au donataire ; 2° tous les fruits des biens qui restent propres aux époux; 3° enfin, tous les biens, même immeubles, acquis en commun par ces époux. Ainsi, la communauté a la pleine propriété de presque tout le mobilier, des immeubles acquis en commun, puis l'usufruit des biens restés propres aux conjoints.

D'après cela, on peut fort bien dire que la communauté fait exister dans une maison trois patrimoines : le patrimoine du mari, c'est-à-dire l'ensemble des biens restant propres au mari; le patrimoine personnel à la femme; puis le patrimoine de la communauté, comprenant la propriété des biens non propres aux époux et la jouissance des propres. Cette manière de parler n'a rien d'inexact, et on ne saurait attacher aucune importance à la critique que Toullier (XII, 82) adresse à Delvincourt, Proudhon et autres, pour avoir dit qu'il faut, pour bien comprendre la position des époux communs en biens, considérer la communauté comme une personne morale placée entre le mari et la femme, laquelle est propriétaire de biens à elle personnels, en même temps qu'usufruitière les biens des époux, et dont le patrimoine est administré par le mari, mandataire de cette personne morale.

On conçoit que de telles idées ne soient aux yeux de Toullier que des absurdités, lui qui prétend, comme on l'a vu sous l'art. 1399, que la Communauté n'existe pas, que le Code n'emploie que des mots vides de sens quand il parle d'une société pécuniaire commençant par la célébration du mariage et finissant par sa dissolution, et que les biens qu'on appelle à tort biens de la communauté ne sont que des biens du mari; on conçoit également que, niant l'existence même de la communauté, et par conséquent la possibilité de droits appartenant à la communauté, Toullier regarde comme une nouvelle absurdité l'usufruit ou droit de jouissance appartenant à cette communauté sur les propres des époux, et qu'il s'empare de quelques différences de détail entre ce droit de jouissance et celui de l'usufruit ordinaire pour en conclure qu'il n'y a pas d'usufruit dans notre matière. Mais nous qui croyons comme tout le monde que la communauté est une communauté, et les biens communs des biens communs, nous qui ne pensons pas que pour le triomphe d'une idée bizarre on puisse détruire ou bouleverser toutes les dispositions d'un titre entier, nous qui pensons (et l'annotateur même de Toullier, M. Duvergier, convient de cette vérité) que le système du saVant professeur de Rennes n'est qu'une hérésie, nous disons que, en outre et en face des biens appartenant primitivement (et pour la nue propriété seulement) au mari d'un côté et à la femme de l'autre, il existe un fonds de communauté, un patrimoine social, et que ce patrimoine comprend, avec la pleine propriété de certains autres biens, la jouissance de ceux des époux... Sans doute, il n'est pas nécessaire d'ad

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