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l'art. 1453, bien loin d'appuyer la doctrine que nous combattons, il la condamne, au contraire, énergiquement. Il est bien vrai, en effet, qu'on lit dans cet arrêt une phrase (fort peu exacte d'ailleurs) qui, isolée et tronquée, paraîtrait favorable au système adverse : « L'art. 1463, dit-il, n'établit qu'une présomption fondée sur le silence de la femme, et qui ne peut prévaloir sur l'expression formelle de son intention. » Mais la phrase se termine par deux mots qui changent du noir au blanc le sens qu'on pourrait vouloir donner à cette première partie; car on y dit : * sur l'expression formelle de son intention, manifestée antérieurement. » Puis l'arrêt ajoute que « le but évident de cette disposition n'est pas de prohiber une acceptation anticipée, mais seulement de ne pas permettre à la femme d'accepter tardivement, c'est-à-dire passé le délai. » Ainsi le demandeur en cassation, interprétant judaïquement et faussement notre article, prétendait que l'acceptation de la femme ne pouvait se faire que dans les trois mois et quarante jours, pas après et pas avant, de sorte que, dans ce système, l'acceptation faite après le jugement de séparation, mais avant l'expiration du délai d'appel, eût été sans valeur ! La Cour, comme de raison, repousse cette singulière idée; elle dit que l'article ne prohibe point l'acceptation anticipée, mais seulement l'acceptation tardive, et que son résultat évident et unique est qu'il n'est point permis à la femme d'accepter passé le délai. Or c'est précisément là ce que nous soutenons (1).

III. Nous avons dit que notre article, bien qu'il ne parle que de la séparation de corps, s'applique également au cas de séparation de biens, dont la loi paraît n'avoir pas songé à parler ici, sans doute parce qu'elle venait de s'en occuper longuement dans la section précédente, et que l'applicabilité de l'article à ce cas était d'ailleurs chose évidente et découlant par à fortiori du cas de séparation de corps.

Un auteur, cependant, M. Bellot (II, p. 312-321), enseigne le contraire et fait de longs efforts pour prouver que la femme séparée de biens doit être traitée comme la veuve, c'est-à-dire soumise à la nécessité de l'inventaire et aussi, à défaut de cet inventaire suivi d'une renonciation expresse, à la présomption légale d'acceptation. Mais ce sentiment isolé est d'une inexactitude d'autant plus certaine, l'affranchissement de l'obligation de l'inventaire et la présomption de renonciation (à défaut d'acceptation verbis ou facto avant l'expiration du délai) sont d'autant

(1) On voit, au surplus, que la première phrase de l'arrêt, celle dont on a voulu s'emparer dans le système contraire, est profondément inexacte et contradictoire avec elle-même. L'arrêt se demande qui doit prévaloir, ou de la présomption légale de renonciation, ou de l'intention d'accepter formellement exprimée par la femme. Or la présomption n'existant que quand la femme a gardé le silence, il est clair que, s'il y a expression formelle de la volonté de celle-ci, il n'y a plus de présomption; et réciproquement, si l'on a cette présomption, c'est qu'on n'a pas l'expression formelle de l'intention contraire... Comment parler de faire prévaloir l'une sur l'autre deux choses qui ne peuvent pas coexister? - Du reste, il a été décidé que la règle reçoit exception au cas où des contestations, qu'il n'a pas dépendu de la femme de faire cesser, l'ont empêchée de déclarer son option, et où le mari a, par ses acquiescements, renoncé à se prévaloir contre la femme de l'expiration des délais. Rouen, 26 juin 1851 (Dev., 52, II, 10).

moins douteux, que la seule difficulté que pourrait faire naître le silence de notre article serait, au contraire, de savoir si la femme séparée de biens a jamais le droit d'accepter, et si l'on ne doit pas dire que la qualité de renonçante lui est imprimée nécessairement et par la nature même des choses. « C'est une question, disait Pothier pour ce cas, si la femme peut accepter la communauté et en demander le partage. Il semble d'abord que cette demande implique contradiction avec la séparation de biens, qui ne peut être fondée que sur le mauvais état des affaires du mari, et par conséquent de sa communauté » (no 520). Le tribun Duveyrier, en conséquence de cette idée, disait, dans son rapport sur notre section, que « la séparation de biens n'a d'autre effet que de rendre la femme étrangère à la communauté, et que les autres causes de dissolution donnent seules lieu au droit d'option.» (Fenet, XII, p. 733 et 734). Le tribun Mouricault, dans son rapport sur l'art. 874 du Code de procédure, s'exprime dans le même sens... Il est vrai que ce serait là une erreur. Autrefois déjà, Pothier, d'accord avec Lebrun, qu'il cite, et avec la jurisprudence du Châtelet, qu'il rapporte. disait avec raison que, la séparation de biens pouvant quelquefois être obtenue en présence d'une communauté bonne encore, quoique bien diminuée, on ne pouvait pas refuser à la femme le droit de l'accepter: et cette faculté n'est pas douteuse aujourd'hui, puisque l'art. 874 da Code de procédure accorde expressément à la femme séparée de biens le délai de trois mois et quarante jours pour faire l'inventaire et délibérer ! sur le parti à prendre. Mais s'il est certain que cette femme peut se faire acceptante, il est évident qu'elle ne peut jamais l'être présomptivement, et que, à défaut de manifestation de volonté à cet égard, la séparation de biens, à la suite de laquelle l'acceptation sera chose si rare, emporte à bien plus forte raison que la séparation de corps la présomption de renonciation, l'affranchissement de l'inventaire, et l'application entière. en un mot, de notre art. 1463 (1).

(1) Conf. Merlin (Rép., vo Invent., § 5, no 3); Toullier (XIII, 130); Glandaz (n°14 et 323); Demante (Prog., III, 120); Duranton (XIV, 459); Paul Pont et Rodière 1, 805); Odier (1, 456); Troplong (III, 1582); Dalloz (2249); Rouen, 10 juill. 1826: Grenoble, 12 fév. 1830. - M. Troplong (qui, en adoptant d'ailleurs très-explicitement le sentiment général, traite la question d'une manière peu complète et s'étonne de la rédaction restreinte de l'article, tandis que les antécédents du Code et les circonstan ces de la position rendent cette rédaction toute naturelle, comme on vient de le voir) trouve qu'on s'est mépris en citant comme conforme à notre commune doctrine l'arrêt de Rouen de 1826, qui, selon lui, juge précisément tout le contraire. C'est une er reur. Il est bien vrai que cet arrêt, d'une rédaction peu satisfaisante, commence par dire qu'on ne peut appliquer à la femme séparée de biens ni l'art. 1459, ni l'art. 4464; mais il explique aussitôt qu'il n'entend parler que d'une application textuelle de ce dernier, que c'est textuellement que cet article est restreint à la femme divorcée of séparée de corps; puis, laissant de côté les textes du Code, muets sur ce point, pour rechercher sa pensée, il déclare que l'art. 1463 a plus d'analogie avec la femme sept rée de biens que l'art. 1450, et qu'il résulte de l'esprit de la législation qu'il n'y point de délai fatal pour la renonciation de la femme séparée de biens, ni d'obie tion à elle imposée de faire dresser inventaire, et qu'il suffit qu'elle se soit abstent pour être toujours recevable à renoncer. En conséquence, et par un dispositif qui forme la décision contraire de première instance, il juge (comme l'a fait depuis l'a rêt de Grenoble) que la femme est étrangère à la communauté, quoiqu'elle n'ait re noncé que longtemps après les délais et sans aucun inventaire... Il est d'autant plas

IV. La loi, qui prévoit le cas où, dans le délai accordé pour l'option, il y aurait décès de la femme survivante, ne prévoit point le décès, pendant ce même délai, de la femme séparée de corps ou de biens. Comment serait réglé ce dernier cas? Faut-il dire que les héritiers n'auraient pour se prononcer que ce qui reste à courir des trois mois et quarante jours accordés à la femme; ou bien doit-on leur accorder un délai nouveau et intégral de trois mois et quarante jours à compter du décès?

Nous n'hésitons pas à adopter cette dernière idée, par analogie de l'art. 1461. Puisque cet article accorde de nouveau l'intégralité du délai, non-seulement quant aux trois mois de l'inventaire, mais même quant aux quarante jours donnés pour délibérer, quoique ce dernier terme n'ait rien de fatal et que la femme ou ses héritiers puissent toujours, pendant trente ans, prendre le parti qu'il leur plaira, à plus forte raison doit-on accorder le délai entier dans notre cas, alors qu'il s'agit d'un terme fatal et par l'expiration duquel le droit d'option serait irrévocablement perdu.

1464, 1465.- On sait que ces articles se trouvent plus haut, le premier à la suite de l'article 1455, le second à la suite de l'article 1462.

4° Dissolution par la mort de la femme.

1466.- Dans le cas de dissolution de la communauté par la mort de la femme, ses héritiers peuvent renoncer à la communauté dans les délais et dans les formes que la loi prescrit à la femme survivante.

I. Quand c'est par le décès de la femme que la communauté se dissout, la loi met ses héritiers dans une position qui n'est ni celle de la femme survivante, ni celle de la femme séparée de corps ou de biens, et qui tient le milieu entre les deux. D'une part, les héritiers, comme la femme survivante, sont tenus, s'ils veulent être étrangers à la communauté, d'y faire renonciation dans les délais et les formes des articles 1457, 1458 et 1459, en sorte que, jusqu'à déclaration contraire, ils sont réputés acceptants. D'autre part, et comme la femme séparée, ils sont affranchis de la nécessité de faire inventaire; car la loi, en leur imposant les délais et les formes de la renonciation de la veuve, ne leur en impose point les conditions, et c'est fort juste, puisque les biens étant en la possession du mari, aucun détournement n'est à craindre de la part des héritiers de la femme (1).

étonnant de voir M. Troplong, en invoquant l'arrêt de Grenoble, insister sur la prétendue contrariété de celui de Rouen, que non-seulement les deux arrêts jugent identiquement la même chose, à savoir, l'absence de toute fixation de délai et celle de la nécessité d'un inventaire, mais que précisément celui de Rouen est beaucoup plus explicite que l'autre sur ces deux points.

(1) La jurisprudence incline en ce sens. Rouen, 10 juill. 1826 et 29 mai 1843; Gre

Cette circonstance, que les biens ne sont point aux mains des héritiers, aurait dû conduire, semble-t-il d'abord, à les assimiler complétement à la femme séparée, en posant aussi pour eux la présomption de renonciation. Mais comme, d'un côté, la dissolution arrivée par la mort de la femme ne donne aucunement lieu de soupçonner le mauvais état d'affaires que fait supposer presque toujours la séparation de biens et quelquefois la séparation de corps, et comme, d'un autre côté, la nécessité d'une renonciation formelle n'a plus rien de gênant du moment qu'elle est affranchie de la condition d'une confection d'inventaire dans les trois mois du décès, la règle posée par notre article s'applique tout naturellement.

Quant à l'hypothèse d'héritiers dont les uns voudraient accepter la communauté, tandis que les autres voudraient y renoncer, hypothèse qui peut se présenter aussi dans les deux cas de l'art. 1461 et de l'article 1463, elle est réglée plus loin par la loi dans l'art. 1475.

SECTION V.

DU PARTAGE De la Communauté après l'ACCEPTATION.

La loi s'occupe, dans notre section, de l'Acceptation, et du partage de communauté auquel cette acceptation donne lieu; puis, dans la section suivante, la dernière de la communauté légale, de la Renonciation et de ses effets.

1467.

Après l'acceptation de la communauté par la femme ou ses héritiers, l'actif se partage, et le passif est supporté de la manière ci-après déterminée.

I.- La section, d'après la double idée que présente cet article, traite successivement et dans deux paragraphes: 1° du partage de l'actif; 2o de la manière dont se supporte le passif. Nous disons, comme la loi, de la manière dont se supporte le passif, et non pas da partage du passif; car le passif, à la différence de l'actif, n'est pas dans P'indivision (puisque les dettes se divisent de plein droit), et il n'y a lieu dès lors à le partager; il s'agit seulement de poser les règles suivant lesquelles le payement en doit être fait.

pas

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Avant de procéder au partage, il faut composer la masse partageable en faisant rapporter par les époux ce qu'ils peuvent devoir à la

noble, 12 fév. 1830; Poitiers, 17 déc. 1851; Douai, 14 mai 1855 (Dev., 47, I, 493; 52, II, 334; 56, II, 25); Poitiers, 6 mai 1863. C'est aussi l'avis que M. Paul Pont avait émis dans son Traité du Contrat de mariage (t. I, no 878). Mais il l'a rétracte depuis. Voy. Revue critique (t. II, p. 656). Voy. aussi MM. Ódier (t. I, no 469 et suiv.); Troplong (t. III, n" 1548 et 1603); Bellot (t. II, p. 315); Pothier (562); Merlin (Rép., vo Invent., 85, no 3); Pigeau (II, 652); Dalloz (2833), et Cass., 9 mars 1842 (Dev., 42, I, 913).

communauté, et en leur laissant retirer les biens qui leur sont propres ou les sommes que la communauté leur doit. La loi règle ces préliminaires dans les art. 1468-1473, et s'occupe ensuite du partage luimême dans les art. 1474 et suivants.

1° Rapports et reprises préliminaires au partage.

1468. Les époux ou leurs héritiers rapportent à la masse des biens existants tout ce dont ils sont débiteurs envers la communauté à titre de récompense ou d'indemnité, d'après les règles ci-dessus prescrites à la section II de la première partie du présent chapitre.

1469. Chaque époux ou son héritier rapporte également les sommes qui ont été tirées de la communauté, ou la valeur des biens que l'époux y a pris pour doter un enfant d'un autre lit, ou pour doter personnellement l'enfant commun.

I. - Le principe d'après lequel un époux doit récompense à la communauté toutes les fois qu'il s'est procuré un profit personnel aux dépens des biens communs, principe qui s'applique notamment dans les hypothèses prévues par notre art. 1469, a été expliqué plus haut (art. 1437), et il ne s'agit plus ici que du mode suivant lequel doit s'effectuer cette récompense. Elle doit, d'après nos articles, se faire par un rapport, soit réel, soit fictif, à la masse commune (1), et elle ne saurait dès lors avoir lieu par voie de compensation entre les sommes dues par l'un des époux et celles que doit l'autre. Sans doute le payement par voie de compensation entre les récompenses dues de part et d'autre à la communauté aura souvent le même résultat que le payement par voie de rapport, et il sera, dans ce cas, tout naturel de le préférer comme étant le plus simple; mais il n'en sera pas ainsi toujours. Si les récompenses dues par les époux sont accompagnées de récompenses à eux dues par la communauté et que cette communauté ait peu d'actif, le mari pourrait être gravement lésé par le mode de compensation.

Supposons que chaque époux doive à la communauté 20 000 fr. (soit par suite d'une constitution de dot de 40 000 fr. faite conjointement, soit pour toute autre cause), que cette communautés doive 50 000 fr. à la femme et qu'elle n'en ait que 10 000; si le rapport est fait par les deux époux, les 40 000 fr. qui seront réunis, soit réel

(1) Lorsque l'héritier du mari, donataire d'immeubles dépendant de la communauté, a été condamné, par suite d'annulation de la donation, à rapporter ou à restituer à la communauté ces immeubles ou leur valeur, la somme d'argent qu'il rapporte à la communauté pour tenir lieu des immeubles donnés, doit être comprise dans la masse immobilière, et non, comme simple récompense, dans la masse mobilière. Par suite, la femme donataire du mobilier n'a aucun droit privatif à cette somme, qui doit être partagée entre elle et le représentant du mari. Rej., 16 fév. 1852 (Dev., 53, I, 18). — Voy. Rodière et Pont (825); Troplong (1611 et 1612); Dalloz (2334).

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