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A l'exception pourtant de M. Battur (II, 349), qui, de son côté, va trop loin dans le sens contraire, tous les auteurs antérieurs à nous admettent, comme l'ont fait d'ailleurs plusieurs arrêts, que la femme peut rendre ses immeubles inalienables tout en n'adoptant pas d'autre régime que la communauté (ou l'exclusion de communauté, ou la séparation de biens), et sans qu'elle ait besoin de recourir, ni même (comme dit l'arrêt de juin 1845) de faire allusion au régime dotal. On en donne pour raison que, notre art. 1497 et l'art. 1387 permettant aux époux d'ajouter au régime de communauté (ou d'exclusion de communauté ou de séparation de biens) telle stipulation ou modification qu'il leur plaira, pourvu seulement qu'elle n'ait rien de contraire aux lois ou aux bonnes mœurs, et la clause d'inaliénabilité des biens de la femme n'ayant évidemment rien d'immoral ni d'illégal, les époux sont dès lors parfaitement libres de la stipuler (1).

Il y a là une erreur facile à saisir. Sans doute, les époux peuvent incontestablement ajouter au régime de communauté, par exemple, l'inaliénabilité des immeubles de la femme, et la doctrine contraire de M. Battur est évidemment inadmissible; mais ils ne le peuvent qu'en adoptant, quant à ces immeubles, le régime dotal, qu'en se soumettant ainsi au régime de communauté et au régime dotal tout à la fois; or ce dernier ne peut jamais exister, même partiellement, qu'au moyen d'une déclaration expresse de dotalité... Tout contrat qui ne contient point la soumission expresse au régime dotal est impuissant à produire l'inaliénabilité des propres de la femme. De deux choses l'une, en effet: ou il faudrait dire que le régime dotal existe alors sans soumission expresse, et l'on violerait ainsi l'art. 1392; ou l'on dirait (et c'est ce qu'on a fait) que l'inaliénabilité existe sans adoption du régime dotal, et l'on violerait l'art. 6 et le principe fondamental de la libre circulation des biens; car il ne faut pas perdre de vue, comme on le fait dans le système adverse, que toute stipulation d'inaliénabilité est, en principe général, absolument interdite comme contraire à l'ordre public, qu'elle ne devient permise, au moyen de l'exception écrite dans la loi, que pour la femme mariée et mariée sous le régime dotal, et que, par conséquent, on ne peut pas plus, comme nous l'avons déjà dit, stipuler l'inaliénabilité des biens de la femme, du moment qu'on est hors du régime dotal, qu'on ne pourrait, même dans ce régime, stipuler l'inaliénabilité des biens du mari... Cette vérité, si certaine déjà en présence de ce fait que l'inaliénabilité est une exception à un principe d'ordre public au plus haut chef, et ne peut dès lors s'étendre à nul autre cas que celui de la loi, le devient plus encore peut-être par l'historique de la confection de notre titre. On y voit, en effet, que le législateur, dans son projet de prédilection et avant qu'il admît enfin (forcé qu'il y fut par les pays de droit écrit) le système de la dotalité romaine, ne

(1) Merlin (loc. cit.); Toullier (XII, 372); Duranton (XV, 297); Zachariæ (III, p. 386, note); Rodière et Paul Pont (II, 785); puis trois arrêts de Dijon, cassés en 1841, comme on verra plus loin, et deux arrêts de Caen, du 21 fév. 1845 (J. Pal., 1845, t. II, p. 185), et du 17 juin même année (Aff. James c. Paisant).

s'était pas contenté de dire que les immeubles de la femme, quoique stipulés dotaux, ne deviendraient point inaliénables; il avait pris soin de déclarer que l'inaliénabilité ne pourrait pas même être créée par une clause formelle du contrat, et que toute clause de ce genre serait nulle (Fenet, t. XIII, p. 521, art. 158). C'est donc uniquement parce qu'il lui a fallu admettre enfin le régime dotal que le législateur a introduit, comme partie intégrante de ce régime, l'inaliénabilité des immeubles de la femme; et cette inaliénabilité n'est dès lors possible qu'au moyen de l'adoption de ce régime.

Cette doctrine, méconnue jusqu'à nous par tous les auteurs, mais à laquelle M. Troplong, en traitant depuis nous la question, vient d'apporter l'appui de sa haute autorité (1, 79-81; II, 1076-1085), se trouve d'ailleurs consacrée par la Cour de cassation dans trois arrêts par lesquels la chambre civile a cassé, en 1841, des décisions contraires de la Cour de Dijon, et dans des arrêts plus récents de la chambre des requêtes. Attendu, disent les trois premiers, que les époux Chavot ont adopté le régime de la communauté avec réserve d'aliéner leurs biens propres à charge de remploi du prix des ventes des biens de la future; attendu que cette stipulation n'a pas soumis les biens propres de la dame Chavot AU RÉGIME DOTAL; qu'en effet, elle n'a pas le caractère de la DÉCLARATION EXPRESSE exigée par l'article 1392, et qui est INDISPENSABLE pour que les biens de la femme soient inaliénables. » -La chambre des requêtes proclame, à son tour, la saisissabilité par les créanciers de la femme (et par conséquent l'inaliénabilité) de tous. les biens de cette femme autres que ceux soumis AU RÉGIME DOTAL par une disposition EXPRESSE de son contrat de mariage (1).

Il y a donc erreur de part et d'autre à dire, comme M. Battur, que les époux ne peuvent pas, en adoptant la communauté, soumettre en même temps les immeubles propres de la femme au régime dotal (2), et à dire, comme les autres auteurs, que les époux peuvent frapper ces immeubles d'inaliénabilité sans les soumettre au régime dotal par la déclaration expresse de l'art. 1392... Une seule chose est ici permise, mais elle est parfaitement permise: c'est d'adopter, tout à la fois, et le régime dotal pour l'inaliénabilité des immeubles de la femme, et le régime de communauté pour tout le reste, ce qui formera une stipulation se rapprochant beaucoup de celle par laquelle on adopte le régime dotal en y ajoutant une communauté d'acquêts. Cette dernière stipulation, dans laquelle on donne à la dotalité plus d'étendue que dans la première (et moins à la communauté par conséquent), mais qui a ceci de commun qu'on y adopte simultanément les deux régimes dotal

(1) Cass., 29 déc. 1811; Rej., 23 août 1847 et 13 fév. 1850 (Dev., 42, I, 5; 47, I, 657; 50, 1353); Cass., 6 nov. 1854 (Dev., 54, I, 712), 8 juin 1858 (Dev., 58, I, 417). (2) Jugé, en effet, que la stipulation du régime dotal partiel résulte de la clause par laquelle il a été déclaré que les immeubles de la femme ne peuvent être ni aliénés, ni hypothéqués pendant le mariage, et que, pour assurer tout son effet à cette clause, la femme déclare se constituer ses immeubles en dot. Rej., 15 mai 1853 (Dev., 53, 1,

T. V.

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et de communauté, est et a toujours été très-usitée, et le Code la prévoit spécialement par l'art. 1581.

Passons maintenant à l'explication des huit sections dont notre art. 1497 forme pour ainsi dire le sommaire.

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SECTION PREMIÈRE.

DE LA COMMUNauté réduite aux ACQUÊTS.

1498. Lorsque les époux stipulent qu'il n'y aura entre eux qu'une communauté d'acquêts, ils sont censés exclure de la communauté et les dettes de chacun d'eux actuelles et futures, et leur mobilier respectif présent et futur.

En ce cas, et après que chacun des époux a prélevé ses apports dùment justifiés, le partage se borne aux acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de l'industrie commune que des économies faites sur les fruits et revenus des biens des deux époux.

1499. Si le mobilier existant lors du mariage, ou échu depuis, n'a pas été constaté par inventaire ou état en bonne forme, il est réputé acquêt.

I.

SOMMAIRE,

Communauté d'acquêts. Aucune expression sacramentelle n'est exigée pour son établissement: erreur de Merlin et de Toullier.

II. Composition de son actif et de son passif.

III. Tout bien est réputé commun jusqu'à preuve contraire. Comment doit se faire cette preuve controverse.

IV. Les meubles des époux se divisent en propres parfaits et propres imparfaits, et le mari ne peut aliéner les meubles propres de la femme.

V. La communauté peut se réduire aux acquêts immobiliers: erreur de plusieurs Quel est le passif de cette communauté : controverse. — Elle reçoit l'application de l'art. 1408.

auteurs.

I. — Au lieu de se soumettre à la communauté ordinaire, laquelle, comme on l'a vu, embrasse dans son actif tous les biens meubles des époux, en même temps qu'elle prend dans son passif toutes leurs dettes mobilières, les époux peuvent fort bien ne se mettre en communauté que pour les acquêts qu'ils feront.

Cette convention, bien entendu, doit être formellement exprimée, et si deux époux déclaraient seulement se marier en communauté, sans expliquer de quelle communauté ils entendent parler, c'est de la communauté ordinaire, de la communauté légale, que la convention s'entendrait. Mais si ce point est évident, il ne l'est pas moins qu'aucune expression ni aucune tournure de phrase n'est ici sacramentelle; et l'on ne s'explique pas comment Merlin (Rép., v° Réalisat., §1, n° 2) et Toullier (XIII, 317) ont pu enseigner que les époux devaient nécessairement dire qu'ils ne forment qu'une communauté d'acquêts, et que sans cette conjonction ne que la stipulation de communauté d'acquêts ne produirait pas d'effet! Ici comme partout, une seule chose est né

cessaire, c'est que les époux manifestent clairement leur volonté; or cette volonté est certes bien claire quand ils disent qu'il y aura entre eux communauté d'acquéts, ou qu'ils se mettent en société d'acquéts, ou qu'ils seront communs quant aux biens qu'ils acquerront... Que le Code, qui venait de parler de la communauté ordinaire, ait employé la conjonction ne que en arrivant à celle dont il s'agit, c'est tout simple, le contraste de la seconde à la première le conduisait là tout naturellement; mais quand deux époux viennent, sans s'occuper de la communauté légale, établir une communauté d'acquêts, il est bien évident qu'ils n'ont pas besoin de faire allusion à la première, et qu'en exprimant ce qu'ils veulent ils n'ont point à signaler ce qu'ils ne veulent pas aussi Pothier expliquait-il que, quand les parties ont dit, « les époux seront communs en tous les biens qu'ils acquerront », il n'y avait plus communauté ordinaire, mais une simple communauté d'acquêts (no 317). C'est donc avec raison que l'étrange doctrine de Merlin et de Toullier est repoussée par les auteurs et par la jurisprudence (1).

II. L'actif de la communauté d'acquêts ne comprend que les gains provenant, soit des fruits ou revenus des biens des époux, soit de l'industrie de ces époux.

La société d'acquêts prend d'abord les fruits ou revenus perçus ou échus pendant le mariage, mais jamais le capital. Ainsi, les sommes d'argent, créances, rentes et autres biens mobiliers qui appartiennent aux époux lors de la célébration, et ceux qui leur échoient par succession ou donation dans le cours du mariage, leur sont ici propres, comme le sont les immeubles sous la communauté légale. Et dans ces meubles propres se trouvent, bien entendu, les revenus, intérêts et arrérages qui étaient échus au moment de la célébration, encore bien qu'ils n'aient été payés que plus tard, puisqu'ils constituaient alors une créance propre à l'époux : il n'y a que les revenus échus pendant le mariage qui appartiennent à la communauté, mais ils lui appartiennent tous (2). Elle prend également tous les fruits qui sont perçus pendant sa durée; mais ici, de même que l'époux, après la dissolution de la société, doit récompense des frais de semence et de culture des fruits qui lors de cette

(1) Battur (II, 356); Dalloz (Rép., X, p. 264, et Contr. de mar., 2563); Duranton (XV, 18 et suiv.); Zachariæ (1II, p. 510); Glandaz (no 385); Paul Pont et Rodière (II, 17); Duvergier (sur Toullier, loc. cit.); Troplong (n° 1855); Taulier (V, 174); Rej., sur arrêt de Bordeaux, 10 déc. 1840 (J. Pal., 1840, t. II, p. 781); Req., 1er juin 1853 (Dev., 53, I, 513). Ce dernier arrêt juge en outre que l'arrêt qui, en se fondant sur l'autorité des conventions, décide que les époux ont entendu établir une communauté ordinaire, dans laquelle tombent les apports mobiliers qui n'en ont pas été exclus par une clause particulière, échappe à la censure de la Cour de cassation.

(2) Jugé que les droits de la femme mariée sous le régime dotal avec communauté d'acquêts, sur les fruits pendants par racines au jour de la dissolution de la communauté, se règlent d'après les principes de la communauté d'acquêts, et non d'après ceux du régime dotal; et, par suite, que la femme a droit à tous les fruits existants sur les immeubles dotaux, et non à une part de ces fruits proportionnellement à la durée du mariage pendant la dernière année. Rouen, 3 mars 1853 (Dev., 54, II, 31). · Sic MM. Tessier (De la Dot, t. 11, no 893); Duranton (t. XV, no 11); Paul Pont et Rodière (t. II, no 30); Troplong (t. III, n° 1867 et 1868); Dalloz (loc. cit., 2597).

dissolution pendaient par branches ou racines sur les fonds, de même la société, à la différence de ce qui a lieu pour la communauté légale, doit récompense à l'époux pour les semences et culture des fruits qu'elle a trouvés pendants au jour de la célébration. C'est évident, puisque le motif qui nous a fait admettre une solution contraire pour la communauté légale, c'est que la somme payée par l'époux pour ces frais serait, si elle n'avait point été déboursée, également entrée dans la communauté comme valeur mobilière, tandis qu'ici cette somme, si elle n'avait pas été déboursée, serait restée propre à l'époux. Ainsi les frais qui, dans le premier cas, sont réellement supportés par la communauté (qui les a trouvés en moins dans les capitaux de l'époux), sont supportés ici par le patrimoine particulier de l'époux, et il y a lieu dès lors d'appliquer, entre cet époux et sa communauté, le principe de réciprocité qui se trouve inapplicable à la communauté légale. Il y a donc inexactitude dans la doctrine de M. Duranton (XV, 11), qui admet la dette de l'époux envers la communauté et rejette celle de la communauté envers l'époux. Cette inexactitude est d'autant plus frappante, que l'honorable professeur reconnaît que si le montant des frais était dû à un tiers, la communauté devrait payer ce tiers et n'aurait pas de recours contre l'époux. Si elle n'a pas de recours, c'est donc bien que la dépense doit être supportée par elle et non par l'époux (1).

Avec les gains provenant des revenus des biens, la communauté d'acquêts prend aussi ceux provenant de l'industrie des époux; mais ici encore, bien entendu, il ne s'agit que des gains à acquérir et non de ceux qui sont déjà réalisés lors de la célébration. Ainsi, que l'on vende pendant le mariage un ouvrage d'art, de science ou autre qu'un époux avait composé avant son union, la somme en provenant lui restera propre, puisqu'elle est le prix d'un propre. Il en serait autrement du prix des éditions qui seraient faites de cet ouvrage pendant la communauté, ce prix n'étant qu'un revenu du bien. Dans le cas de trésor découvert par un époux, ce ne serait plus seulement la moitié acquise jure soli qui serait ici propre à cet époux, comme dans la communauté légale; ce serait aussi l'autre moitié, puisqu'elle n'est ni un fruit ni un gain provenant de l'industrie. L'époux conserverait également en propre les objets perdus qu'il trouverait (2), et les gains qu'il ferait, soit à une loterie, soit à des jeux ou paris (3). Mais il en serait autrement d'un office qui lui serait concédé gratuitement par l'Etat ou de biens qui lui seraient accordés comme récompense nationale : ce ne sont là ni

(1) Conf. Pont et Rodière (t. II, no 31). Contrà Troplong (1869); Dalloz (loc. cit., 2598). Voy. Rouen, 3 mars 1853 (Dev., 54, II, 31); Limoges, 31 août 1863 (Dev-, 64, II, 204).

(2) Conf. Toullier (XIII, 323); Zachariæ (III, 511); Taulier (V, 176); Rodière et Pont (II, 36). - Selon M. Dalloz, il faut voir s'il y a eu plus ou moins de temps employé, car le temps est un capital appartenant à la société d'acquêts. mar. (2596); Troplong (1871); Duranton (XV, 12).

Contr. de

(3) Conf. Pothier (323); Rodière et Pont (II, 38); Taulier (V, 177). — Contrà : Daranton (XV, 12); Zachariæ (t. III, p. 511, note 6); Tessier (76); Dalloz (Contr, de mar., 2595); Odier (687); Troplong (1872).

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