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tance réciproque des deux catégories d'acquêts; en sorte que, si l'ensemble des acquêts consiste en immeubles pour deux tiers et en meubles pour un tiers, l'ensemble des dettes soit supporté pour un tiers par les meubles et pour deux tiers par les immeubles... En vain, pour exonérer la société de toute partie des dettes, on prétend qu'elle contient pour la femme un forfait de communauté. L'idée n'est pas soutenable; car, pour qu'il y eût forfait, il faudrait que le droit (privilégié et déchargé des dettes) attribué à la femme sur les immeubles fût la transformation et la réduction d'un droit (ordinaire et passible des dettes) dans une communauté plus large; or il n'en est rien, puisque les immeubles dont la femme prend moitié sont ici l'unique objet de la communauté convenue. En vain aussi, pour soutenir que la société doit supporter seule toutes les dettes, on dit qu'il n'y a de biens que quand toutes les dettes sont acquittées. Sans doute, une société doit supporter la totalité de ses dettes, mais elle ne doit supporter que ses dettes, celles qui sont siennes; or, encore une fois, l'ensemble des dettes contractées pendant le mariage concerne l'ensemble des acquêts et ne peut pas être imposé arbitrairement aux seuls acquêts immeubles dans toute masse de biens, la nature mobilière ou immobilière des valeurs est insignifiante pour la contribution aux dettes: Universi patrimonii æs alienum onus est; tous les acquêts doivent toutes les dettes et tous les doivent au même degré. Enfin, c'est parce que tous les acquêts doivent toutes les dettes au même degré, que le second système doit être écarté comme le premier et le quatrième. C'est l'universalité des acquêts qui doit l'universalité des dettes; et puisque le contrat de mariage, en divisant l'actif en deux parties, n'a rien dit du passif et l'a ainsi laissé soumis au droit commun, chaque partie de biens doit donc en supporter une part proportionnelle à son importance (1).

Une dernière question que soulève cette société d'acquêts immeubles, c'est de savoir si elle doit, comme une société de tous acquêts et comme la communauté ordinaire, recevoir l'application de l'art. 1408. Ainsi, quand le mari achète avec les deniers acquis pendant le mariage la moitié d'un immeuble indivis dont l'autre moitié lui appartenait, la moitié ainsi acquise par le mari lui sera-t-elle propre en vertu de l'art. 1408, ou fera-t-elle partie de la communauté d'acquêts immeubles? On ne doit pas hésiter à dire qu'elle sera propre. Il est vrai que l'art. 1408 ne pose sa règle que sous la condition d'une indemnité à payer à la communauté pour les deniers qu'elle a pu fournir, et qu'ici cette indemnité ne sera jamais possible, puisque les deniers dont se sert le mari appartiennent, non à la communauté, mais à lui-même; mais il ne peut y avoir là ni raison ni prétexte pour écarter l'application de l'article, et l'on s'étonne qu'on ait pu faire de cette idée, dans l'espèce dont nous parlons plus bas, un moyen de pourvoi en cassation:

(1) Nous sommes revenu sur ce point dans la Revue critique, t. III, p. 86 et suiv., où nous réfutons la doctrine contraire de M. le procureur général Rouland. Voy. Caen, 31 mai 1828; Dalloz (2649); Troplong (no 1908).

le cas d'indemnité n'est évidemment qu'un point subsidiaire, dont la règle principale ne dépend en rien et qui dépend lui-même de la condition d'un dommage causé; le défaut d'indemnité, du moment qu'il résulte du défaut de dommage, est parfaitement insignifiant... Il est vrai encore que le défaut de dommage et d'indemnité tient ici à une organisation différente de la communauté; mais cette organisation différente, loin de militer contre l'application de l'art. 1408, militerait plutôt pour elle; car la communauté restreinte qui nous occupe comportant beaucoup plus de propres que la communauté ordinaire, comment la première rendrait-elle commun ce qui est propre même dans la seconde?... Il est vrai, enfin, que le résultat peut, au premier coup d'œil, paraître dur pour la femme; mais il est la conséquence naturelle de sa convention, et elle ne peut certes pas s'en plaindre, puisque les deniers avec lesquels le mari se fait un propre lui eussent été propres eux-mêmes d'après le contrat... C'est donc avec raison que la question a été jugée en ce sens, en 1849 et 1850, par les deux arrêts de Rouen et de la Cour suprême, cités déjà sous l'art. 1408 (no I, alinéa 5).

Si c'était la femme qui fût copropriétaire de l'immeuble indivis dont une portion est achetée par le mari, la portion deviendrait également propre à cette femme, puisque l'art. 1408 s'applique dans tous les cas où, d'après les règles ordinaires, l'immeuble acquis aurait été conquêt; mais on a, dans ce cas, à se demander si une récompense sera due et à qui elle sera due. Que la récompense soit due, on n'en peut pas douter, puisque autrement la femme s'enrichirait (au moins pour la moitié de l'acquisition) aux dépens d'autrui, en prenant comme propre et pour elle seule un bien acquis par des deniers dont aucune partie ne lui appartenait à cet état de deniers, et dont la moitié seulement pouvait lui appartenir en cas d'immobilisation. Mais à qui et dans quelles limites la récompense est-elle due? Faut-il dire qu'elle est due au mari comme ayant, avec ses deniers propres, acheté un bien pour sa femme (en sorte que celle-ci devrait rendre au mari le prix total de l'acquisition)? Faut-il dire qu'elle est due à la communauté d'immeubles, parce que celle-ci, sans l'effet du privilége que la femme invoque, aurait conservé l'acquisition et qu'elle subit ainsi une perte dont la femme doit l'indemniser (en sorte que cette femme, en acceptant la communauté, ne devrait compte au mari que de la moitié du prix d'acquisition)?... C'est à cette dernière idée qu'il faut tenir; car on ne peut pas retourner contre la femme une règle que l'art. 1408 établit pour son plus grand avantage, et lui donner, pour un bien que la loi lui déclare propre, moins de droits qu'elle n'en aurait si ce bien était commun. C'est d'autant plus évident que la femme a toujours le droit alors de rendre l'acquisition propre ou commune à son choix, et que dès lors la moitié de cette acquisition ne saurait lui échapper... Mais pour ce qui est d'une dette du mari, on a vu que toute idée de récompense se trouve écartée par cette considération qu'il a acquis pour lui avec des deniers appartenant à lui.

SECTION II.

DE LA CLAUSE Qui exclut de la communauté le mobilier en tout ou partIE.

1500. Les époux peuvent exclure de leur communauté tout leur mobilier présent et futur.

Lorsqu'ils stipulent qu'ils en mettront réciproquement dans la communauté jusqu'à concurrence d'une somme ou d'une valeur déterminée, ils sont, par cela seul, censés se réserver le surplus.

SOMMAIRE.

I. Exclusion totale ou partielle du mobilier. Elle reçoit différents noms et se présente sous diverses formes. Il faut y distinguer la clause de réalisation et la clause d'apport.

II. Clause de réalisation. La réalisation est expresse ou tacite. Elle résulte tacitement de la clause d'emploi, même avant que l'emploi soit effectué : erreur de M. Battur.

III. L'exclusion de l'universalité ou d'une quote-part du mobilier emporte exclusion proportionnelle des dettes: controverse.

IV. Si la clause présente deux sens, on se tient à celui qui se rapproche le plus du droit commun.

I. — La clause dont s'occupe cette seconde section a pour but, comme la précédente, de restreindre l'étendue de la communauté légale, en excluant de son actif tout ou partie du mobilier des époux.

Cette clause, que le Code semble nous offrir comme une idée simple et unique, contient cependant (à part d'autres distinctions moins importantes) deux aspects distincts que Pothier séparait avec soin, et dont chacun fait l'objet de l'un des deux alinéas de notre article.

Considérée en général, cette clause d'exclusion totale ou partielle du mobilier reçoit dans la pratique différentes dénominations et revêt aussi diverses formes. Ainsi, on l'appelle tantôt clause de réalisation, parce que par elle l'époux réalise à son profit, en se les réservant propres, des valeurs qui, d'après les principes généraux, lui auraient échappé en tombant dans la communauté; tantôt clause d'immobilisation, parce qu'elle a pour l'époux l'effet, soit de transformer en immeubles, soit d'assimiler à des immeubles, en la lui rendant propre, la totalité ou une partie de sa fortune mobilière; tantôt stipulation de propres, parce qu'elle rend propres des biens qui sans elle eussent été communs; tantôt clause d'emploi, mais seulement dans le cas où il est stipulé que les meubles réservés seront placés en acquisition d'immeubles; tantôt, enfin, clause d'apport; mais cette dernière dénomination ne convient qu'à une hypothèse toute particulière présentant l'une des deux idées principales dont la distinction, déjà signalée plus haut, va revenir bientôt. Il est aussi d'usage d'appeler propres conventionnels ou même propres fictifs (expression moins exacte que la première) les biens qui sont ainsi exclus de la communauté par la convention des parties. La réalisation, au surplus, peut être stipulée de quatre manières différentes, dont trois rentrent dans le premier alinéa de notre

article, tandis que la quatrième fait l'objet du second. Elle se produit, en effet : 1° quand l'époux déclare directement et positivement exclure de la communauté la totalité ou telle partie de son mobilier; 2° quand il déclare au contraire mettre en communauté telle partie de son mobilier, en sorte que le surplus se trouve exclu virtuellement; 3° quand il stipule qu'une somme de....., à prendre sur le mobilier, sera placée en immeubles à lui propres, ce qui présente encore la réalisation virtuelle d'une partie de ce mobilier (et c'est là, au surplus, la clause d'emploi); 4° enfin, quand il déclare mettre son mobilier en communauté jusqu'à concurrence de telle somme ou valeur, ce qui constitue la clause d'apport.

L'expression clause de réalisation, en outre du sens large et générique qui embrasse ces quatre hypothèses, présente un sens plus propre dans lequel on l'oppose à la clause d'apport. Ces deux clauses de réalisation (proprio sensu) et d'apport, si bien distinctes que Pothier traitait l'une dans son art. II (n° 286-302), et l'autre dans son art. IV (n° 315-349), ne sont pas non plus, comme on pourrait le croire à la première vue, confondues dans notre section. Le premier alinéa de notre art. 1500 ne prévoit que la clause de réalisation, et c'est ensuite la clause d'apport qui fait l'objet du second alinéa, ainsi que des articles 1501-1503.

Parlons d'abord de la clause de réalisation.

II. La réalisation, ou exclusion de la communauté, se fait expressément ou tacitement (1).

Quand un époux déclare mettre en communauté telle somme à prendre sur une somme plus forte ou telle partie de son mobilier, le surplus est réalisé tacitement; car, ainsi que l'expliquait Pothier (317), dire que sur 200 000 fr. il en entrera dans la communauté 10 000, ou que, du mobilier de l'époux, tels ou tels meubles entreront dans cette communauté, c'est bien dire que le reste n'y entrera pas : Qui dicit de uno, de altero negat. Il y a de même réalisation tacite, quand on convient qu'une somme de... sera employée pour l'époux en immeubles : la somme se trouve alors, par sa destination même, exclue de la communauté et rendue propre à l'époux. M. Battur, il est vrai, contredit cette idée (II, 393), et enseigne qu'il n'y a réalisation que quand l'emploi est effectué; mais c'est une erreur. N'est-il pas évident, en effet, que, par cela seul que la somme est réservée pour cet emploi, elle est exclue de la communauté? Aussi la Coutume de Paris disaitelle: « Somme donnée... pour être employée en achat d'héritage, encore qu'elle n'ait été employée, est réputée immeuble, à cause de sa destination (art. 93). » Il a toujours été reconnu, et avec raison, que l'accomplissement de l'emploi était indifférent (2).

(1) Elle peut s'induire de l'ensemble du contrat: il n'y a pas de formule sacramentelle. Pont et Rodière (t. II, no 84; Troplong (1919 et 1920); Dalloz (2671).

(2) Pothier (no 327); Merlin (Rep., v° Réalisat., 21 et 5); Toullier (XIII, 318); Zachariæ (t. III, p. 520); Bellot (t. III, p. 49); Battur (t. II, no 393); Dalloz (2713); Rodière et Paul Pont (II, 66); Odier (t. II, n° 743 et 744); Troplong (III, 1946 et

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La réalisation est expresse, quand l'époux déclare directement qu'il exclut de la communauté tout ou partie de ses meubles. La clause, qui peut, bien entendu, avoir pour objet ou la totalité du mobilier, ou une quote-part de ce mobilier, comme le tiers ou la moitié, ou certains meubles spécialement déterminés, peut d'ailleurs porter, ou sur le mobilier présent seulement, ou seulement sur le mobilier futur, ou sur le mobilier présent et futur (1). Du reste, quand l'époux déclare exclure son mobilier futur, il est clair que ce mobilier futur ne s'entend que de celui qui lui viendra par succession, par donation ou fortunæ dono, et que ne comprend pas la société d'acquêts, mais non du mobilier provenant des revenus des biens ou de l'industrie de l'époux; car, lorsqu'on exclut des biens de la communauté, on entend donc avoir une communauté; or où serait cette communauté et de quoi s'alimenteraitelle, si on lui refusait les produits des biens et du travail ? (2)

III. En excluant de l'actif de la communauté leur mobilier, les époux excluent par là même et de plein droit de son passif leurs dettes correspondantes. Celui qui se réserve propres tous ses meubles actuels garde par là même à sa charge toutes les dettes actuelles, et s'il exclut auss. son mobilier futur, c'est-à-dire celui des successions et donations qui lui arriveront, il prend à sa charge les dettes de ces donations et successions.

Des auteurs, cependant, notamment Delvincourt et M. Battur (II, 392), enseignent le contraire. D'abord, dit-on, cette doctrine ferait de l'exclusion du mobilier un cas identique à celui d'une société d'acquêts; or, si telle avait été la pensée du législateur, on ne voit pas pourquoi il aurait réglé deux fois et dans deux sections distinctes ce qui ne serait, en définitive, qu'une seule et même chose sous deux noms différents. D'un autre côté, tous les points auxquels il n'est pas dérogé par les conventions des parties restant soumis à la communauté légale, et les époux ne dérogeant ici qu'à la composition de l'actif, le passif doit donc rester avec sa composition ordinaire. De même que la clause de séparation de dettes n'exclut que le passif sans modifier l'actif, de même la clause réciproque d'exclusion du mobilier ne doit restreindre que l'actif sans modifier le passif, et c'est seulement la clause complexe de simple communauté d'acquéts qui modifie l'actif et le passif tout à la fois... Le premier motif est insignifiant. Si la clause de réalisation donne quelquefois le même résultat qu'une stipulation de communauté d'acquêts, c'est seulement quand elle s'étend à tout le mobilier présent et futur et qu'elle est stipulée à la fois par les deux époux; or, comme la réalisation peut aussi ne frapper que le mobilier présent, ou le mobilier futur, ou seulement une partie de tous deux,

1947); Nimes, 19 déc. 1830 (Journ. du Pal., à sa date). Quant à l'arrêt de rejet du 26 mai 1835 (Dev., 35, 1, 833), que l'on a cité dans le même sens, il ne juge pas la question; il statue dans un cas où l'emploi avait été effectué.

(1) Conf. Toullier (XIII, 398); Duranton (t. XV, no 26); Rodière et Pont (t. II, no 69); Odier (t. II, no 737); Troplong (n° 1933); Dalloz (2673).

(2) Pont et Rodière (t. 11, n 71, 72 et 73); Odier (775); Troplong (1928, 1962); Dalloz (2686); Amiens, 17 déc. 1824.

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