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SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE LAON.

RAPPORT

SUR

LES TRAVAUX DE L'ANNÉE 1879-80.

MESSIEURS,

Vous avez bien voulu, avec une bienveillance dont je sens tout le prix et je pourrais dire tout le poids, me charger du rapport prescrit par notre réglement sur les travaux de la Société. Je comprends, mieux que personne, les difficultés de ma tàche, aussi m'appliquerai-je strictement à vous rappeler les divers sujets traités dans le volume 1879-1880, en les remettant, autant que possible, sous vos yeux. Ceci dit, et sans autre préambule, vous ne trouverez pas mauvais que j'entre de suite en matière.

Le bulletin débute par un intéressant mémoire de notre Vice-Président sur l'indiscontinuité et l'unité de plusieurs grandes sépultures du département de l'Aisne. Personne n'ignore les découvertes cimetériennes faites depuis un certain nombre d'années. Bizarre constraste! les choses même les plus profondément enfouies, destinées en apparence à échapper pour toujours à nos investigations, sont venues étendre le cercle de nos

connaissances, nous éclairer sur les mœurs, les coutumes de nos devanciers d'il y a bien des siècles. C'est bien avant dans le sol que des chercheurs infatigables ont retrouvé les armes, les outils, les instruments de guerre ou les ustensiles de la vie ordinaire de populations qui, autrement, eussent été presque entièrement oubliées. Au regard de la science, la mort est devenue la vie. Sous son égide, on a pu, sans dépouiller le respect du tombeau, fouiller ces cendres et en faire sortir toute une nomenclature de connaissances nouvelles. Aujourd'hui, tous ces éléments divers, soigneusement coordonnés, ont permis de reconstruire les époques disparues. Dans ces découvertes multiples, variées, des règles ont été établies, des lois tracées, et l'on peut, désormais, s'avancer sûrement dans cette voie largement frayée. C'est ce que, dans son étude analytique, notre savant collègue s'est particulièrement attaché à mettre en lumière.

Au nombre des constatations sépulcrales du département de l'Aisne, M. Fleury cite celles de Verly (arrondissement de Vervins) présentant les trois époques gallo-romaines et mérovingiennes, premier et deuxième moyen-âge et enfin derniers siècles. De Verly nous passons à Chassemy (canton de Braisne) où des trouvailles importantes furent faites en 1866 et 1868, décrites par M. Edouard Piette et comprenant trois couches superposées d'inhumation. A ces deux nécropoles s'ajoutent pour les compléter et fixer, s'il en était besoin encore, les données scientifiques, les grandes sépultures de Caranda et Sablonnières du canton de Fère-enTardenois, et celle d'Arcy-Sainte-Restitue dans le canton d'Oulchy-le-Château en Soissonnais. Ainsi ces découvertes successives, présentant des caractères étroitement similaires, établissent la coexistence sur le

même sol, à des distances plus ou moins considérables, de mêmes générations perpétuant, dans leurs ensevelissements, leurs usages les plus caractéristiques. Ces superpositions funéraires si régulières, s'étageant d'une manière si méthodique, sont devenues pour ceux qui ont voulu les étudier comme les rayons d'un musée où chacun peut trouver, aux divers points de vue historique, artistique, religieux, l'explication de points longtemps obscurs. Maintenant, quelles furent les raisons de ces emplacements funéraires dont les uns furent si considérables qu'ils durent recevoir les dépouilles mortelles des peuplades circonvoisines? Telle est la question que se pose M. Fleury en terminant son instructif travail et à laquelle il ne peut répondre que par des conjectures. Un jour viendra où le dernier lambeau du voile qui nous a si longtemps caché ce monde subterranéen sera soulevé. Suivant l'espoir exprimé par notre VicePrésident, les documents qu'il fournit en feront sortir d'autres, et l'esprit d'observation, d'analyse, généralement appliqué aujourd'hui à ces investigations, en présage le succès entier et final.

Nous avons, pour notre part, dit quelques mots des pentures en fer forgé de la porte de la première chapelle du collatéral nord du chœur de la cathédrale. Cette très-ancienne ferronnerie présentait des motifs curieux. Quelques parties manquaient déjà quand nous l'avons étudiée. Depuis, les dégradations se sont encore accrues. M. Midoux a assuré, par son crayon mieux que nous ne pouvions le faire par notre description, le souvenir de deux de ces belles pentures du XIII siècle, rares aujourd'hui, aux cannelures perlées, aux incrustations quadrilobées et dont les rinceaux se déroulent si gracieusement, tout entremêlés de roses et de pommes de pins.

Une notice de M. Jadart, membre de l'académie de Reims, nous permet de revendiquer, presque comme une de nos illustrations locales, l'historien de l'Ordre de saint Benoit, le précurseur des paléographes modernes, le célèbre Mabillon. En effet, s'il appartenait au diocèse de Reims par sa naissance, il dut son éducation littéraire et religieuse à Clément Boucher, abbé commendataire de l'abbaye de Thenailles-en-Thiérache, au diocèse de Laon. Celui-ci, chanoine de Reims et fort peu connu d'ailleurs, vit son nom sauvé d'un complet oubli par l'éclat qui entoura celui de son protégé.

Quelques années après, ce fut au Laonnois que Dom Mabillon, déjà profès de l'abbaye de Reims, vint demander le repos et le rétablissement d'une santé compromise par des études trop ardues. L'antique abbaye de Nogent-sous-Coucy était, après plus de cinq siècles, encore toute remplie du nom de Guibert, l'historien de la première croisade, l'autobiographe naïf et fécond à qui nous devons le récit si curieux et si vivant de la commune de Laon. Qui peut dire quelle fut l'influence du bénédictin du XIIe siècle sur le jeune moine du XVII. Ce que l'on sait, c'est que le jeune Mabillon s'éprit de ce souvenir. Encore obligé de renoncer à toute étude sérieuse, il employa les loisirs que lui laissait la maladie à rechercher les dépouilles du célèbre abbé. Ce fut ainsi qu'il préluda aux recherches archéologiques qui remplirent sa vie. On ignore quel fut le résultat de ses investigations et si le mécompte, qu'il éprouva en ne retrouvant plus les ossements du savant moine, fut adouci par quelque découverte curieuse. Le futur annaliste de Citeaux amassait, en outre, silencieusement autour de lui tous les documents de l'histoire du monastère. On sait quelles racines multiples et profondes la grande famille bénédictine poussa dans nos

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