L'ECOLE AMOUREUSE,
Comedie en un Acte en Vers.
REPRESENTEʼE POUR LA PEMIERE FOIS Par les Comédiens ordinaire du Roy, Le II. Septembre. 1747.
La Scéne est dans une Maison de Campagne de Julie.
L'ECOLE
AMOUREUSE,
COMEDIE.
N vérité c'est étre fou, mon frere.
Je ne suis plus à moi, je veux me fatisfaire, Et lui peindre du moins l'excès de mon tourment.
Je sçais qu'un cœur sensible a pû rendre les armes A cet objet jeune & charmant, Mais je sçais que ce cœur, s'il aime constamment, Se prépare bien des allarmes, Et Menalque, & Citon, & Cleante & Damis, A fes pieds ont ve. sé des larmes,
Ils ont été tour à tour éconduits,
Et cependant avoient tout ce qu'il faut pour plaire, La plus tendre amitié nous joignoit toutes deux, J'apprenois avec elle à faire la sévere Florise demanda d'être admise à nos jeux Et quelque tems après Chloé voulut en être; Un beau jour nous étions chez elle à badiner, Quand elle nous apprit qu'elle alloit disparoître : C'est trop, dit-elle, me gêner, Une foule d'Amans confpire ma defaite, Je veux paffer des jours heureux, Je suis libre, , & je puis faire ce que je veux, Le partit le meilleur est, je crois, la retraite, Je vais à ma Campagne éviter le danger, M'y venir voir, ce fera m'obliger, Si vos parens veulent vous le permettre ; Mais gar dez-vous toûjours de vous foumettre Au tyran que nous dédaignons.
Elle partit, malgré tous nos fermons,
Et chacune de nous obteint de sa famille De venir que'quefois dans ces lieux la trouver; On a tant de respect pour cet aimable fille, Que de cette d ouceur on n'o a nous priver. Nous fuivons i es confeils que dicte sa prudence,
Elle est la même encore, & la fera toûjours. Oh invente des jeux enfans de l'innocence; On fourit; on babille; on danse;
C'est ainsi qu'on passe les jours Sans foins, fans dèfirs, sans amours
Encore ce matin, sur l'amoureuse yvresse, Ton Amante s'ouvroit à moi, Evitons, disoit-elle, une indigne foiblesse Et de l'amour ofons braver la loi.
Ah, ma fœur, ce ferment est un crime.
A mon ame attendrie, épargnéz en l'horreur, En vain contre l'amour elle ose armer fon cœur, Il faut qu'un jour elle foit fa victime.
Tu te flattes, mon frere; au simple mot d'amant, Julie interdite, s'offenfe.
Pour m'oter tout espoir, dis-moi qu'elle l'entend Avec fang froid, avec indifference. Ah! fi fon cœur s'émeut facilement, Il peut enfin, sans qu'il y pense, De la haine, paffer au tendre sentiment.
Je le voudrois, mon frere afsurément, Mais cette haine est réflechie,
Des foiblettes du sexe, elle s'est affranchie,
« VorigeDoorgaan » |