DORINE. Je fçais qu'un cœur fenfible a pû rendre les armes A cet objet jeune & charmant Mais je fçais que ce cœur, s'il aime constamment Et Menalque, & C'iton, & Cleante & Damis, Ils ont été tour à tour éconduits, Florife demanda d'être admife à nos jeux, Une foule d'Amans confpire ma defaite, Je veux paffer des jours heureux M'y venir voir, ce fera m'obliger, 2 Elle partit, malgré tous nos fermons Elle est la même encore, & la fera toûjours. Evitons, difoit-elle, une indigne foiblesse Je te jure.. CLEON. Ah, ma fœur, ce ferment eft un crime. A mon ame attendrie, épargnez en l'horreur, En vain contre l'amour elle ofe armer fon cœur Il faut qu'un jour elle foit fa victime. DORIN E. Tu te flattes, mon frere; au fimple mot d'amant, Julie interdite, s'offenfe. CLEON. Pour m'ôter tout efpoir, dis-moi qu'elle l'entend De la haine, paffer au tendre fentiment. DORINE. Je le voudrois, mon frere affurément, Des foibleftes du fexe, elle s'est affranchie ? Elle s'eft fait, je ne fçais pas comment Dont le fatal éloignement, Eft la baze & le fondement. Dans ce doux & champêtre azile, Maîtreffe d'elle-même & fans aucuns défirs, Quand nous venons la voir, elle est toûjours tranquile; Tu fçais déja nos paffe-tems; De plus chacune fe fignale A tenir les propos les plus édifians, On fronde les plaisirs bruyans, Tout devient matiere à fcandale; Contre l'amour,fur-tout les traits font plus piquans, On fe delaffe après par des jeux innocens C'est de ne voir aucun homme ceans; Oh! fur ce point Julie est infléxible. CLEON. Ne pourrais-je du moins la voir par ton fécours Ma fœur, ma chere fœur, ah! s'il t'étoit poffible, Songes que c'eft me conferver mes jours. Si par exemple...oui...l'idée est charmante, Comme une amie. DORIN E. CLEON. Je n'imagine que cela. DORIN E. Renonce donc à l'espoir qui t'enchante, Mais comment fe fait-il, qu'abfent depuis long-tems, L'amour t'attende en ce village? N'as-tu point vû d'objet dans un fi long voyage, Qui ce fît éprouver de tendres fentimens ? A CLEON. Je te le dis, ma fœur, avec franchise peu de chose près j'avois ma liberté. Sans doute il eft un tems marqué par l'amour méme, Près d'un objet, vient vous faifir, Et l'on m'apprend ton féjour en ces lieux, Que je ne cede au pouvoir de fes yeux, |