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DORINE.

Je fçais qu'un cœur fenfible a pû rendre les armes A cet objet jeune & charmant

Mais je fçais que ce cœur, s'il aime constamment
Se prépare bien des allarmes,

Et Menalque, & C'iton, & Cleante & Damis,
A fes pieds ont ve. fé des larmes,

Ils ont été tour à tour éconduits,
Et cependant avoient tout ce qu'il faut pour plaire
La plus tendre amitié nous joignoit toutes deux,
J'apprenois avec elle à faire la fevere,

Florife demanda d'être admife à nos jeux,
Et quelque tems après Chloé voulut en être ;
Un beau jour nous étions chez elle à badiner,
Quand elle nous apprit qu'elle alloit difparoître :
C'est trop, dit-elle, me gêner,

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Une foule d'Amans confpire ma defaite,

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Je veux paffer des jours heureux
Je fuis libre, & je puis faire ce que je veux
Le partit le meilleur eft, je crois, la retraite
Je vais à ma Campagne éviter le danger,

M'y venir voir, ce fera m'obliger,
Si vos parens veulent vous le permettre;
Mais gar dez-vous toûjours de vous foumettre
Au tyran que nous dédaignons.

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Elle partit, malgré tous nos fermons
Et chacune de nous obteint de fa famille
De venir quelquefois dans ces lieux la trouver;
On a tant de relpect pour cet aimable fille,
Que de cette d ouceur on n'o a nous priver.
Nous fuivons les confeils que dicte fa prudence,

Elle est la même encore, & la fera toûjours.
Oh invente des jeux enfans de l'innocence;
On fourit, on babille; on danfe;
C'eft ainfi qu'on paffe les jours
Sans foins, fans dèfirs, fans amours
Encore ce matin, fur l'amoureufe yvreffe,
Ton Amante s'ouvroit à moi,

Evitons, difoit-elle, une indigne foiblesse
Et de l'amour ofons braver la loi.

Je te jure..

CLEON.

Ah, ma fœur, ce ferment eft un crime. A mon ame attendrie, épargnez en l'horreur, En vain contre l'amour elle ofe armer fon cœur Il faut qu'un jour elle foit fa victime.

DORIN E.

Tu te flattes, mon frere; au fimple mot d'amant, Julie interdite, s'offenfe.

CLEON.

Pour m'ôter tout efpoir, dis-moi qu'elle l'entend
Avec fang froid, avec indifference.
Ah! fi fon cœur s'émeut facilement,
Il peut enfin, fans qu'il y pense,

De la haine, paffer au tendre fentiment.

DORINE.

Je le voudrois, mon frere affurément,
Mais cette haine eft réflechie,

Des foibleftes du fexe, elle s'est affranchie

?

Elle s'eft fait, je ne fçais pas comment
Un genre de philofophie

Dont le fatal éloignement,
Pour l'amoureuse frénéfie

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Eft la baze & le fondement.

Dans ce doux & champêtre azile,
Elle trouve tous fes plaifirs,

Maîtreffe d'elle-même & fans aucuns défirs, Quand nous venons la voir, elle est toûjours tranquile;

Tu fçais déja nos paffe-tems;

De plus chacune fe fignale

A tenir les propos les plus édifians,

On fronde les plaisirs bruyans,
Dont l'umanité fe régale ;

Tout devient matiere à fcandale;

Contre l'amour,fur-tout les traits font plus piquans,
C'est le fort de notre morale 2

On fe delaffe après par des jeux innocens
De naïve & fimple Bergere ;
Mais notre loi la plus févere,

C'est de ne voir aucun homme ceans;

Oh! fur ce point Julie est infléxible.

CLEON.

Ne pourrais-je du moins la voir par ton fécours Ma fœur, ma chere fœur, ah! s'il t'étoit poffible, Songes que c'eft me conferver mes jours. Si par exemple...oui...l'idée est charmante, Comme une amie.

DORIN E.
Avec ce joli minois-là

CLEON.

Je n'imagine que cela.

DORIN E.

Renonce donc à l'espoir qui t'enchante, Mais comment fe fait-il, qu'abfent depuis long-tems, L'amour t'attende en ce village?

N'as-tu point vû d'objet dans un fi long voyage, Qui ce fît éprouver de tendres fentimens ?

A

CLEON.

Je te le dis, ma fœur, avec franchise
Le croiras-tu fpectateur enchanté
Des biens dont l'amour favorise
Un cœur tendrement agité ?

peu de chose près j'avois ma liberté.

Sans doute il eft un tems marqué par l'amour méme,
Pour rencontrer ce que l'on doit aimer
De mille objets je me laiffois charmer
Mais ils me frappoient tous de même
Mon cœur défiroit tout & ne pouvoit choifir,
Il ne fe fentoit pas ce goût de préference,
Ce fentiment flateur, cet amoureux défir
Dont l'agréable violence,

Près d'un objet, vient vous faifir,
J'arrive hier, je te demande,

Et l'on m'apprend ton féjour en ces lieux,
On parle de Julie, & chacun apprehende

Que je ne cede au pouvoir de fes yeux,
On me fait le récit de fa rigueur extrême,
Un fecret mouvement fe gliffe dans mon cœur,

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MAUOMA

C

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