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LA MARQUISE.

A merveille! Monsieur. Puis-je vous demander
Où vous avez puisé ce grand fond de sagesse ?

LE MARQUIS.
Comment! vous me trouvez raisonnable ?

LA MARQUISE.

A tel point

Qu'on pourroit s'étonner; et je ne doute point
Sur ce qui nous occupe, en cette circonstance,
Qu'on ne doive à vos soins s'en rapporter d'avance.

LE

MARQUIS.

Tout de bon! vous croyez? là, sérieusement ?

Mais oui.

MARQUIS.

LA MARQUISE.

LE

LA

Vous plaisantez ?

MARQUISE.

Je n'oserois, vraiment.

LE MARQUIS.

Heureux d'avoir des droirs à votre confiance.
LA

MARQUISE.

On acquiert tous les jours, grâce à l'expérience;

Et vous me le prouvez.

(

Un tel aveu m'est doux.

LE MARQUIS.

LA

MARQUIS E.
Le monde est tôt ou tard une école pour nous;
Qui ne le conoît pas est charmé d'y paroître :
Mais sur lui son début appelle tous les yeux,
Et ce début suffit pour le perdre peut-être.
Il n'y porte d'abord qu'un regard curieux.
Plus prudent, mieux instruit, il cherche à le connître.
Observant les esprits, démêlant leurs travers,
Du bien comme du mal avec art il profite;
Voit d'où vient le succès, à quoi tient le revers;
Sur chaque événement sait régler sa conduite;
Use de ses moyens avec discrétion ;
Risque à propos un trait qui frappe et qui circule ;
Des censeurs à son gré soumet l'opinion;
Et toujours sûr de plaire en toute occasion,
Échappe, en se jouant, aux traits du ridicule.

L

LE MARQUIS.

A merveille, Madame; à mon tour je pourrois,

En vous félicitant de plus d'une maniere,
De votre esprit rapide admirer les progrès.

A ce que vous étiez... vous ne ressemblez guere.
Excusez...

LA MARQUISE.
Je conçois un tel étonnement.

A seize ans mariée, au sortir du couvent,
A l'époque où de rien l'ame n'est avertie,
Où la timidité tient de la gaucherie,
Où l'on parle toujours avant d'avoir senti,
Où l'on répond souvent sans avoir réfléchi,
Je contractai des nœuds, flatteurs en apparence;
Croyant céder au goût, j'obéis au devoir;
Mais ce qui s'est passé, m'a fait apperçevoir
Des dangers d'une longue et crédule ignorance,
Il m'a fallu changer.

LE MARQUIS.

Oh! l'on s'en apperçoit.

LA MARQUISE.
J'ai remarqué souvent qu'à peine l'on conçoit
Tout ce que peut sur nous l'habitude et l'usage.
Nous voyons, par bonheur, arriver les momens
Où de nos qualités et de nos agrémens
Nous savons nous servir avec quelqu'avantage.
On ne s'occupe plus alors de nous juger.
On nous cede sans peine une prompte victoire.
Dans nos fers on se croit heureux de s'engager;
Chaque jour, chaque instant ajoute à notre gloire;
Et fieres de nos droits, souveraines des cœurs,
Nous respirons l'encens de mille adorateurs.

LE

MARQUIS.

Oui; vous avez, je crois, tout ce qu'il faut pour plaire.

(à part.)

Mais c'est bien singulier, plus je la considere...

Non; en elle jamais je n'ai vu tant d'appas.

(haut.)

D'honneur...

LA MARQUISE.

De notre but ne nous écartons pas.

Du couvent dès demain retirez notre niece.

Et quant à son hymen, si l'époux vous convient,
J'ajoute pour ma part au peu qui lui revient

Quarante mille écus; comptez sur ma promesse.

LE

MARQUIS.
Un procédé pareil me touche infiniment.
De votre bienveillance on pouvoit moins attendre ;
Mais rien de votre part ne doit plus me surprendre.
Aux grâces de l'esprit unir le sentiment !

LA MARQUISE, le regardant fixement.
Plaît-il! ah! modérez les transports de votre ame.
Pour ma niece, on le sait, je ne puis faire moins.
Se peut-il qu'à ce point votre tête s'enflamme ?
De son pere, envers moi, je dois payer les soins.

LE MARQUIS.

Soit; tout est donc conclu?

Tout; je le crois de même.

LA MARQUISE.

LE MARQUIS.

Je vous quitte Madame; et ma peine est extrême;

Mais je dois respecter l'emploi de vos momens.

Adieu, Monsieur.

Adieu, Madame.

LA MARQUISE.

LE MARQUIS.

Depuis trois ans,

C'est la premiere fois qu'en ces lieux la fortune
Me fait auprès de vous passer quelques instans;
S'il faut pour vous revoir attendre aussi long-temps,
Vous ne me direz pas que je vous importune.

LA MARQUISE.

part.)

Non; Monsieur. Mais quel air! quel ton modeste et doux !

LE

MARQUIS.

On peut avec regret se séparer de vous;

Je le sens; et pour peu qu'on vous ouvrit son ame... (La Marquise fait un geste pour lui imposer silence.

Il

Il prend sa main et la baise.)

(à part en s'en allant.)

est bien maheureux que ce soit là ma femme!

SCENE

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LA MARQUISE, gaiement.

COMMENT donc! mon mari se trouble en me quittant!
Est-il possible? au reste, il a paru content
De la dot que je viens d'assurer à ma niece,
Tant mieux; voilà sur-tout l'objet qui m'intéresse.
Mais quand j'y réfléchis, je crois, en vérité,
Que sans peine en ces lieux j'ai souffert sa présence.
Pourquoi non? c'est tout simple; et de l'indifférence
Je reconnois l'effet. Qu'en est-il résulté ?
Rien. J'ai peut-être en lui vu moins de suffisance,
Beaucoup moins d'injustice, et plus d'aménité;
Peut-être en le jugeant sur la simple apparence,
J'allois lui pardonner son infidélité,

Ses torts cruels, sans doute! oui; je crois...

SCENE IX.

LA MARQUISE, LISETTE.

LISETTE.

Ан! Madame,

Étouffez le soupçon qui tourmente votre ame.
Monsieur le Chevalier vient d'envoyer savoir
S'il peut être, à souper, chez vous admis ce soir ?
LA MARQUISE, d'un air préoccupée.

Le Chevalier !

LISETTE.

Vraiment, c'est son valet lui-même

Qui m'a parlé, Madame, et qui m'a demandé,

Si l'on pouvoit venir. Moi, j'ai tout accordé :
Je vous voyois ce soir d'une tristesse extrême;

J'ai voulu dans ces lieux ramener la gaîté.

Vous ne m'en voudrez pas de ma facilité,

On est toujours bien mieux près de l'objet qu'on aime.

C

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LA MARQUISE, d'un air distrait et froid.

Tu dis qu'il va venir?

LISETTE, étonnée.

Oui, Madame.

LA MARQUISE, sur le même ton.

C'est bon.

On mettra deux couverts, ici, dans ce sallon.

(Elle sort.)

SCENE X.

LISETTE, très-étonnée.

Ен, mon dieu! de quel air on reçoit ma nouvelle ?
Quelle froideur? qui peut causer ce changement ?
Mais qu'auroit-elle appris à qui donc en a-t-elle ?
Ah! je n'en puis douter, oui, c'est assurément
Ce monsieur de Valmont qui dans cette aventure.....
Je connois sa fureur et son emportement;

Il se sera permis plainte, reproche, injure;
Les maris savent-ils nous traiter autrement!
J'avois grande raison de craindre l'entrevue.
De cet événement je prévoyois l'issue.
Mais Madame obéit au premier mouvement;
Veut-elle quelque chose ? alors rien ne l'arrête.
Ici-bas tout iroit bien mieux certainement,
Si nos maîtres faisoient un peu moins à leur tête.

SCENE XI.

LISETTE, FROΝΤΙΝ.

LISETTE, vivement.

ENCOR toi! je te fuis.

FRONTIN, de même.

Attends donc un moment.

LISETTE, plus vivement encor.

J'ai de l'humeur.

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