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CHAPITRE XVIII.

INTRODUCTION DU ROMAN DANS LA LITTÉRATURE BRÉSILIENNE. ROMANS DE JOAQUIM MANOEL DE MACEDO, D'ANTONIO GONÇALVES TEIXEIRA E SOUZA ET D'AUTRES. ESSAIS DE NOUVELLES PAR

NORBERTO DE SOUZA SILVA ET D'AUTRES.

ÉLOQUENCE ET

PROSE. FR. ADOLPHO DE VARNHAGEN.

Il est naturel que le roman et la nouvelle n'aient pas été cultivés au Brésil, tant qu'il fut dépendant du Portugal au point de vue littéraire. Chacun sait en effet que, depuis que les romans de chevalerie eurent succombé aux coups formidables que leur porta Don Quichotte et que les romans pastoraux eurent terminé l'existence fictive qu'ils menaient, le Portugal n'a produit sous ce rapport que quelques nouvelles dans le genre de celles de l'Espagne. Ce n'est que depuis une vingtaine d'années qu'on y a traduit ou imité des romans français ou anglais.

Ce genre littéraire n'a donc pu s'introduire au Brésil que dans la période qui nous occupe; il y a revêtu tout d'abord sa forme la plus moderne: il est essentiellement réaliste, social et subjectif.

Au Brésil Caetano Lopes de Moura) a également frayé la voie dans ce domaine, en traduisant le premier en portugais des romans anglais, français et même allemands, par exemple depuis 1837 ceux de Mm de Genlis, de Marmontel, de Châteaubriand, de Walter Scott, de Cooper et de Kotzebue. Il a aussi paru à Rio de Janeiro une traduction du Werther de Goethe 2).

Mais bientôt il se trouva des talents qui osèrent s'essayer dans un genre qui déborde maintenant tous les autres en Europe. Leur tentative a été couronnée d'un plein succès.

Nommons d'abord Joaquim Manoel de Macedo, dont nous avons déjà parlé comme poète lyrique et dramatique, mais dont le

1) V. sur cet écrivain et ses oeuvres I. Fr. da Silva, Diccionario, II. p. 11 -13. Historia verdadeira publicada

2) As amorosas paixões do joven Werther.

em allemão pelo celebre J. W. de Goethe, e offerecida as almas sensiveis pelo traductor portuguez. Rio de J., 1842. 2 voll. in-12.

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roman est, à notre avis, la force principale. En 1839, âgé de dixhuit ans, il fit son premier essai, intitulé l'Étranger" (0 Forasteiro), qu'il ne commença de publier qu'en 1855 à Rio de Janeiro (nous n'en connaissons que deux volumes), après s'être fait un nom par d'autres ouvrages du même genre. Comme il le dit dans la préface, il n'a fait qu'en polir un peu le style; il y dénote déjà un grand talent d'invention et de peinture de caractères, ainsi qu'une facilité considérable dans l'exposition, qui est vive et animée. Semblable à tous les autres, ce roman a pour sujet l'état social du Brésil, mais il a une couleur plus historique que les suivants, car l'action se passe au milieu du siècle passé, du temps de la colonie. L'auteur y rappelle Walter Scott par la minutie avec laquelle il décrit les costumes, les usages, le pays, etc. Le Forasteiro est en outre sérieux. En revanche nous y voyons un trait caractéristique non seulement des romans de Macedo, mais de ceux des écrivains brésiliens en général. Nous voulons parler du penchant au mystérieux, à faire un des principaux ressorts de l'action d'un étranger, d'un inconnu, d'un homme masqué, d'un enfant trouvé ou échangé. Les Portugais et les Espagnols ont probablement légué cette tendance aux Améri

cains.

Le roman qui a fondé la réputation de Macedo est celui nommé Moreninha (la Brunette. Rio de Jan., 1844; 2de édit. en un volume, ibid. 1849). Macedo y déploie toutes les particularités de son talent, qui a fait de lui un peintre des moeurs de la société moderne; les couleurs sont vives, la peinture des caractères frise quelquefois la caricature, surtout dans les parties comiques; le mélange enfin du gracieux et de l'espiègle avec le sentimental y est des plus beureux. Macedo aime surtout à décrire les premiers germes de la passion dans un couple presque enfant encore. De nombreux malentendus viennent alors l'entraver. Son héros est ordinairement un étudiant porté à toutes les folies de la jeunesse. Il rend jalouse son amante, passablement coquette, et qui le paie de la même monnaie. Enfin le coeur des deux amoureux, excellent au fond, fait valoir ses droits, explique les malentendus, expie les fautes, et reconnaît que l'amour naïf qu'il a éprouvé auparavant et conservé malgré tous les obstacles, est maintenant épuré et suffira pour la vie entière.

Le plus célèbre des romans de Macedo après la Moreninha est le Jeune homme blond" (0 Moço louro, Rio de J., 1845; 2e édition, 1854, 2 voll.). Outre l'intérêt puissant qu'excite une intrigue compliquée, conduite par un inconnu qui paraît sous divers déguisements et qui n'est autre que le jeune homme blond", ce roman a acquis une valeur artistique plus haute encore par deux caractères

de femmes, habilement dessinés et bien développés. Honorina et Rachel sont unies par une amitié réelle et profonde, quoique leur éducation et leur tempérament soient tout opposés. La première, nature virginale, rêveuse et romanesque, a grandi à la campagne sous la surveillance sévère de sa grand-mère; la seconde, énergique, ardente, libre jusqu'à l'émancipation, a été introduite de bonne heure dans le grand monde par son père, qui lui en a fait voir exprès tous les défauts. Elle se moque de l'amour, le regarde comme un mensonge de convention ou une pure illusion. Pourtant elle s'éprend violemment du jeune homme blond, qui aime son amie et qui en est aimé. Le poète a très-bien développé ce conflit de caractères et de situations, et surtout son influence salutaire sur Rachel qui a la générosité et la force de dompter sa passion. Elle se courbe devant la force et la vérité de l'amour et se résigne même à avancer le bonheur de son amie, sans lui découvrir le sacrifice qu'elle lui fait.

Nous donnons (N° 117) le passage du chapitre quatrième où les deux amies se caractérisent elles-mêmes. Ce fragment peut en outre donner une idée du style de Macedo.

Dans le roman de Rosa (il a paru d'abord comme supplément aux années 1849 à 1853 de la Guanabara et puis à part, Rio de Jan., 1854, 2 voll. in-12) les caractères sont plus chargés, tandis que l'humeur malicieuse qui règne partout, et un dialogue débordant d'esprit font penser que l'auteur a été à l'école de Pigault-Lebrun. Combien sont brillantes et spirituelles par exemple l'introduction de son héroïne et les paroles du poète sur le pouvoir des belles" (V. N° 118: „As moças bonitas“)!

Macedo a encore écrit les romans suivants: Os dous amores, Romance brasileiro (Rio de Janeiro, 1848; 2de édition, ibid., 1854. 2 voll. in-8), Vicentina (Rio de Jan., 1853; 2de édition, ibid., 1859. 3 voll. in-12), et A Carteira de meu tio (Viagem phantastica) (Rio de Jan., 1855; 2de édition, ibid., 1859. 2 voll. in-16). Ils témoignent de sa fertilité comme de son talent pour ce genre littéraire.

Comme Macedo, Antonio Gonçalves Teixeira e Souza, dont nous avons parlé souvent en sa qualité de poète lyrique et dramatique, a trouvé dans le roman le genre qui convient le mieux à son génie.

La force de Teixeira e Souza réside surtout dans l'invention d'intrigues compliquées, d'imbroglios intéressants, de solutions surprenantes, ainsi que dans la vérité de ses descriptions, ses tendances morales, et ses vues sérieuses. Il dépasse encore Macedo par son amour du mystérieux, et nous le croyons même plus national que celui-ci. Mais il lui est inférieur pour la peinture des carac

tères, la vivacité du dialogue et de l'esprit. Il ne sait pas comme Macedo faire alterner agréablement le comique et l'humoristique avec le sentimental et le sérieux; l'ironie et les bons mots de ce romancier lui sont inconnus. Tout cela rend Teixeira e Souza beaucoup plus monotone, d'autant plus que ses penchants l'entraînent vers la peinture du sombre et du terrible, vers les catastrophes tragiques. Tandis que chez Macedo on ne peut méconnaître l'influence de modèles français, même l'imitation d'un auteur spécial comme PigaultLebrun, on pourrait souvent comparer les oeuvres de notre écrivain à celles des romanciers anglais, surtout de James.

Son premier essai dans ce genre est probablement son „Fils du pêcheur" (0 Filho do Pescador, Romance brasileiro)'); il en a du moins tous les signes. L'auteur dit dans la préface vouloir écrire non seulement un livre intéressant, mais aussi un livre moral, approprié même à la jeunesse („Escrevo para agradar-vos; junto aos meus escriptos o quanto posso de moral"). Mais le personnage principal, l'épouse du pêcheur, est une criminelle si ignoble, qu'elle inspire plus de dégoût que d'intérêt. Son repentir tardif et rien moins que spontané, la peine relativement douce (réclusion dans un couvent) qui lui est infligée pour des crimes comme l'adultère, l'incendie, des tentatives de meurtre sur la personne de son époux, ne sont pas de nature à satisfaire le sentiment moral. Bref dans cet essai nous voyons bien percer les côtés faibles du poète, qui aime à sacrifier l'intérêt psychologique et artistique à celui plus grossier du sujet, et qui, pour captiver davantage, néglige la peinture des caractères et l'enchaînement des faits.

La Providence" (A Providencia. Rio de Jan., 1854, 5 parties) est beaucoup meilleur; c'est même ce que Teixeira e Souza nous a donné de mieux en ce genre. Ce roman prouve le grand talent d'invention du poète; les caractères y sont en outre mieux dessinés et plus développés. Avec cela le romancier y représente avec une vérité saisissante et presque tragique l'idée morale qui fait le fond de sa composition, la vengeance tardive, mais sûre, qui arrête le criminel dans la voie de ses méfaits. L'auteur y a documenté en particulier sa force, qui réside dans les descriptions des localités et des coutumes. L'action se passe au temps de la colonie, comme c'est l'habitude de Teixeira e Souza, et nous donne un tableau at

1) Quoique l'édition que nous avons sous les yeux, n'ait paru qu'en 1859 à Rio de Janeiro, et que nous n'ayons aucune connaissance d'une édition anterieure, le roman en question doit pourtant avoir été composé avant 1844 et publié dans une revue quelconque, car dans la préface l'auteur parle de son poème Os Tres Dias de um Noivado qui a paru en 1844 et ajoute: „Obra que estava inedita, quando se publicou este romance."

tachant de la vie dans les plantations du Brésil. La peinture du village de S. Pedro vers la baie d'Araruama et de la procession qui s'y faisait au siècle passé le Vendredi saint (partie II, chap. 2) est très-vivante et a même quelque chose d'humoristique (v. N° 119: A aldea de S. Pedro e a Procissão dos Passos). Quelle idée vraie et originale d'un paysage brésilien nous donne la description de Campos novos (partie III, chap. 10; v. N° 120)! Il faut dire cependant que le roman aurait beaucoup gagné, si l'auteur avait raccourci ou laissé de côté plusieurs épisodes trop étendus, comme le récit des voyages en Orient de Filippe et du père Chagas. C'était d'autant plus nécessaire que le lecteur a de la peine à suivre le fil de la narration, dont l'intérêt palpitant lui fait regretter toute digression inutile.

Nous connaissons encore de Teixeira e Souza deux romans dont voici les titres: Le sort de deux jeunes gens" (As fatalidades de dous Jovens. Recordações dos tempos coloniaes. Rio de Jan., 1856. 3 voll. 8°) et „Marie ou la jeune fille enlevée“ (Maria ou a menina roubada. Rio de Jan., 1859. 12°). Les sujets en sont intéressants, mais ils le cèdent de beaucoup en valeur poétique à la Providence".

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La voie suivie par Teixeira e Souza paraît être celle qui convient le mieux au goût national, car les autres romans brésiliens, qui nous sont parvenus, portent tous plus ou moins la même empreinte. Mais les côtés faibles de l'auteur que nous venons de citer, y frappent bien plus encore; l'intérêt y est produit par des moyens plus grossiers et réside uniquement dans le sujet, les intrigues sont aussi compliquées que possible; tous enfin se distinguent par une tendance prononcée au mystérieux et même au mélodramatique. Aucun d'eux n'atteint à la valeur littéraire des romans de Macedo et même de Teixeira e Souza ').

1) Nous connaissons pour les avoir lus les romans suivants: „Os dous matrimonios malogrados, ou as duas victimas do crime. Romance historico tirado da Viagem do Cusco ao Pará, pelo doctor José Manoel Valdez; da qual é um episodio." Rio-Jan., 1845, 8°. L'auteur de ce roman très-aventureux est un Péruvien. I. Fr. da Silva parle de lui dans son Diccionario, V. p. 11. Puis Nossa Senhora dos Guararapes, Romance historico, descriptivo, moral e critico, par B. F. F. Abreu e Castro. Fernambouc, 1847. 8°. 2 voll. Le roman lui-même est très-insignifiant; il n'est que le cadre d'un pélérinage à l'église de la Vierge de Guararapes. L'auteur en raconte la fondation en détail, mais d'une manière très-sèche; il en est de même du récit des combats contre les Hollandais, qui ont eu lieu dans les montagnes qui avoisinent l'église. Eduardo ou as victimas do amor, par M. C. Rio de J., 1850, 12°. L'auteur est Espagnol - Américain et réside à Montevideo. Son oeuvre n'est qu'un tissu d'adultères, de meurtres et d'incestes! Nous ne connaissons que par des citations les ouvrages suivants: 0 Capitão Silvestre e Fr. Velloso, ou a planta

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