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ce n'est pas une raison d'oublier ses grandeurs, ni les mouvements généreux d'une époque de foi, au cours de laquelle la propriété royale ou seigneuriale était autrement accessible à ceux qui ne possédaient rien, que l'est en ce moment la propriété d'Etat. »

Les mêmes causes contribuèrent au développement de la propriété ecclésiastique. Subjugués par l'ardeur de leur foi, les seigneurs donnaient en mourant leurs terres aux églises; de là ces chartres nombreuses faisant pour motif de piété ou d'expiation, donation aux monastères, abbayes et hospices qui s'établissaient a proximité des forêts, aux lieux les plus éloignés des bruits du monde. Dans beaucoup de forêts, des ermitages y servaient de retraite à ceux qui entraînés par le spiritualisme chrétien préféraient la vie solitaire des grands bois au tumulte d'une époque si troublée. Et au moment même de la Révolution, ne voyait-on pas encore vivre dans la partie la plus déserte de la forêt de Vouvent, le Bienheureux Grignon de Montfort, qui évangélisa tant de populations.

Dès que l'autorité se concentra dans les mains de la Royauté, forêts royales, seigneuriales, communales, ecclésiastiques, toutes furent surveillées et régies par les officiers royaux, toutes soumises à des réglements uniformes que le pouvoir royal se réserva de faire exécuter. Les Rois avaient sagement soustrait la propriété forestière à certains entraînements et proclamé qu'aucun propriétaire n'aurait le droit de sacrifier l'avenir aux convoitises du moment. Quels que fussent les épreuves et les besoins du pays, jamais il n'y eut d'aliénation, et les forêts de l'ancien régime restèrent imprescriptibles. Louis XIV vendit sa vaisselle d'argent, pas un bois.

Vint la Révolution. Jadis il n'y avait aucune distinction entre les biens propres du Roi et ceux de l'Etat, parce que tout ce qui appartenait au Roi appartenait à l'Etat. Le Roi «se mariait au pays, se vouait au pays, se dédiait au pays »,

selon la belle parole de Henri IV. Il sortait de la classe générale des hommes pour être Roi, il n'était pas un propriétaire, il s'absorbait dans l'Etat. Superbe conception du régime monarchique!

A partir de 1791, le domaine de la couronne se transforma en domaine de l'Etat. Une des autres modifications apportées à l'ancien système de la propriété forestière fut l'incorporation au domaine public des forêts ecclésiastiques et la vente comme biens nationaux de celles des émigrés. Certes il était nécessaire de réformer les nombreux abus de main-morte; on préféra dépouiller le clergé, et la noblesse fut volée. Les maîtrises furent aussi supprimées (1).

La dernière modification révolutionnaire fut la liberté accordée aux particuliers de disposer de leurs bois comme bon leur semblerait; usant de cette autorisation, les particuliers défrichèrent dans des proportions si désastreuses, qu'il intervint en 1803 une loi prohibant tout défrichement pendant une durée de 25 ans.

Les événements politiques de 1830, 1848 et 1851 consommèrent la ruine du principe d'imprescriptibilité, et les aliénations firent de larges brêches dans le domaine de l'Etat (2). Le troisième empire en vendit pour cinquante millions.

Faut-il rappeler ici les décrets spoliateurs de 1852 par lesquels les princes de la Maison d'Orléans furent dépouil

(1) Le bisaïeul du Directeur de la Revue du Bas-Poitou, René Esnard fut greffier en chef de la maîtrise de Fontenay-le-Comte. Homme de grande valeur il communiqua à Necker un projet de réforme au début de la Révolution. Il fut plus tard arrêté, emprisonné à Celles et n'échappa à la mort que grâce au 9 thermidor.

D'autre part, Charles Bonamy de Bellefontaine, marié à Anne Alquier (fille du sénéchal de Talmont et sœur de l'ambassadeur) père du général Bonamy de Bellefontaine (mon arrière grand'oncle), fut maître des eaux et forêts à Fontenay-le-Comte, jusqu'à la Révolution. Cette maîtrise, supprimée en 1669, avait été rétablie en 1698.

(2) Un seul exemple. La magnifique forêt d'Andaine, près de la quelle se trouve la station thermale si connue de Bagnoles-de-l'Orne, comptait en 1781, 8.000 hectares. Elle n'en contient plus que 5.000 Presque toutes les forêts ont subi le même sort.

lés de leurs biens. Il y eut ainsi près de 40 millions de bois confisqués et vendus au profit du trésor. Cet attentat contre la propriété fut aussi un attentat contre les forêts princières, dont certaines tombèrent sous la hâche des marchands de biens.

Magnifiques forêts chères à la monarchie, si souvent chantées par les poêtes, que l'homme même auquel elles sont le plus étrangères, les entrevoit à travers les rêves de son esprit, sous des aspects ou grandioses ou charmeurs! Par leur magnificence, la profondeur de leurs retraites, l'élévation de leur dôme, la mélancolie de leur silence, la diversité du ton de leur feuilles, n'inspirent-elles pas un sentiment indéfinissable de recueillement et d'admiration, à quiconque n'a pas perdu le sens des grandeurs et des beautés de la nature!

Jadis elles avaient l'affection des peuples et se perpétuaient de siècle en siècle dans toute leur intégrité. De nos jours, la propriété forestière s'est subdivisée et se subdivise continuellement par l'effort des lois de succession. A l'esprit de conservation des anciennes familles qui possédaient les forêts, et par droit d'ainesse se les transmettaient intactes de génération en génération, a succédé l'esprit de partage, de lucre et le désir de défricher. Sur certains points de la France d'immenses plaines sont tellement déboisées que sans la culture auxquelles elles sont soumises, elles ressembleraient aux steppes des pays deshérités de la nature.

« Notre époque n'aime pas les forêts, écrivait mon père, et ce sera ma conclusion; il faut s'étonner cependant que la science dont elle est si fière ne lui fasse pas redouter les conséquences d'un pareil déboisement, qu'elle ne s'inquiète pas des extrêmes irrégularités de température désastreuses pour les biens de la terre, qui se remarquent dans les saisons, des sécheresses de certains étés, triste partage surtout des contrées dans lesquelles il n'y a plus d'arbres pour retenir l'humidité nécessaire ou pour attirer les nuages qui doivent rafraîchir l'atmosphère et le sol. Il faut s'étonner

qu'on ne s'inquiète pas davantage de ces inondations périodiques et terribles qui ont leur cause dans le déboisement des plaines et des montagnes, car les arbres sont les plus puissants draineurs du sol. Au mépris du passé et des besoins de l'avenir, en gaspillant les trésors accumulés pendant des siècles, en oubliant le rôle providentiel des forêts, les hommes ont commis une folie et une ingratitude envers la Providence. >>

Ces pages sont peut-être les dernières que je signe, car j'approche du terme de la vie, et il m'est agréable de les confier à mon vieil et éminent ami, René Vallette. Toutes les existences qui se prolongent connaissent les vides répé tés, les séparations douloureuses, cette tristesse profonde du soir qui tombe; mais je sais trouver à la Revue du BasPoitou, l'hospitalité d'un compagnon de luttes toujours fidèle, l'un des derniers qui me restent.

Il m'est doux aussi de rendre, à cette heure de mon existence, un hommage filial à l'homme dont je porte le nom, de m'inspirer de ses travaux et de rappeler son œuvre.

Mon père aimait les forêts dont il fut le chef administratif à Amiens, d'abord, pour les riches départements de la Somme, du Nord, du Pas-de-Calais et de l'Aisne; puis, ayant voulu se rapprocher de son pays natal, à Niort, dans les cinq départements des Deux-Sèvres, de la Vienne, de la Charente, de la Charente-Inférieure et de la Vendée, et il les servit si bien! Il en fut vraiment le conservateur, dans toute l'acceptation du mot.

J'ai voulu parler de ces belles forêts que, dans mon enfance, je parcourais en compagnie de mon père et auxquelles il consacra sa vie laborieuse.

Edmond BÉRAUD,

Vice-Président de la Presse Monarchique.

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INGENIEUR DE L'INSTITUT CATHOLIQUE D'ARTS ET MÉTIERS DE LILLE
LIEUTENANT AU 137 RÉGIMENT D'INFANTERIE

CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR

La galerie que j'ai consacrée ici aux Héros et Martyrs de la Grande Guerre, ne serait pas complète, si je n'y accordais une place d'honneur à cet héroïque officier, qui a tracé avec son sang une des plus admirables pages de l'histoire de notre glorieux 137°.

Né le 18 septembre 1894, au Breuil-Barret, au sein de ce Bocage où l'on garde pieusement les croyances et les traditions du Passé, Louis Deligné avait trouvé au foyer paternel

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