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donc ordonnera? De qui les généraux tiendront-ils le droit de soulever une population et de donner le signal de la guerre civile, c'està-dire de faire l'acte qui doit mettre en péril le plus d'existences ! Vous imaginez-vous que ce soit une mince responsabilité que celle-ci ? Il appartient à la Régente de la prendre, à vous de transmettre ses ordres; mais sans ordres, ce qu'il faudra faire, comment et à quel moment, j'ose vous déclarer au nom d'Auguste [comte de Larochejaquelein] qu'il n'agira pas.

<< Chaque chef fera comme il pourra!» mais d'abord il ne pourra pas, car ses officiers commenceront par lui demander au nom et par l'ordre de qui il décide qu'on prendra les armes tel jour... il aura beau dire: « je crois qu'il est temps, je fais pour le mieux », cela n'inspirera aucune confiance... On lui dira encore: mais êtes-vous sûr d'être soutenu, tous agiront-ils le même jour ?... il répondra; je n'en sais rien; les autres feront comme ils pourront et verront s'ils jugent à propos de commencer... etc Encore un coup, Monsieur le Maréchal, quelle réponse à de si justes réflexions? Et quelle confiance peut inspirer un chef en pareille occasion: Auguste verrait cent fois le moment d'agir, il pleurerait des larmes de rage, mais il ne pourra, je dirai plus, il ne devra pas faire un pas!

Remarquez, s'il vous plaît, que cette malheureuse note, (pardonnez si je dis les choses si crues mais jugez vous-même !), cette malheureuse note, dis-je, qu'on vous a arrachée sans doute, est à la fois une excuse pour l'imprudente précipitation de celui qui dirait trop tôt: « il est temps commençons », et une justification pour le récalcitrant peu zélé qui dira: « soyons prudent il n'est pas temps ». Chacun dira, j'ai fait comme j'ai pu; chacun tirera de son côté. L'incertitude dominera, et si quelque chose se fait par les plus dévoués, ce sera sans appui, sans ensemble, et par conséquent sans succès! Au nom du ciel Monsieur le Maréchal, pesez bien cela ne vous livrez pas à l'anarchie en laissant chacun arbitre de son affaire particulière. Hélas, les moins déterminés sont les plus nombreux et les avis des prudents laissés à leur libre arbitre ne remettront jamais sur un trône un souverain dépossédé !

Nous ne sommes pas déjà si forts; si vous nous ôtez l'ensemble nous sommes perdus! Vous dites: on se soulèvera quand la voix publique et les journaux annonceront la présence et les succès de Madame dans le Midi... C'est très bien, mais d'abord le Gouvernement, à Paris, arrêtera probablement tous les bons journaux; ceux qu'on laissera partir nous tromperont, ils représenteront comme un coup de tête, une échauffourée sans suite et presque réprimée la plus noble

tentative qui aura déjà eu un grand succès. Voyez-nous alors, hésitants, troublés, sans ordres précis: faut-il, ne faut-il pas se lever? Ah! Monsieur le Maréchal quelle position pour les [amis? ] vraiment dévoués !

Qu'arrivera-t-il ? L'incertitude, l'hésitation perdront les plus utiles les plus précieux moments! Nous laisserons le temps de prendre les plus fâcheuses mesures contre nous, nous perdrons pour la cause l'influence qu'aurait sur le Gouvernement le prompt écho de tout l'Ouest ! Vous n'entendrez pas parler de nous (que Dieu permette que je prédise faux!), vous devrez nous croire paralysés, on attendra ici des courriers qui seront probablement interceptés et Dieu sait quelles seront les funestes conséquences de tout cela!

Si une fois le drapeau arboré par moi, le succès ne fait pas tous les jours des progrès, la cause, les nobles efforts sont perdus! Ah Monsieur le Maréchal, des ordres positifs, qu'il n'y ait pas à hésiter, pas à balancer, pas à douter. Je sais que je n'ai pas de titres à faire adopter un avis, pas de droit de conseil. Mais la vérité ne se fera-telle pas jour! Mais le salut de la cause, si évidemment en péril, ne vous fera-t-elle pas surmonter la crainte de heurter quelques caractères pusillanimes! Eh! que coûte-t-il d'ordonner en pareil cas? On sait bien que ceux qui n'ont pas la volonté d'agir se réfugieront toujours dans l'impossibilité, mais du moins ceux qui auront bonne volonté pourront compter sur de l'ensemble, seront dûment autorisés, pourront avoir action sur leurs subordonnés. Mon Dieu! Vous ignorez votre force, et le poids d'un ordre sera d'un effet immense; c'est parce que certaines gens ont senti qu'il n'y avait pas à reculer qu'ils ont demandé grâce et vous leur avez dit: « vous ferez comme vous pourrez... » Ah! Si je ne puis vous le pardonner, du moins, Monsieur le Maréchal, vous ne refuserez pas d'ordres à ceux qui vous en demandent comme la vie.

J'ai envoyé checher Auguste; qu'il trouve vos ordres à son arrivée, ces seuls mots: « Monsieur de Larochejaquelein opèrera le soulèvement de son corps d'armée aussitôt qu'il apprendra d'une manière positive que son Altesse Royale a arboré le drapeau blanc en France ».

L'histoire d'attendre des détails et des succès certains est une platitude et une infamie. C'est assumer sur sa tête la responsabilité d'un non succès de la noble tentative puisqu'un des sûrs garants de ce succès est l'écho que trouvera ce généreux appel dans l'Ouest.

Ceux qui émettent cette opinion par pusillanimité ne sentent-ils pas qu'ils livrent ainsi nos pauvres contrées, pieds et poings liés; le premier moment, l'initiative est tout à notre avantage. Quelles me

sures ne

ne peut pas prendre le Gouvernement contre nous dès qu'il saura Madame sur le territoire ? Le Gouvernement serait-il la dupe de ce que l'insurrection n'éclatera pas tout de suite? En vérité c'est absurde! Et vous auriez égard à ces imprudents! Ah! Monsieur le Maréchal, il y va d'un trône, d'une monarchie, il y va surtout de tant de victimes dévouées et vous hésiteriez à donner un ordre qui seul peut vous assurer le succès qui seul peut unir les efforts de l'Ouest à ceux du Midi, et donner à cette assistance tout son poids!

Permettez-moi de vous rappeler que la chose la plus essentielle est que nous ayons, à l'instant même, un nombre immense de proclamations Il y a à..., vous le savez, moyen d'imprimer. Comment se fait-il que depuis tant de mois les modèles soient encore à nous parvenir ? Je crois vous avoir parlé, dans ma dernière lettre, de la néces sité indispensable d'avoir, dès le premier moment, une autorité civile importante par département, province ou corps d'armée. Cela évitera bien du désordre et donnera tout de suite un air d'aplomb à l'insurrection. En grâce, nommez en pour le Poitou, ou pour le deuxième corps d'armée d'Auguste; le choix de Monsieur de Bagneux est pour ainsi dire écrit, mais enfin que Madame en donne un, voilà l'essentiel, soit intendant, préfet ou commissaire du Roi. J'ose vous conjurer d'y décider Madame; songez qu'on aura les yeux sur cette première organisation administrative et qu'ainsi il serait politique d'indiquer......... déjà le rétablissement des provinces. Si Monsieur de Bagneux est nommé; énvoyez la nomination écrite. Je puis la lui faire passer, je le pourrais aussi dans le cas où un choix tomberait sur Monsieur de Curzay. Si Monsieur de Bagneux devient administrateur, il faudra disposer de sa division et je veux vous prévenir que la seule chose bien entendue sera de la réunir à la division de Monsieur Alexandre de Chabot dont la division est fort petite. Ces parages n'offrent pas une autre personne assez influente. J'espère que si vous avez reçu ma dernière lettre vous avez fait connaître à Son Altesse Royale les idées de Monseigneur l'Evêque de Luçon. Ce n'est pas à négliger dans un pays fort religieux. Je n'ai pas entendu parler de la Maison d'Angers, j'ai fait écrire et réclamer en vain.

Ma position est très fâcheuse sous le rapport de l'argent, nos Chouans en manquent, et je ne puis me procurer que presque rien des choses indispensables. J'attends votre réponse pour la nouvelle levée... Pensez-vous à ce que cela peut amener, ils ne pourront se cacher, pourchassés comme ils sont à 'présent. Si le moment pouvait coïncider il serait excellent pour un soulèvement.

Mais j'ignore l'époque où on demandera les conscrits.

On a dit que le Gouvernement voulait les faire partir immédiatement après le tirage. Le Duc d'Escars m'avait parlé de l'époque pour le commencement de mars, il paraît que M. Jacquart répond une époque plus tardive.

Il faut prendre garde de tomber dans la reprise des travaux de la campagne, il faut penser de plus à l'état affreux de notre pays, aux battues que fait la troupe, [aux espions], aux visites domiciliaires, aux arrestations, à la fuite de tant de personnes compromises, enfin à des assassinats légaux qui maintenant se renouvellent d'une manière affreuse et fréquente! Vous aurez appris l'affreuse catastrophe qui nous a enlevé le brave et dévoué jeune homme que son zèle avait amené près de nous (1). Les horribles événements se renouvelleront, n'en doutez pas, si après nous avoir tenus depuis tant de mois en suspens le moment décisif tarde encore.

Il vaudrait mieux nous ôter toute espérance que de la prolonger ainsi. C'est à vous à juger, à décider, mais que nous sachions notre sort fixé.

M. d'Autichamp s'est enfin mis en rapport avec M. Allard, mais d'une manière singulière, car il a eu l'air ou a feint d'ignorer sa nomination. Après quoi il l'a nommé commandant le quatrième corps provisoirement jusqu'à l'arrivée d'Auguste. Il semble aussi par là ignorer ou vouloir ignorer la réunion du deuxième et quatrième corps sous le commandement d'Auguste.

Puisque vos ordres ont été tels et que vous me les avez communiqués serait-il possible que vous n'en ayez pas donné connaissance au général en chef? Jugez dans quelle fausse position je serais si le doute prenait consistance et M. de Saint-Hubert lui-même avec votre nomination à la main comme Maréchal de camp, commandant la première brigade, et M. d'Autichamp prétendant ignorer ces dispo sitions? C'est inimaginable. Je me crois obligée de vous instruire de ces faits.

Si le général en chef ne reconnaît à Auguste que le commandement du 4o corps, que fera Auguste en arrivant ?

Si cela vient à la connaissance de M. de Saint-Hubert, cela renou. vellera ses vues et ce qu'il croit ses droits sur le 2o corps. Point d'inconvénient s'il était aimé et avait la confiance. Mais je vous déclare ici pertinemment que pas un des officiers de cette armée du Centre ne voudrait servir sous ses ordres. Voyez M. le Maréchal à vouloir bien

(1) Il s'agit sans doute de Louis-Charles de Bonnechose, mortellemen blessé à la Goyère le 21 janvier 1832.

faire connaître vos ordres à ce sujet à M. d'Autichamp. S'il les ignore cela le déconsidère dans le pays et c'est fâcheux; s'il les connaît et agit en opposition c'est aussi très fâcheux et peut mettre le trouble là où était l'union.

Croyez à mes sentiments dévoués.

Cette lettre fut suivie, le 12 février, d'une autre missive dans laquelle la comtesse Auguste revenait sur le conflit de Clisson, parlait du tirage au sort, pressait l'arrivée de la princesse et demandait, en grand secret, l'autorisation d'accorder un brevet de lieutenant-colonel. En voici la fin.

DOCUMENT XIV

La Comtesse de La Rochejaquelein au Maréchal de Bourmont

12 Février 1852.

Je sais vos ordres pour le tirage il faut vous attendre à ce que cela amènera inévitablement des engagements, une guerre de chouannerie. Si Maurice [Charette] dit le contraire, il se trompe. et........ fes conséquences peuvent être bien malheureuses, si elles ne sont pas bien avantageuses pour la cause.

J'attends ce que vous savez, mais que ce serait un grand malheur si les choses devaient s'éloigner! Vous ne pouvez vous faire l'idée de la position de ce pays. Maurice [Charette] y était très peu connu et peut continuer une position intenable pour d'autres. Enfin Dieu est là, il faut espérer qu'il protégera les siens.

Si j'avais l'argent que vous m'avez annoncé, je pourrais l'employer très utilement et un retard serait désastreux.

J'ai une idée qui peut être en temps et lieu d'une grande importance, il faudrait que vous gardiez un secret absolu... et que vous m'autorisiez à promettre 20.000 francs et le grade de LieutenantColonel et me garantir à moi l'exécution de la parole que je donnerai dans le cas de réussite, si cela vous convient.

Ce que je vous dis est d'une haute importance; que vous me l'accordiez ou non, j'ose exiger le secret le plus absolu sur ma proposition. La somme ne fait pas la difficulté puisque j'ai de quoi en répondre; mais pour le grade, c'est sur quoi il faudrait une autorisation signée pour le promettre. Pesez cela, cela en vaut la peine.

Croyez à mes sentiments bien dévoués.

J'ai reçu la lettre et les billets.

FÉLICIE.

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