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Monsieur de Joannis était sorti et se trouva pris dans le tumulte causé par l'effroi que donnait à toute la ville un bœuf échappé de la boucherie, et qui, les yeux sanglants, la langue pendante, se jetait sur tout ce qu'il rencontrait et fit beaucoup de mal avant qu'on put s'en rendre maître. Mon mari échappa comme par miracle à sa poursuite. Quelques jours après, il se passa encore une scène, où le burlesque vint se joindre à de cruelles angoisses.

Dans l'hôtel où nous étions descendus, il se trouva neuf cents invités pour un mariage.

Il y avait bal; les invités étaient très échauffés par le vin, la fête était très bruyante et il était impossible de dormir. Monsieur de Joannis se lève et va prier ces Messieurs de ménager un peu leur gaîté qui troublait tout l'hôtel. On lui répond malhonnêtement et on lui fait des provocations.

et d'expliquer votre affaire à une cousine que nous avons à Fontenay. Elle se fera un grand plaisir de faire valoir vos raisons. Voilà son adresse: à la citoyenne Mariette Robert, maison Grimoire, à Fontenay. Son grand bonheur est de se rendre utile. Si elle ne pouvait rien par elle-même, elle remettrait votre affaire entre bonnes mains.

J'ai sçu, chère bonne petite sœur, que votre ami Casimir se porte bien. C'est un voyageur venant de Hambourg qui m'en a donné des nouvelles. Si vous savez quelques détails à son sujet, faites moi le plaisir de me les donner.

Je vous quitte, chère petite sœur, en vous priant d'être bien convaincue de toute ma tendresse. J'espère, chère amie, que l'éloignement ne diminuera pas l'amitié que vous avez bien voulu avoir pour moi. Jusqu'à ce moment je vous demande une petite place dans votre souvenir. Adieu encore une fois, je vous aime et embrasse de tout

cœur.

Signée: SOPHIE.

Mille respects et compliments à votre chère famille. Qu'est devenu votre petit cousin qui a l'oreille paresseuse. S'il est près de vous, rappelez moi à son souvenir. Mon mari me charge de vous offrir ses homages (sic). Tous les miens sont présentement à Nantes et se portent bien Vous devez avoir reçu une lettre de mon frère quelques jours après la mienne. Ne manquez pas, chère bonne amie, de me donner de vos nouvelles Mon adresse est à la Citoyenne la Rairie, poste restante à Bordeaux. Je vous quitte. J'ai un mal au second doit (sic) de la main droitte (sic) qui me fait beaucoup souffrir; aussi je griffonne à faire peur.

J'entendais tous les adversaires de mon mari; ces gens mal élevés et avinés le menaçaient. N'écoutant que ma frayeur et ne pensant plus en quel état j'étais, je cours et entre au milieu du bal, sans avoir d'autre vêtements que ceux que j'avais au lit. Jamais je ne produisis tant d'effet au bal, et, après avoir été assez heureuse pour arrêter la querelle, je m'aperçus du négligé de ma toilette et fit une retraite aussi précipitée que possible.

Ce fut dans une relache à Philadelphie (arrivée le 11 juillet 1797), que je donnai le jour à mon fils aîné, Henri. Nous étions à bord d'un mauvais petit navire marchand, monté par six hommes d'équipage. Le temps fut affreux et la tra versée fut horrible. Vingt jours après mes couches, nous repartimes. Le temps fut affreux; tout le monde avait le mal de mer, même la chèvre que j'avais fait embarquer, dans le cas où la nourrice nègre serait malade.

Enfin, après mille malheurs, nous arrivâmes à l'Ile de France, où nous fumes très bien reçus par le frère de ma belle-mère, Monsieur Lehelle, oncle par conséquent de mon mari. Nous restâmes chez lui six ans, et j'eus d'autres enfants au Port-Louis, où était l'habitation de mon oncle. Je pus, pendant ce séjour, me convaincre de ce qu'on dit en faveur des nègres, que je regarde comme bien plus heureux que nos paysans. Sans doute tous n'ont pas de bons maîtres; il y en a quelques-uns de fort durs, mais c'est l'exception. Il est pénible de voir vendre ces pauvres nègres, mais cela n'a lieu que pour les mauvais; généralement on ne sépare guère la famille, à moins de cas exceptionnels.

Nous revinmes en France lorsque l'ordre fut un peu réta bli. Ma belle-mère avait acquis une propriété près de Chinon (le château des Places, commune de Savigny-en-Véron). Une de ses filles, Charlotte, s'était mariée à Chinon, avec Monsieur Chalumeau, d'une ancienne famille du pays; l'autre, Victoire, s'était mariée en Bretagne avec Monsieur de Pénanreff.

Nous fumes donc nous établir avec ma belle-mère (1) et près d'un de nos amis, qui avait été un deuxième père pour Monsieur de Joannis, Monsieur du Roselle, et qui devait toute sa fortune à la famille de mon mari. Dans un voyage fait par lui comme chirurgien de la Compagnie des Indes, il avait fait de très gros bénfices d'une pacotille donnée par ma belle-mère; il était venu s'établir en France et avait acheté, près de Saumur, une terre où il résidait. Il aimait mon mari comme son fils et il désira instamment dans les dernières années de sa vie de nous voir près de lui; étant de distance de chez sa mère, il s'y décida, et le pauvre en mourant, nous laissa cette propriété (la Vignolle, com

à

peu

(1) Passe-Port de Madame de Joannis pour se rendre de Bayonne à Chinon.

Département des Basses-Pyrénnées, Ville de Bayonne,

Laissez passer la citoyenne Sophie Sapinaud, épouse de Jean-Baptiste de Joannis, propriétaire à l'Isle de France, venant de passage où elle a débarqué du navire Lage...e, où elle était embarqué en qualité de passagère,

domiciliée à l'Isle de France, agée de trente ans, taille un mêtre 625 millimetres, cheveux blonds, sourcils de même, yeux bleus, nez bien fait, visage ovale et plein, bouche petite, allant à Bordeaux, et Chinon, avec ses deux enfants, nommés Henry et Corraly (sic) de Joannis, et prêtez-lui aide et assistance en cas de besoin.

Fait à Bayonne dans la Mairie, le 7 Ventôse l'an dix de la république Française (25 février 1802).

Signé: S. Sapinaud de Joannis,

le Commissaire de police,

illisible.

Le Maire de Bayonne,

Lacroix Ravignan.

No 1449, Vu au Commissariat général de police de Bordeaux, le 24 Ventôse an dix (14 mars 1802) pour aller à Tours et Chinon.

Pour le Commissaire Général absent, le Secrétaire Général,
Signé: Babut.

Vu à la Mairie de Chinon le 4 Germinal an dix (24 mars 1802)

Pour le Maire, (signé): Maissac.

Veu (sic) à la Mairie de Savigny, le douze Germinal an dix (1 avril 1802)

(Signé): E. Gallé, maire,

mune de Turquant), que nous avons habité pendant bien du temps. J'y ai eu deux enfants. Nous en partîmes, car Mon. sieur de Joannis, homme très remarquable d'esprit et de savoir, s'était, depuis le retour des Bourbons, établi à Paris, en rapport constant et intime avec tous les hommes d'intelligence: le duc Mathieu de Montmorency, Madame la duchesse de Bourbon, Monsieur l'abbé de Fallard, Ampère, Chevreul et autres savants.

Mes deux fils, Henri et I éon, entrèrent à l'Ecole Polytechnique, où Madame la duchesse de Berry et Madame la Dauphine leur donnèrent des bourses. Je partageais mon temps entre Paris et la campagne. Monsieur de Joannis obtint un emploi assez important au Ministère de l'Intérieur; plus tard, en 1829, il fut nommé directeur de l'Ecole des Arts et Métiers, à Angers.

Ce fut là que la Révolution de 1830 nous trouva. Je frémissais en pensant que mes filles, au nombre de quatre allaient peut-être courir les mêmes dangers. Il n'en fut rien.

Nous nous retirâmes à notre terre de la Vignolle, près de Saumur, où nous vécûmes tranquilles.

Mon fils aîné, Henry, d'abord officier d'artillerie, s'était marié ensuite avec Mademoiselle de Rougemont, née du fameux banquier suisse. Le second, Léon, était officier de marine, a gravi son dernier grade, a obtenu son brevet et a été désigné par Charles X pour la campagne du Luxor; il est resté deux ans en Egypte. A son retour, il se maria avec Mademoiselle Geneviève Pocquet de Livonnière, fille de ces Livonnière que j'avais connus dans ma jeunesse.

En 1823, ma santé s'étant affaiblie et pour des raisons de famille, je revins m'établir au centre de ma famille, chez ma sœur Charlotte, devenue Madame Sochet des Touches, avec mes quatre filles.

L'ainée, Coralie (1799-1876), par suite de la mort de son fiancé, Adrien Sochet des Touches, son cousin, de chagrins en avait perdu la santé.

La seconde, Eléonore (1806-1898), devenue le soutien de la famille, ne voulut pas se marier. Après la mort de ma sœur ainée, Aimée de Sapinaud, mes filles, qu'elle avait fait ses héritières, m'emmenèrent habiter cette pauvre Gaubretière, berceau de toute ma famille.

J'y ai marié la troisième et la quatrième de mes filles; l'une Sophie, à Monsieur Samuel Auvynet, lieutenant de vaisseau, camarade de mon fils Léon, et d'une famille des plus honorables et des plus opulentes de la Vendée; l'autre, Clémence, à Monsieur Henri de Lattre, notre parent, fils d'Ernest de Lattre de Tassigny et de Chantale Imbert de la Cholletière; celle-ci était sœur de Marie-Charlotte Imbert, devenue Madame de la Barre, et qui fut notre compagne d'infortune à la suite des armées de la Vendée.

Madame Auvynet, ayant perdu son mari et son beau-père, et désirant m'avoir près d'elle, je suis venue avec ma fille Eléonore, habiter avec elle à Olonne, où tous mes enfants viennent me voir tous les ans.

Après tant de douleurs et de souffrances de tous genres, Dieu m'a donné la plus douce des récompenses, celle de conserver mes enfants et l'espoir de mourir entre leurs bras.

En effet, cette vénérable mère a fini doucement (1) sa vie

(1) Copie du Testament de Sophie de Sapinaud:

Ceci est mon testament:

Je soussigné, Sophie-Céleste-Eléonore de Sapinaud, femme de Monsieur Jean-Baptiste de Joannis, demeurant de fait à Olonne, département de la Vendée, ai par ces présentes fait mes dispositions,

Désirant laisser à mes enfants comme souvenirs quelques petits objets qui m'ont appartenus, voici comment je veux qu'ils soient distribués

1o Je donne à Henri, mon fils aîné, mon écritoire, qui a appartenu à mon Oncle l'Abbé de Sapinaud, et mon cachet;

2o A mon fils, Léon, le tableau représentant « le Tancrède » qu'il a commandé et mon alliance,

Je regrette de n'avoir rien de plus précieux à laisser à ces chers enfants pour reconnaître les sacrifices qu'ils se sont tant de fois imposés pour venir à mon secours et celui de leurs sœurs; ils en

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