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Mais, à la moindre résistance à ses exigences, au moindre accès d'impatience, un observateur attentif eut bien vite remarqué chez la jeune fille devenue femme, l'expression trop ferme, presque dure, contenue dans ces prunelles fascinatrices qu'ombrageaient de longs cils, il en eut vu jaillir un regard d'un froid d'acier et eut rapidement deviné, sous ce gracieux aspect, une énergie, une volonté surprenante, une indépendance de caractère peu commune, enfin un ensemble de qualités qui semblent devoir appartenir à l'homme, plutôt qu'à un sexe bien plus destiné à être soumis, doux et sensible que courageux.

Et pouvait-il en être autrement! car chez elle, le sang ardent de la créole s'alliait à la fois à la ténacité bretonne et au courage vendéen.

Mais ces penchants seraient aisément devenus des défauts, si leur ardeur n'avait été tempérée par une solide éducation à laquelle sa mère, femme d'un grand mérite, s'était entièrement vouée. Celle-ci, loin de céder au courant de philosophisme sceptique et railleur qui se déversait alors sur la société, préserva avec un soin jaloux, son foyer du contact de ces nouvelles maximes, dont l'influence dissolvante commençait à se faire sentir par un relâchement accentué des

mœurs.

En éducatrice clairvoyante et soucieuse de prémunir son enfant contre les faiblesses possibles, elle se plut à lui enseigner le respect à la religion et la fidélité au pouvoir royal. Ces deux principes étant, à ses yeux, la base de l'édifice social et la sauvegarde des privilèges de l'aristocratie.

Cet enseignement impressionna-t-il profondément l'esprit d'Adélaïde? Entra-t-il bien avant dans son cœur? En un mot porta-t-il ses fruits? Certes, sa fin héroïque nous le prouve surabondamment.

Et maintenant, peut-on croire qu'une vie légère, indiffé rente, vide de sentiments élevés, l'eût trouvée prête à résister, avec tant de fermeté, aux périls de la lutte dans laquelle elle allait se jeter; à supporter avec une grandeur d'âme admi

rable de dures épreuves et à montrer dans le malheur une sérénité, un stoïcisme remarquable. On ne saurait le penser. Elle puisa assurément, dès son jeune âge, à la source même des exemples fournis jadis par son illustre famille, cet esprit de sacrifice, ce dévouement inébranlable à sa foi, à ses croyances et à ses convictions qui l'imposent à notre admiration.

La fatalité des événements, sa défense personnelle et celle de ses biens, la poussèrent dans cette lutte suprême où ses aventures nous semblent, racontées maintenant, tenir de la fiction autant que de l'histoire.

On ne saurait s'en étonner. Les récits de l'insurrection vendéenne ne nous révèlent-ils pas tous, des drames privés de ce genre, sortes de romans réels, vécus, tous d'un poignant intérêt.

Cette étude n'est donc que le récit des faits auxquels se trouve mêlé le nom de Madame de la Rochefoucauld, et celui des circonstances qui s'y rapportent, rien de plus!

Il ne s'agit point ici de porter un jugement sur un parti, mais de montrer de quoi fut capable une femme qui ne doit être jugée que suivant ses sentiments, que selon ses intentions.

On peut ne professer aucune sympathie pour la cause dont elle se proclama le champion, mais on ne saurait s'empêcher de s'incliner devant le dévouement avec lequel elle la détendit.

Tels sont les principaux traits de cette physionomie de si noble allure, de ce caractère si fortement trempé.

A tous les titres, croyons-nous, Madame de la Rochefoucauld, dont la mémoire a droit au respect de la postérité, mérite de figurer, et en bonne place, dans la galerie des Héroïnes Vendéennes.

(à suivre).

E. WAITZENEGGER,

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Mademoiselle de Sombreuil, par Victor Duchemin (Librairie Académique Perrin). La Révolution et la Vendée, par Emile Gabory (Perrin). Le Roi perdu, par Octave Aubry (Fayard).

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UAND j'ai lu le livre si émouvant de M. Duchemin sur « Mademoiselle de Sombreuil »>, l'héroïne au verre de sang, quand ont repassé sous mes yeux les scènes d'immonde et atroce bestialité de septembre 92, je me suis dit, une fois de plus, que Louis XVI avait été le propre auteur de va

mort. Ne vous récriez pas! « Depuis le déïcide des Juifs, a écrit Lamenais, jamais crime plus horrible n'avait été commis, car ce ne fut pas seulement un mortel vertueux qui succomba sous la rage de quelques scélérats, ce fut le pouvoir lui-même, ce fut la société toute entière qui périt Et qui fit périr roi, pouvoir et société? L'incompréhensible faiblesse de Louis XVI. C'est lui qui écrivait à Brissac t Bouillé: « J'ai rétracté les ordres que j'avais donnés,

mes troupes quitteront Paris. Vous parlez de résistance aux projets des factieux. Vous n'êtes pas roi! Le ciel, en me plaçant sur le trône, m'a donné le cœur d'un bon père. Tous les Français sont mes enfants..... Me défendre! il faudrait verser le sang des Français; mon cœur ne peut se familiariser avec cette affreuse idée.... Je sais que le succès dépendait de moi; mais il faut une âme atroce pour verser le sang de ses sujets.... »

Cela n'est pas langage de chef, Louis XVI s'est trop considéré comme un père et un père sans fermeté pas assez comme un roi. Il devait châtier, et, en se défendant, défendre la France. Il a poussé la faiblesse jusqu'au renoncement de ses droits, de ses devoirs les plus imprescriptibles.

M. Duchemin raconte les tueries de septembre et la journée du verre de sang. Un mot éclaire d'une aveuglante lueur la psychologie des bourreaux et des victimes. C'est l'exclamation d'un des massacreurs: << S'ils étaient tous aussi braves qu'elle, il n'y aurait pas tant de gens ici ». Voilà l'explication de la Révolution, triomphe de quelques bandits audacieux sur une immense majorité, presque l'unanimité, d'honnête gens vertueux, doux, attendris, veules, résignés, apeurés.

Il faut avoir la vertu de la force, le goût de la lutte contre le mal. Plaignons ceux qui geignent; admirons ceux qui osent, qui résistent, et font, quand il le faut, le geste nécessaire.

Ce geste, la Vendée le fit, et son nom resplendira jusqu'à la fin des âges d'une immortelle beauté. La Révolution ne rencontrait sur sa route aucun obstacle, les Français terrorisés se drapaient dans une inutile vertu pour mourir sur l'échafaud. Les Vendéens se levèrent, ils furent vaincus, mais ils sauvèrent l'honneur national.

C'est précisément leurs formidables luttes que M. Gabory,

le très érudit archiviste vient, après tant d'autres, de raconter dans un volume qui est le premier d'une série du plus haut intérêt, et où abondent des documents absolument inédits.

Un jour, le général de Charette me parlant, dans une lettre personnelle, de la guerre de Vendée me disait:

« Question religieuse, personne n'a bougé.

« Question politique, personne n'a bougé.

« Question militaire. La levée des 300.000 hommes a été << la goutte qui a fait déborder le vase. La guerre de Vendée «< s'est faite, en somme, sur ces trois questions. »

Sous une forme saisissante, Charette avait donné la note vraie.

On sait quels efforts a fait certaine école pour enlever tout caractère politique à la guerre de Vendée et la transformer en guerre purement religieuse. Or, les faits sont là: c'est le 12 mars 93 qu'éclata l'insurrection, quatre ans après la constitution civile du clergé, deux ans après la loi du serment, un an après les internements et déportations des prêtres. Personne n'avait bougé. Les Vendéens bougèrent après l'assassinat du roi et le décret de conscription; refusant de cimenter de leur sang un régime abhorré, régicide et persécuteur, ils se levèrent en masse au double cri de: Vive le Roi! Vive la Religion!

Ce qui fait l'originalité du livre de M. Gabory, ce sont les aperçus très neufs qu'il donne, sa façon très personnelle d'étudier toutes les questions qu'a soulevées la guerre de Vendée, de les sérier, et jusqu'à la division du sujet. Après avoir tout examiné avec impartialité, il conclue suivant les règles de la vraie justice. C'est ainsi qu'il montre les Vendéens tout aussi patriotes que ceux qui faisaient du mot de République l'équivalent du mot de Patrie, mais s'en tenant à la signification établie par l'Evangile: ubi patria, ibi libertas; ubi patria, ibi justitia. Pas de patrie sans liberté. Pas de patrie sans justice. Il n'y avait plus de roi, rien que le

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