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posé de l'ordre ionique avec fûts, pilastres d'angle. Une double arcade y donne accès. Au-dessus, une terrasse supportée par une voûte plein cintre en berceau et à caissons moulurés. De là on pénètre après avoir franchi un second vestibule, dans un joli escalier en hélice, qui s'ouvre par deux portes anse de panier. C'était le second escalier, bien inférieur au grand et peu large. Il est en outre mal éclairé dans les volées du rez-de-chaussée. A sa droite s'étendent encore des salles fort grandes qui ont été réparées au xvII' siècle. Une niche en plâtre subsiste encore.

Mais la pluie venant à tomber à torrent. J'ai trouvé un abri à la porte de la ferme, d'où je me suis mis à dessiner ce remarquable monument.

O. DE ROCHEBRUNE.

N. D. L. D. Malheureusement, comme le prévoyait M. de Rochebrune, il ne reste plus aujourd'hui de cette magnifique demeure que de beaux mais lamentables vestiges.

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E mois de mai ayant été sec et
beau, Korrigan prit son bâton et
sortit. Comme il avait besoin de
traverser la Brière, son premier
soin fut de s'octroyer un
« fu-
treau » amarré par là pour re-
monter l'étier de Méan. Il s'agis-
sait de gagner au plus vite, an
centre des « frichés », parmi les
cinq îles, le bourg de Pandille

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où il avait à régler une importante affaire.

Bien que le long bateau fût lourd, manoeuvré à la perche, Korrigan préférait s'en servir, car il se méfiait des voiles claires indiscrètes. Sous sa main experte, le futreau glissait si vite sur l'eau sombre que les bestiaux qui paissaient dans les prairies semblaient fuir avec la rapidité de joujoux mé. caniques,

Quelles raisons poussaient ainsi le petit homme vers les Briérons qui l'accusaient de sortilèges et lui réservaient toujours mauvais accueil? Qu'allait-il faire là-bas, quand les hommes étaient occupés à enlever au hoyau la « pélette », la première couche de tourbe d'où sont tirées les mottes réservées aux gens du pays? Qu'allait-il chercher dans un bourg paisible, la foire passée, l'autel du mois de Marie encore brillant de lumières ?

Une fille, qui s'appelait Marianne et qui était riche. Son père possédait plusieurs canaux desséchés sur lesquels les vents amenaient une terre friable et noire qui, pulvérisée, sert d'engrais et se vend très cher. Or Korrigan le savait, et comme il aimait encore plus l'argent que l'amour, il voulait, pour avoir l'un, tenir l'autre. Il enlèverait donc Marianne, la fille aux joues roses qui gardait jalousement sa vertu et se gaussait des Fées et des Nains: puis il réclamerait sa dot.

Et le futreau file, file, si noir avec son batelier tout noir, d'yeux, de poil et de hardes, que personne ne peut le suivre à la trace. Il contourne les frichés noirs, comme le granit, les arbrisseaux, les maisons, et vient échouer à l'extrémité de la tourbière, où Korrigan l'abandonne. Prenant son bâton, le petit homme enjambe le sol bosselé, coupé de canaux, de mares où l'eau dormante est noire, arrive au bourg, frappe à la porte de la belle, la saisit et l'emporte.

Et le voilà, avec son fardeau, qui s'élance, fuyant pour ne pas être reconnu, impatient d'arriver à l'autre bout de la Brière, dans cette île verte où une grotte lui sert de logis. I! y sera tranquille, les hommes, qui redoutent son pouvoir, ne l'y viendront point troubler: maître de la fille, il aura bientôt les écus du père. Un plaisir fou, à cette perspective, le transporte, et il rit si fort que la pauvre Marianne, toute secouée, en a mal au cœur.

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Oh! dit-elle, Korrigan, Korrigan, quelle action commettez-vous? Pourquoi vous conduisez-vous de la sorte avec

une pauvre fille telle que moi? Que vous ai-je fait, sinon de ne pas croire aux histoires de trésors cachés, de pierres qui virent, à tous les forfaits qu'on vous prête? Ne valait-il pas mieux nier votre légende que de vous flatter par crainte ou de vous mal juger? Korrigan, qu'allez-vous faire de moi? Je suis honnête et pure, vous le savez, et il y en a tant d'autres qui n'auraient pas demandé mieux que de vous suivre! Abandonnez-moi n'importe où: tuez moi, si vous préférez, mais que mon fiancé, que j'aime et qui m'aime, me trouve morte plutôt que vivante et résignée dans vos bras! Laissezvous attendrir!

Mais Korrigan répond: « C'est toi, fille, que j'ai choisie: tu vivras car tel est mon bon plaisir et ceux qui chercheront à te reprendre périront, car je suis le « Frère ainé de l Mort »>!

Et la serrant de toute sa vigueur, il l'étouffe presque pour n'avoir plus à entendre sa voix...

Alors la pluie se mit à tomber, une pluie douce, juste un simple «< crachin», pour que le sol gardât la marque du pied: et ce fut ainsi que Donatien, le fiancé de Marianne, retrouva la trace de sa bien aimée, la belle fille aux joues

roses.

Et parce que Korrigan devine l'homme qui le poursuit, il grommelle entre ses dents: « Marin, c'est un marin: que n'est-il vannier, cordier ou voilier, je m'en irais sans souci avec ma captive, mais ne faut-il pas se méfier de cette race d'hommes superstitieuse et vindicative. « Que le diable l'em. porte!» Et dans sa rage, le petit homme s'en prend à cette pauvre Marianne qui n'en peut mais, aux trois-quarts évanouie, le corps abandonné.

Maintenant, tous les hommes de Pandille ont quitté le travail et, précédés de Donatien éperdu, se sont mis en route pour retrouver la jeune fille, mais plus ils se pressent, plus le couple s'éloigne, insaisissable, fantômatique. Et la course se poursuit sous les clairs de lune de printemps, le soleil

d'été, les vents aigres d'automne, tout autour de la Brière où maintenant les pieds s'enfoncent dans la tourbe amollie: la jeunesse est inquiète, les vieux sont abêtis.

Jamais, de mémoire d'homme, enlèvement pareil ne s'était vu: certes, les exploits de Korrigan n'étaient point ignorés et on les savait peu à son avantage, mais de là à un acte aussi brutal, au siècle des progrès, c'était à tourner les esprits: ce qui advint.

Le pays tout entier est sous un envoûtement: les femmes, dans les maisons, bavardent sans rien faire, sur le cours d'eau, il n'y a presque plus de trafic, les « blains » aux grandes voiles restent amarrés sur la Loire sans qu'on puisse les détacher et, chose plus grave encore, les églises se vident et les cimetières, en cette fête de Toussaint, restent sans nettoyage et sans fleurs.

Cependant les hommes poursuivent le ravisseur qui, soulevant avec peine ses pieds de la tourbe, trouve quand même moyen d'avancer, courbé en deux, tant son fardeau lui est pesant.

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Que se passe-t-il, bougonne Korrigan sans oser se retourner, et comment ne m'a-t on pas repris ma proie, je vais si lentement depuis que la terre s'encroûte à mes souliers! Que font donc ces hommes agiles et forts, ces « bonnes créatures du bon Dieu », m'auraient-ils oublié ?

Ah! s'il savait que, pour arriver à le vaincre, Donatien a fait un vou, qu'à l'Enfant-Dieu qui va naître dans quelques jours il a promis le plus grand des trésors du monde, avec quelle ardeur il appellerait la Mort pour venir à son secours, éviter la colère céleste et rentrer au plus vite dans son domaine, sacrifiant Marianne, quitte à trouver un autre moyen pour arracher les écus à son père!

Mais il était écrit que les cloches de Noël changeraient les bruits autour de lui et qu'un mystère l'empêcherait de retrouver son île verte et la sécurité de sa grotte!

Ding.. din.. don! Ding... din... don! l'appel d'un caril

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