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maître, et celles du prince d'Alep. Nous allons donner ses propres expressions: « Ce guerrier portoit en ses bannières les armes de l'empereur qui l'avoit fait chevalier, et estoit sa bannière bandée, dont en l'une des bandes il portoit pareilles armes du souldan de Halape, et en l'autre bande d'un cousté estoient les armes du souldan de Babilonne » ou du Caire. Trente ans après, au rapport de l'auteur arabe Yaféi, quand le sultan Bibars Bondokdar enleva Antioche aux chrétiens un de ses émirs ayant fait prisonnier le connétable ou commandant des troupes de la ville, le sultan pour récompenser cet émir, lui permit de mettre sur sa bannière les armes du connétable, en signe de sa victoire (1). Or comme on sait d'ailleurs que Bibars portait pour armes un lion, lequel se trouve sur ses monnaies, il y a lieu de croire qu'à cette époque, les princes et les émirs, et même chaque chef avaient une bannière particulière, comme les seigneurs bannerets du moyen âge. Une seconde conséquence assez naturelle, c'est que ces armes ou marques particulières des chefs et princes mahométans n'avaient pas toutes, ainsi qu'on aurait été d'abord tenté de le croire, une origine superstitieuse. Quelquefois elles servaient à consacrer un souvenir agréable ou quelque exploit signalé. C'est ce qui avait lieu parmi nous à la même époque, et ce qu'on pratique encore à présent.

(1) On trouvera ce passage dans la nouvelle édition de nos Extraits arabes relatifs aux Croisades, à l'an 666 de l'hégire.

T. III.

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Au reste, quand nous parlons d'armoiries usitées en Orient, nous sommes loin d'attribuer à ces contrées la science du blason. On sent bien qu'il ne peut rien exister de semblable dans un pays où il n'y a rien de stable, où l'on ne connaît pas de noblesse héréditaire proprement dite (1), où le fils de l'homme revêtu des grands emplois n'est rien que ce qu'il peut être par lui-même. Quel rapport peut-il y avoir entre ce pays et le nôtre, où les signes se perpétuent avec les familles? Nous entendons ici par le mot armoirie, une marque et enseigne quelconque, commune quelquefois à une suite de princes, vivans à plusieurs générations d'intervalle les uns des autres, ou même une marque particulière à un individu. Ce mot ainsi entendu convient également aux Grecs, aux Romains et aux Arabes. Quand Athènes mit une chouette sur ses monnaies, quand les Ptolémées firent usage d'un aigle, c'était une espèce d'armoirie; quand Bibars mit un lion sur ses monnaies et ses édifices (2), c'était

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(1) Il est bien vrai qu'il y a dans les pays musulmans une certaine espèce de nobles; ce sont ceux qui se disent descendus de Maho-> met, par sa fille Fatime. Cet avantage leur vaut les titres de schérif et de seid, qui signifient noble et seigneur. Mais ces descendans de Mahomet n'ont aucun privilége réel, 'si' ce e n'est à d'avoir droit en tems de guerre à une partie du butin fait sur l'ennemi, quand cet ennemi est chrétien, ou de tout autre religion que la musulmane. Ceux qui prennent ce titre de seid et de schérif sont assez souvent des vagabonds et des misérables.

(2) Voyez la Relation arabe d'Abd-allathif, traduite par M. Silvestre de Sacy, pag. 568.

aussi une armoirie; quand Tamerlan avait sur ses monnaies trois figures en forme d'œufs, et qu'il faisait imprimer cette marque sur ses effets et sur les cuisses de ses chevaux, il s'en servait comme d'une armoirie. Quand les rois de Perse mettent le signe du lion et du soleil sur leurs monnaies et leurs monumens, c'est encore une espèce d'armoirie: on peut si on veut l'appeler autrement; mais le nom ne fait rien à la chose. On a vu d'ailleurs, par le passage de Joinville, que les marques particulières de certains princes musulmans contemporains des croisades, se rapprochaient singulièrement de nos armoiries (1).

Ici on nous fera peut-être une objection: on nous demandera pourquoi donc il n'existe plus de figures sur les monnaies de l'Inde et de l'empire Ottoman actuel? C'est par principe de religion, car la religion de Mahomet défend toute espèce de figures; les Turcs d'aujourd'hui surtout, sont devenus très-scrupuleux sur cet article, ainsi que sur beaucoup d'autres; ils ont poussé la chose jusqu'à l'absurde et au ridicule. C'est au point qu'à présent ils n'osent plus mettre le nom de Dieu sur leurs monnaies, par un respect mal entendu pour ce nom sacré. Comme tout change sur

(1) On trouvera, dans le Recueil espagnol intitulé: Antiguedades arabes de Granada y Cordoba, pl. XIX, un vase arabe portant un écusson avec tous les détails de notre système héraldique. Ce qui prouve que les Maures d'Espagne employaient de véritables armoiries semblables aux nôtres.

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la terre ce sont pourtant ces mêmes Turcs, dont les ancêtres, sortis des pâturages de la Tartarie, introduisirent l'usage des figures sur les monnaies. C'est un fait qui paraît indubitable. A la vérité on connaissait déjà chez les peuples d'origine arabe, les figures astrologiques; on en a un exemple dans le calife fatimide Moezz, qui voulut que sa ville du Caire fût bâtie sous l'ascendant de la planète Mars; mais ni lui, ni aucun prince de sa race ne fit représenter rien qui eût vie sur ses monnaies; il n'en existe pas un seul exemple (1). Il en fut de même chez les Maures d'Espague et d'Afrique, et chez les califes d'Orient, du moment qu'ils commencèrent à avoir leurs monnaies nationales. Nous ne parlons pas ici de quelques figures particulières au christianisme, qu'on trouve sur des médailles musulmanes frappées en Syrie, en Palestine et en Mésopotamie. Il paraît que les califes tolérèrent d'abord les images en faveur des chrétiens leurs sujets, qui alors composaient la plus grande partie de la population de ces contrées. On ne commence vraiment à trouver des figures sur les médailles musulmanes, que vers le temps de l'établissement des peuples d'origine tartare dans la Perse, la Mésopotamie, etc., dans le douzième siècle de notre ère.

(1) Il est cependant vrai de dire que ces princes se dédommageaient de cette gêne dans leur intérieur domestique. Il nous reste encore de ces califes, des tapis, des voiles, des vases, et autres objets en bronze chargés de figures. On en peut dire autant des autres dynasties musulmanes.

Comme ces peuples ne connaissaient encore qu'imparfaitement l'esprit de la religion mahométane, ils durent être moins scrupuleux sur l'usage des figures. Tout ce qu'ils purent faire, ce fut de renoncer pour le moment à leurs animaux, pour adopter en place les figures astrologiques des peuples vaincus. Ce n'est pas la seule chose que ces barbares empruntèrent des nations soumises; au contraire les hordes tartares et mongoles qui commencèrent leurs invasions sous Djengis-khan et même plus tard, restèrent fidèles à leur ancienne coutume d'employer sur leurs monumens. des figures d'animaux; enfin peu à peu ces hordes sauvages se façonnant au joug musulman, commen cèrent à négliger l'usage des figures. La Turquie actuelle est dans ce cas. Il en est résulté que le gouvernement turc, n'osant se mettre en opposition ouverte avec la religion mahométane, a préféré faire usage du togra sur ses monnaies. On appelle togra un signe qui remonte jusqu'à l'origine de la monarchie ottomane, consistant dans l'assemblage de quelques traits entrelacés composés du nom du sultan et de quelques vœux analogues à sa dignité. Il est vrai que le nom change avec la personne; mais alors on arrange ces traits de telle manière, qu'il n'y paraît presque pas de différence : c'est ce même togra qu'on place en Turquie à la tête de tous les actes publics. Il est à peu près pour les Turcs ce que sont pour nous les armes aux fleurs de lis (1).

(1) Ce n'est pas que ce togra n'ait été et ne soit aussi en usage

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