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RAPPORT SUR LES PRIX DE VERTU

PRIX DUMANOIR ET PRIX 0. ROULAND

Par M. G. BORDEAUX.

MESSIEURS,

L'Académie est appelée, chaque année, à décerner, en séance publique, un certain nombre de prix, parmi lesquels figurent le prix Dumanoir et les prix Octave Rouland.

Vous m'avez fait l'honneur de me désigner comme rapporteur et je ne crois pouvoir mieux justifier votre confiance qu'en abordant immédiatement mon sujet ; les faits valent mieux que les paroles et j'aime à espérer que les belles et bonnes actions qu'il m'échoit de faire connaître masqueront mon insuffisance à les célébrer comme il conviendrait.

Le prix Dumanoir consiste en une somme de 800 francs à remettre, suivant l'intention du généreux donateur, << à l'auteur d'une belle action accomplie à Rouen ou dans le département de la Seine-Inférieure. »

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Le choix de votre Commission s'est porté entre beaucoup de candidats très méritants, mais dont les actes ne pouvaient, pour le nombre et la valeur, rivaliser avec ceux du lauréat, sur M. Dupré (Louis), chef d'équipe

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de débarquements, demeurant avenue du Mont-Riboudet, à Rouen. Le style administratif j'en puis parler en connaissance de cause, et je crains fort de vous en fournir ce soir une preuve trop évidente, est dépourvu d'élégance; la clarté en constitue la seule beauté, et sa lecture ne présente généralement rien de palpitant. Eh bien pour une fois, un document officiel m'a fait ressentir une véritable émotion, due soit dit sans la moindre irrévérence - beaucoup plus aux faits qu'il relate qu'au talent du rédacteur. Et comme je m'en voudrais de conserver pour moi tout seul le charme qui s'en est dégagé, je vous demande la permission de vous en reproduire le texte en entier :

« Rouen, le 25 septembre 1907.

<< L'Administrateur principal de l'Inscription maritime de Rouen certifie que M. Dupré (Louis-Edouard), chef déquipe, domicilié à Rouen, avenue du Mont-Riboudet, né à Paris (XVe arrondissement), le 2 décembre 1866, a obtenu, en mai 1907, le prix Henri Durand de Blois, pour les faits de sauvetage ci-après :

<< Rouen (9 décembre 1897). homme tombé en Seine.

< Rouen (12 juillet 1899).

tombé en Seine.

-

Sauvetage d'un

Sauvetage d'un homme

« Rouen (21 décembre 1900). homme tombé en Seine.

Sauvetage d'un

(Pour ces trois sauvetages la Chambre de commerce de Rouen a décerné une médaille de vermeil.) Sauvetage d'un

<< Rouen (29 décembre 1909).

homme tombé en Seine (lettre de félicitations et gra

tification de 30 francs).

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< Rouen (7 août 1903). Sauvetage de quatre hommes en danger dans la cale du pétrolier Hamburg (mention honorable du Ministre de l'Intérieur : En souvenir de son honorable et courageuse conduite, le Ministre de l'Intérieur, au nom du Président de la République, décerne un diplôme d'honneur à M. Dupré.)

« Rouen (2 janvier 1904). — Sauvetage d'un homme tombé en Seine.

< Rouen (6 octobre 1904). - Sauvetage d'un homme tombé en Seine (une médaille de bronze du Ministre de la Marine).

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< Rouen (23 février 1906). Sauvetage d'un homme tombé en Seine (une médaille d'argent de 2o classe).

« Rouen (10 mai 1906). Sauvetage d'un homme tombé en Seine (une médaille d'argent de 1r classe),

Le présent est délivré à l'effet d'être joint au dossier de proposition du prix Dumanoir.

« L'Administrateur de l'Inscription maritime, « Signé : CAUMONT.

Ne trouvez-vous pas, Messieurs, à ces répétitions < Sauvetage d'un homme tombé en Seine » qui se reproduisent jusqu'à onze fois de suite, une harmonie et une résonnance particulièrement mélodieuses; ces mots ne reviennent-ils pas comme un leitmotiv caresser

nos oreilles et réchauffer nos cœurs ? N'attestent-ils pas en effet que le courage et l'abnégation ne sont pas bannis de ce monde ; qu'il est de nobles cœurs pour les pratiquer simplement, naturellement comme Dupré, sans que la pensée du danger soit venue effleurer son esprit et amollir son bras!

Et n'allez pas croire que ce soit fini, Dupré est un récidiviste du bien. Il s'est, depuis le certificat que je me suis plu à vous lire, signalé par deux nouveaux sauvetages:

Le 29 mars 1909, il s'est encore jeté à la Seine, tout habillé et venant de manger, pour porter secours à un homme tombé à l'eau et qui allait se noyer. Il a réussi à le ramener sur la berge et lui a prodigué les soins que réclamait son état; une médaille d'or du Ministère de la Marine est venue consacrer le fait.

Enfin, le 29 janvier de cette année, au cours de l'inondation, une pauvre femme de soixante-dix ans était, dans les prairies qui avoisinent le Mont-Riboudet, assiégée par les eaux; elle ne pouvait sortir de chez elle. Dupré l'apprend, parcourt quatre-vingts mètres dans l'eau, charge la malheureuse sur ses épaules, et la dépose en lieu sûr.

Onze sauvetages en Seine, dont plusieurs au péril de sa vie, voilà le bilan de Dupré. J'aurai soin de ne l'affaiblir par aucun commentaire; il se suffit à lui-même et est plus éloquent que le plus beau discours. Aussi ne manquerez-vous pas de trouver comme nous que le prix Dumanoir ne saurait être mieux placé qu'en la personne de Dupré, qui répond si amplement et si com

plètement aux conditions imposées par le donateur; et en acclamant Dupré, vous applaudirez à tout ce qu'il y a de meilleur et de vraiment supérieur dans l'homme : le courage, le dévouement et l'oubli de soi-même!

La libéralité Octave Rouland comporte deux prix, de 300 francs chacun, « aux membres des familles nombreuses ayant fait preuve de dévouement envers leurs frères et sœurs ». C'est à la consolidation du lien de famille qu'ont tendu ses auteurs, on ne peut qu'admirer la haute signification de leur geste, quand il se trouve éclairé par la lumière de certaines existences comme celles qu'a dévoilées l'examen de vos dossiers et qui ne sont pas aussi rares, soit dit à l'honneur de l'humanité, que pourrait le faire croire notre époque d'égoïsme que favorisent, comme par surcroît, les intérêts particuliers; vous pourrez en juger par l'histoire des Paplorey et d'Henriette Lestiboudois.

La famille Paplorey, du hameau de Saint-Maurice, à Malaunay, se compose du père, Auguste, modeste journalier, gagnant 3 francs par jour, de la mère Picard (Clémence), et a compté jusqu'à dix-sept enfants! Si deux sont mort-nés, quinze ont été élevés par la mère, au sein autant que possible; cinq sont décédés à différents âges. Malgré leur nombreuse famille, les Paplorey ont adopté successivement à la mort du frère et de la sœur (les deux frères ayant épousé les deux sœurs), six orphelins.

Ils soutiennent encore une vieille tante. Par suite de ces circonstances, écrit M. le Maire de Malaunay, en faisant l'éloge de ses administrés, comme M. le Prési

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