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LA MISSION DE M. DE SALAMON

DANS LE DIOCÈSE DE ROUEN, EN 1801-1802

Par Mgr JULIEN LOTH.

Le diocèse de Rouen, après la mort du cardinal de la Rochefoucauld survenue le 23 septembre 1800 à Münster, fut en proie à des divisions religieuses aussi funestes qu'inattendues. Elles furent de courte durée, d'octobre 1800 à avril 1802, mais elles troublèrent profondément les consciences. Cet épisode de notre histoire n'a pas échappé aux écrivains ecclésiastiques, mais il a été traité d'une manière incomplète et défectueuse; il a même donné lieu à des assertions erronées qu'il importe de rectifier.

La plus récente et la plus grave émane d'un prince de l'Eglise, du cardinal Mathieu, ancien archevêque de Toulouse, et membre de l'Académie française, dont les brillants et doctes écrits font autorité. La vérité ayant des droits imprescriptibles et supérieurs à toute considération humaine, j'ai cru devoir la rétablir, tout en professant la plus sincère admiration pour cet illustre prélat, dont la mort a été un véritable deuil pour l'Eglise de France et les lettres chrétiennes.

I

La Révolution n'avait pu éteindre la foi des bonnes populations du diocèse de Rouen, restées en majorité fidèles au culte catholique. La plupart des églises avaient été ouvertes, peu à peu, sous l'œil bienveillant des autorités locales, à la fin de 1799 et dans l'année 1800. Le clergé constitutionnel occupait officiellement 420 paroisses divisées en 26 archiprêtrés. C'était peu sur les 1,460 paroisses de 1789.

Le clergé fidèle revenu de l'exil exerçait son ministère dans les églises non occupées par les assermentés, ou, dans les villes, en d'anciennes chapelles de communautés religieuses et dans des oratoires particuliers.

Les constitutionnels avaient alors pour évêque M. Leblanc-Beaulieu, nommé le 14 octobre 1799 par 4,154 suffrages sur 6,828 électeurs ayant pris part au vote dans les paroisses du département. Il succédait à Gratien, mort le 3 juin 1799 à Rouen.

Les catholiques orthodoxes, privés de leur premier pasteur par la mort du cardinal, se trouvaient placés sous la juridiction des vicaires capitulaires élus, sede vacante, selon les lois de l'Eglise.

En effet, la lettre qui annonçait la mort du cardinal n'étant parvenue à Rouen que le 8 octobre 1800, les chanoines présents dans cette ville s'assemblèrent le 16 octobre, dans les délais voulus, pour élire les vicaires capitulaires. Ils n'étaient, a-t-on assuré, qu'au nombre de six sur cinquante-cinq. Ce nombre nous paraît infé

rieur à la réalité. D'après le journal de M. Martin de Boisville, il y avait au moins douze chanoines revenus alors de l'exil, mais le chiffre importe peu. La Congrégation du Concile de Trente a déclaré, le 14 janvier 1588, que si les chanoines dispersés par la violence ne peuvent s'assembler sans difficulté, il suffit, pour obtenir des démissoires, de s'adresser aux chanoines qui sont sur les lieux, quand bien même il n'y en aurait qu'un seul, parce que le droit du Chapitre se conserve dans un seul, quia jus capituli in uno conservatur. Cette décision, rapportée par le célèbre canoniste Fagnan, et suivie par tous les bons auteurs, s'applique à l'espèce présente. Il y a plus, Fagnan, traitant des élections capitulaires, ajoute: «La présence de tous les chanoines n'est pas de l'essence de l'acte capitulaire. Quant même on négligerait d'appeler quelques-uns des chanoines capitulants, ceux-ci pourraient se plaindre et faire annuler l'acte, mais il ne serait pas nul de plein droit. » Ce sentiment se trouve confirmé par des décisions de la Congrégation du Concile de Trente des 9 juin et 6 septembre 1649.

Or, les chanoines, réunis le 16 octobre 1800, à Rouen, nommèrent vicaires capitulaires M. de Saint-Gervais, doyen du Chapitre avant la Révolution, M. Papillaut et M. Malleux. Ce dernier ne faisait pas partie de l'ancien Chapitre, mais avait été nommé chanoine par le cardinal de la Rochefoucauld, le 7 septembre 1800, à Münster, en remplacement de M. de la Croix, décédé, et il avait rendu de tels services pendant la tourmente, à Rouen, comme vicaire général, muni des pleins pouvoirs de

l'archevêque exilé, qu'il justifiait à tous égards le choix des capitulants.

'Le jour même de l'élection, les chanoines présents à Rouen adressèrent un mandement au clergé et aux fidèles du diocèse pour leur notifier la nomination des vicaires capitulaires.

Les chanoines dispersés ne réclamèrent pas contre l'acte du 16 octobre et n'en poursuivirent pas la nullité. L'élection, au point de vue canonique, devait être regardée comme bonne et valide.

Il convient de rappeler que la mort avait fait bien des vides dans les rangs du Chapitre depuis 1790.

MM. des Moulins, d'Angerval, de la Croix, de la Rue, Davoult, de Bonnissent avaient été rappelés à un monde meilleur, dans le cours de la Révolution. M. Duval était mort à Rouen le 11 août 1798; M. le Baillif-Ménager, en Angleterre, vers le même temps; M. de Lurienne avait été guillotiné à Paris le 19 messidor an II (7 juillet 1794); les deux frères Jacques et Joseph Ravette, condamnés à la déportation, avaient subi l'horrible supplice des pontons et y avaient succombé: Joseph, le 26 août; Jacques, le 28 août 1794. M. Perchel, emprisonné au Palais-de-Justice, où il avait longtemps siégé comme conseiller clerc au Parlement, n'avait pu rẻsister aux privations et aux mauvais traitements et avait rendu l'àme le 26 juin 1794 (4 messidor an II).

Bien des chanoines dispersés à l'étranger ne reparurent à Rouen qu'après le Concordat.

Les vicaires capitulaires prirent en main, le 16 octobre 1800, l'administration du diocèse. Grand fut leur

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étonnement lorsqu'ils apprirent, l'année suivante, que Mgr d'Argentré, évêque de Séez, exilé à Münster, réclamait l'administration du diocèse de Rouen, comme le plus ancien évêque de la province, en vertu d'un indult du Saint-Siège daté de Rome le 1er juin 1801, signé par Michel di Piétro, patriarche de Jérusalem, secrétaire de la Congrégation des cardinaux préposés aux affaires ecclésiastiques.

Il importe de reproduire les termes de l'indult.

<< Notre très Saint-Père Pie VII, par la divine Providence, Souverain Pontife, de l'avis de la Congrégation des cardinaux préposés aux affaires ecclésiastiques, vu l'état de viduité où se trouvent l'église métropolitaine de Rouen et les autres églises épiscopales de la province ecclésiastique de Normandie qui sont privées de leur pasteur, a accordé à l'évêque de Séez tous les pouvoirs nécessaires et convenables pour l'administration spirituelle et immédiate de toutes les susdites églises dans lesquelles il n'y aura point de vicaires capitulaires élus conformément aux décrets du Concile de Trente et pourvus des qualités requises par ces mêmes décrets pour exercer ces fonctions. Sa Sainteté a communiqué au même évêque de Séez, pour l'administration spirituelle et immédiate des susdites églises, tous les pouvoirs que Pie VI, d'heureuse mémoire, a accordés aux archevêques et évêques de France, par ses Lettres apostoliques du 19 mars et du 13 juin 1792. »

Mgr d'Argentré nomma pour le représenter à Rouen, avec le titre et les pouvoirs de vicaire général, l'abbé

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