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LE PROBLÈME DE LA VIEILLESSE

LES RETRAITES ET LA MUTUALITÉ

Par M. H. VERMONT.

Le XIXe siècle, très doux aux enfants, fut très dur aux vieillards. Il ne leur offrit trop longtemps, comme dernière espérance, que l'hôpital ou le bureau de bienfaisance, alors même qu'ils avaient contribué par leur travail à la richesse et par leurs enfants à la puissance de la nation.

L'humanité veut pourtant qu'une société civilisée assiste les vieillards et les infirmes. Quant à ceux qui ont eu le double mérite du travail et de la prévoyance, le sentiment, la raison, la justice et l'intérêt social exigent qu'ils puissent assurer à leurs vieux jours quelque repos et quelque dignité.

Ce sont les mutualistes français qui ont fait comprendre ces vérités jadis méconnues. Ils ont mème indiqué depuis longtemps par quels moyens simples, faciles et relativement peu coûteux on peut réaliser le problème de la vieillesse, comme ils ont résolu le problème de la maladie.

Aussi ne cessait-on de repéter qu'ils étaient pour les

retraites l'instrument préférable et préféré. Il est donc surprenant qu'en France, on ait écarté constamment leurs demandes et qu'on leur ait préféré trop souvent les autres.

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Leur déception est d'autant plus grande qu'on leur avait fait plus de promesses, qu'on n'a tenu presque aucun compte de leurs désirs, et que tout en vantant avec raison leur charte libérale la loi de 1898 — on en a pris le contre-pied, si bien qu'un grand nombre d'entre eux, et non des moindres, ne cachent pas leurs inquiétudes et se demandent avec angoisse si la loi des retraites, au lieu d'être le complément nécessaire et désiré de la loi mutualiste, ne va pas la paralyser et peut-être la détruire.

L'examen de cette question m'entraînerait trop loin. et je voudrais aussi donner un intérêt plus général à l'étude que j'ai l'honneur de vous soumettre. Aussi, fidèle à la méthode expérimentale, vais-je étudier la question des retraites par l'examen des principes et des diverses législations.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le problème de la vieillesse.

Le problème de la vieillesse, qu'on trouve si compliqué, est en réalité fort simple.

Les vieillards se divisent en trois groupes : les heureux, les malheureux, les prévoyants.

On appelle heureux, quoiqu'ils ne le soient pas tou

jours, ceux que leurs ressources mettent à l'abri du besoin et dont la vieillesse a tout au moins l'avantage de n'être à charge à personne. Pour eux, le problème est résolu d'avance et, quelle que soit l'origine de leur fortune ou de leur aisance, l'état social ne leur doit rien, puisque, par la transmission des héritages, la facilité des communications, la protection des droits et la sécurité des biens, il leur a permis de se suffire.

Tous n'ont pas ce bonheur. Un trop grand nombre d'hommes sont victimes les uns de circonstances malheureuses, les autres de leurs propres passions. Parvenus sans ressources au déclin de leurs forces, faut-il les abandonner? Jamais on ne le fit entièrement. Constatons cependant que des lois récentes, inspirées par un grand sentiment d'humanité, s'étaient fait bien longtemps attendre et qu'elles ont heureusement amélioré, dans beaucoup de pays, la situation des vieillards malheureux.

Pour ceux-là même dont la paresse, la débauche ou l'intempérance avaient causé le malheur, on a pensé qu'il leur suffisait d'être dans l'impossibilité de gagner leur vie pour qu'on dut leur venir en aide, et qu'il y avait mieux à faire que de les caserner dans un hospice ou de les obliger å tendre la main pour vivre.

Dans le premier cas, c'est mourir deux fois que d'être obligé sur ses vieux jours de quitter sa maison, ses voisins, ses habitudes, ses parents. Dans le second cas, l'assistance, toujours si humiliante, devient encore plus pénible, alors que pour la recevoir il faut subir tant de regards, de questions, de refus et parfois de promiscuités.

On peut critiquer tel ou tel article des lois qui assurent une petite pension aux vieillards incapables de travailler. On doit approuver le principe de ces lois.

Est-il besoin d'ajouter que, si la misère est digne de sympathie, ceux-là sont bien autrement intéressants qui, sans leur bonne conduite, leur énergie et leurs habitudes de travail et d'épargne, seraient en grand nombre, eux aussi, à la charge publique.

On les honore, on les vante, on a bien raison. Chacun reconnaît et proclame la supériorité de la prévoyance sur l'assistance. C'est une vérité banale, incontestée, que chaque jour démontre. La prévoyance élève et l'assistance déprime. Avec dix fois moins de dépenses, la première obtient de meilleurs et de plus grands résultats que la seconde. Elle exige moins de fonctionnaires, et le zèle de ceux qu'elle emploie n'a d'égal que leur désintéressement. Elle réprime plus facilement les abus. Elle développe l'énergie, la prévoyance, le sentiment si fort de la dignité personnelle que l'assistance affaiblit et souvent même détruit.

Les enfants des assistés sont presque toujours des assistės eux-mêmes. C'est ainsi que s'accroît sans cesse cette armée de malheureux dont la vie est un problème, la paresse une habitude et le nombre un danger.

Les prévoyants, au contraire, augmentent la richesse publique au lieu de l'amoindrir. Leurs enfants, accoutumés de bonne heure au travail et aux vertus familiales, deviennent de bons citoyens et perpétuent dans notre pays cette habitude de l'épargne libre qu'il pra- . tique mieux que tout autre.

Nos caisses publiques suffisent à le prouver. On a dû prendre des mesures restrictives pour y arrêter l'affluence des dépôts. Néanmoins et bien que la loi du 20 juillet 1895 ait abaissé de 2,000 francs à 1,500 francs les versements à la Caisse d'épargne et que même le total des dépôts de l'année ne puisse plus excéder ce dernier chiffre, ces dépôts, qui étaient de 597,438 francs en 1884, se sont élevés en 1908 à 1,429,600,240 francs. Au 31 décembre 1908, les livrets de nos Caisses d'épargne, en dehors des énormes achats de rentes effectués d'office ou par les déposants, étaient au nombre de 13,259,337 et constataient 5 milliards 223,600,285 fr. 24 de dépôts.

Prétendre que l'obligation seule peut nous faire épargner, c'est une erreur et c'est une calomnie. Jamais l'impôt ne remplacera l'épargne; elle est libre par essence. C'est une vertu française et le plus sûr fondement de notre richesse nationale. Elle seule peut opposer à la misère un obstacle réel, général, efficace. Tout le reste n'est qu'un palliatif et qui parfois même va contre son but, car les secours assurés aux malheureux développent trop souvent leur insouciance et leur paresse.

Les mœurs et la législation devraient donc, sans méconnaître l'assistance, s'attacher davantage à protéger le travail, à favoriser l'épargne, à développer la prévoyance, à augmenter la pension de ceux qui, sans leurs vertus, seraient à la charge de la nation.

On fait presque le contraire, on comble d'éloges les prévoyants, c'est aux imprévoyants qu'on prodigue les millions.

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