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PARIS.- TYPOGRAPHIE De firmin didot FRÈRES, RUE JACOB, 56.

BIOGRAPHIE UNIVERSELLE

DEPUIS

LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
JUSQU'A NOS JOURS,

AVEC LES RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

ET L'INDICATION DES SOURCES A CONSULTER;

PUBLIÉE PAR

MM. FIRMIN DIDOT FRÈRES,

SOUS LA DIRECTION

DE M. LE D' HOEFER.

Tome Cinquième.

PARIS,

FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,

IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'Institut de france,

RUE JACOB, 56.

M DCCC LIII.

47 5 1815

BIOGRAPHIE

UNIVERSELLE

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU'A NOS JOURS.

Les articles précédés d'un astérisque [*] ne se trouvent pas dans la dernière édition de la Biographie Universelle, et sont aussi omis dans le Supplément.

Les articles précédés de deux astérisques [] concernent les hommes encore vivants.

*BEAUMARCHAIS (François-Joseph de la Barre DE), littérateur français, vivait dans la première moitié du dix-huitième siècle, et résida, selon toute apparence, en Hollande. On a de lui: Lettres sérieuses et badines sur les ouvrages des savants et sur d'autres matières; la Haye, 1729, in-12; — Histoire des Sept Sages par M. de Larrey, avec les remarques par M. de Beaumarchais; la Haye, 1734, 4 vol. in-12; Métamorphoses d'Ovide, traduites par du Ryer, avec remarques par de Beaumarchais; la Haye, 1744, 4 vol. in-12.

Lelong, Bibliothèque historique de la France.

BEAUMARCHAIS (Pierre-Augustin CARON DE), littérateur célèbre, né à Paris le 24 janvier 1732 (1), mort le 19 mai 1799. Il était fils d'un horloger (2), et scul garçon dans une famille qui comptait cinq filles. Son enfance n'eut rien de cette tristesse rêveuse qui se rencontre quelquefois dans le caractère des hommes doués du génie comique elle fut gaie, folâtre, espiègle, et la parfaite image de son esprit et de son talent (3). Il fit de médiocres études dans une institution particulière, désignée, dans le manuscrit inédit de Gudin, sous le nom d'École d'Al

(1) Caron, qui prit à vingt-cinq ans le nom de Beaumarchais, naquit dans une boutique d'horloger située rue Saint-Denis, presque en face de la rue de la Ferronnerie, non loin de cette maison du piller des Halles où l'on a cru longtemps à tort que Molière avait reçu le jour. (M. de Loménie, Beaumarchais, sa vie et son temps, dans la Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1852, p. 33.) (2) André-Charles Caron (né le 26 avril 1698), originaire de Lizy-sur-Ourcq, près de Meaux, et appartenant à une famille calviniste, rentra dans le giron de l'Église catholique le 7 mars 1721, et épousa, l'année suivante, Marie-Louise Pichon, dont le père, sur l'acte de mariage, est qualifié bourgeois de Paris. (M. de Loménie, ibid., p. 36.)

(3) M. de Loménie, Revue des Deux Mondes, ibid., P. 38.

NOUV. BIOGR. UNIVERS. -T. V.

B

| fort (1). Il n'y resta que jusqu'à treize ans. Nous devons au spirituel auteur de la Galerie des Contemporains, à M. de Loménie, la publication d'une lettre inédite, mélangée de prose et de vers, que Beaumarchais écrivit, à cet âge, à ses deux sœurs en Espagne. Voici cette première production, sortie de la plume du vrai Chérubin; elle témoigne d'une rare précocité :

« Dame Guilbert (2) et compagnie,
J'ai reçu la lettre polie

Qui par vous me fut adressée,
Et je me sens l'âme pressée

D'une telle reconnaissance,

Qu'en Espagne tout comme en France
Je vous aime de tout mon cœur,
Et tiens à un très-grand honneur
D'être votre ami, votre frère.
Songez à moi à la prière.

< Votre lettre m'a fait un plaisir infini, et m'a tiré

(1) Alfort paraît être ici le nom du chef de l'institution; car l'École veterinaire d'Alfort ne fut fondée qu'en 1767, c'est-à-dire à une époque où Beaumarchais avait trente-cinq ans.

(2) Mme Guilbert était le nom de la sœur aînée de Beaumarchais. Elle avait épousé l'architecte Guilbert, établi à Madrid, et qui mourut fou. Veuve, sans fortune, elle revint, en 1772, en France avec ses deux enfants. Beaumarchais leur fit à tous trois une pension. Sa seconde sœur, nommée Lisette dans la correspondance de famille, fut la fiancée de Clavigo, l'héroïne de l'épisode romanesque raconté dans les mémoires contre Goezman, et dont Goethe a fait un drame. La troisième sœur, Madeleine-Françoise, fut mariée en 1756 à un horloger célèbre, nommé Lépine. De ce mariage naquit un fils, officier dans la guerre d'Amérique, mort sans postérité, et une fille mariée à un autre horloger, M. Raguet, qui ajouta à son nom celui de son beau-père, et duquel est issu M. Raguet-Lépine, ancien pair de France sous LouisPhilippe. La quatrième et la plus distinguée des sœurs de Beaumarchais s'appelait Julie; elle ne se maria jamais, et consacra sa vie entière aux intérêts de son frère, qu'elle aimait tendrement. La cinquième, Jeanne, trèsbonne musicienne, reçut de son frère, devenu homme de cour, le nom plus aristocratique de Mile de Boisgarnier. Elle épousa, en 1767, M. de Miron, qui devint secrétaire des commandements du prince de Conti, et mourut en 1773,

d'une mélancolie sombre qui m'obsédait depuis quelque temps, me rendait la vie à charge, et me fait vous dire avec vérité

Que souvent il me prend envie
D'aller au bout de l'univers,
Éloigné des hommes pervers,
Passer le reste de ma vie.

« Mais les nouvelles que j'ai reçues de vous commencent à jeter un peu de clair dans ma misanthropie. En m'égayant l'esprit, le style aisé et amusant de Lisette change mon humeur noire insensiblement en douce langueur; de sorte que, sans perdre l'idée de ma retraite, il me semble qu'un compagnon de sexe différent ne laisserait pas de répandre des charmes dans ma vie privée.

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A ce projet l'esprit se monte,

Le cœur y trouve aussi son compte,
Et, dans ses châteaux en Espagne,
Voudrait avoir gente compagne
Qui joignit à mille agréments
De l'esprit et des traits charmants;
Beau corsage à couleur d'ivoire,
De ces yeux sûrs de leur victoire,
Tels qu'on en voit en toi, Guilbert.
Je lui voudrais cet air ouvert,
Cette taille fine et bien faite

Qu'on remarque dans la Lisette;

Je lui voudrais de plus la fraîcheur de Fanchon (1);
Car, comme bien savez, quand on prend du galon...

Cependant la crainte que vous me reprochiez d'avoir le goût trop charnel, et de négliger pour des beautés passagères les agréments solides, j'ajouterai que

Je voudrais qu'avec tant de grâce
Elle eût l'esprit de la Bécasse (2).
Un certain goût pour la paresse,

Qu'on reproche à Tonton (3) sans cesse,
A mon Iris siérait assez

Dans mon réduit, où, jamais occupés,
Nous passerions le jour à ne rien faire,
La nuit à nous aimer. Voilà notre ordinaire.

« Mais quelle folie à moi de vous entretenir de mes rêveries! Je ne sais si c'est à cause qu'elles font fortune chez vous que l'idée m'en est venue, et encore de rêveries qui regardent le sexe, moi qui devrais détester tout ce qui porte cotillon ou cornette, pour tous les maux que l'espèce m'a faits. Mais patience! me voici hors de leurs pattes; le meilleur est de n'y jamais rentrer. »

Cette pièce inédite de Beaumarchais-Chérubin est doublement curieuse en ce que, cinquante ans après, elle fut ainsi commentée en marge par Beaumarchais-Géronte :

« Premier mauvais et littéraire écrit, par un polisson de treize ans sortant du collége, à ses deux sœurs qui venaient de passer en Espagne. Suivant l'usage des colléges, on m'avait plus occupé de vers latins que des règles de la versification française. Il a toujours fallu refaire son éducation en sortant des mains des pédants. Ceci fut copié par ma pauvre sœur Julie, qui avait entre onze et douze ans, et dans les papiers de laquelle je le retrouve après plus de cinquante ans (4). »

Le jeune collégien, si précoce, interrompit ses études pour apprendre à faire des montres, ou,

(1) La troisième sœur (Françoise) de Beaumarchais. (2) Julie, la quatrième sœur.

(3) Cinquième sœur de Beaumarchais.

(4) M. de Loménie, dans la Revue Des deux Mondes, 1er octobre 1852.

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comme il disait plus tard, « à mesurer le temps. Mais un penchant irrésistible pour la musique, joint à des goûts moins innocents, lui fit bientôt négliger sa profession. Son père feignit alors de le chasser du logis, mais sans l'abandonner tout à fait à lui-même. Le jeune Caroh promit d'être plus sage à l'avenir, et, piqué d'honneur, se livra avec ardeur à l'étude de l'horlogerie. A vingt ans il se fit connaître par l'invention d'une nouvelle espèce d'échappement; « première preuve, dit La Harpe, et premier essai de cette sagacité naturelle qui peut s'étendre à tout. » Cette invention fut assez importante pour qu'un horloger alors célèbre, Lepaute, la lui disputât (Mercure, sept. 1753). Le différend fut porté devant l'Académie des sciences, qui décida en faveur du jeune Beaumarchais (1). Ce premier succès lui valut le titre d'horloger du roi, et lui donna ses entrées à la

cour.

« Dès que Beaumarchais parut à Versailles dit Gudin (papiers inédits), les femmes furent frappées de sa haute stature, de sa taille svelte et bien prise, de la régularité de ses traits, de son teint vif et animé, de son regard assuré, de cet air dominant qui semblait l'élever au-dessus de tout ce qui l'environnait, et enfin de cette ardeur involontaire qui s'allumait en lui à leur aspect. » La femme d'un contrôleur clerc d'office s'éprit du séduisant horloger, et, pour avoir l'oc-casion de faire plus ample connaissance, elle lui porta une montre à arranger. « Le jeune artiste, continue Gudin, brigua l'honneur de reporter la montre aussitôt qu'il en aurait réparé le désordre. Cet événement, qui semblait commun, disposa de sa vie et lui donna un nouvel être. » Au bout de quelques mois, M. Franquet (c'était le norn du contrôleur) reconnut que ses infirmités l'emnpêchaient de remplir convenablement sa charge : il la céda au jeune Caron, moyennant une rente viagère. Ce dernier, renonçant à sa profession, fut investi de la charge de contrôleur clerc d'office par brevet du roi, en date du 9 novembre 1755 (2). Deux mois après son entrée à la cour, il épousa Mme Franquet devenue veuve; et dès 1757 il ajouta au nom de Caron le nom plus

(1) Le rapport, fait au nom de l'Académie par Camus et Montigny, est en date du 4 mars 1754. On y lit « que le sieur Caron doit être regardé comme le véritable auteur du nouvel échappement de montres, et que le sieur Lepaute n'a fait qu'imiter cette invention; que l'échappement de pendule présenté à l'Académie le 4 août. par le sieur Lepaute, est une suite naturelle de l'échappement des montres du sieur Caron, et que, dans l'application aux pendules, cet échappement est inférieur à celui de Graham, mais qu'il est, dans les montres, le plus par. fait qu'on y ait encore adapté, quoiqu'il soit en même temps le plus difficile à exécuter. »>

(2) Les attributions de cette charge sont ainsi définies dans l'Etat de la France pour 1749: « Les controleurs clercs d'office font les écrous ordinaires et cahiers extraordinaires de la dépense de la maison du roi. Ils ont 600 livres de gages, dont ils ne touchent que 450, et des livrées en nature, environ 1500 livres. Les contrôleurs sont du corps du bureau dans les repas et festins extraordinaires où le bâton n'est pas porté; ils servent la table du roi l'épée au côté, et mettent eux-mêmes les plats sur la table. »

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