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LITTÉRAIRE.

ANNÉE M. DCC. LXXIX.

Par M. FRÉRON.

Parcere perfonis, dicere de vitiis. MARt.
TOME PREMIER.

A PARIS

Chez MERIGOT le jeune, Libraire,
Quai des Auguftins, au coin de la
rue Pavée.

M. DCC. LXXIX,

C

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L'ANNÉE

LITTERAIRE.

3

LETTRE

I.

Difcours fur l'influence de la Philofophie. fur les Lettres.

ON

N ne doit pas confidérer les lettres comme uniquement destinées à procurer un amusement frivole & paffager; elles fe propofent un objet plus folide & plus noble. L'écrivain qui fait plaire n'a rempli qu'une des obligations que fon art lui impofe; mais quand il a fu parer l'auftère vérité des graces de l'imagination, & nous inftruire en nous amufant, c'eft alors. qu'il a touché le but, & qu'il est parvenu au point de perfection dont la littérature eft fufceptible.

Omne tulit punctum, qui mifcuit utile dulci.

Il faut donc que les connoiffances fe réuniffent avec les talens, pour donner aux ouvrages de goût ce degré d'utilité fi précieux & fi rare. H faut que la philofophie éclaire le génie de fes lumières, & lui fuggère tes idées qu'il doit orner & embellir. Dans l'enfance du monde & des arts, les philofophes feuls étoient chargés de l'inftruction du genre humain. La raifon & la vérité nues avoient alors affez d'empire fur des hommes fimples, que le luxe & les vices n'avoient point corrompus; mais quand les nours putesides premiers âges com❤: mencèrent àis'altérer, quand la raison devint odieufe à l'homme affervi par les paffions, ill fallut orner la vérité des couleurs du menfonge, & la trifte austérité des philofophes fit place và l'imagination riante & fleuriel des poetes, à l'art & à la pompe des ora etint

teurs

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Homere embellit des images delilan poëfie les mystères de la théologie les leçons les plus impor payenne, tantes de la morale, & les préceptes de prefque toutes les fciences. Mieux TA

qu'aucun philofophe il fut faire connoître le prix de la vertu, & infpirer de l'horreur pour le vice. Lorfque de l'épopée fe formèrent les différens genres de poefie, on vit toujours la vérité & la morale annoncées fous différentes formes. La tragédie donna des leçons de modération & d'humanité, en nous offrant des exemples frappans des caprices de la fortune; elle s'efforça de nous rendre vertuenx & fages, en nous montrant les fuites funeftes des paffions & des crimes. La comédie couvrit la raison du mafque de la folie, & nous fit rire de nos travers pour nous en corriger.

L'apologue, pour nous inftruire, fit parler les animaux. La morale fe maria dans les odes aux doux accens de la lyre, & jufques fous la treille dans le délire d'une ivreffe voluptueule, le chantre de Théos couronné de myrthes & de rofes, rappella aux humains la brièveté de la vie, & leur préfenta l'image de la mort.

La philofophie eut encore une influence plus marquée fur l'éloquence, qui n'admettant point les fables & les

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