D. Fernando Fils de D. Pedro 1° (1367-1383) D. Fernando naquit à Coimbra en 1340; le jour que mourut son père, il monta sur le trône; il était alors âgé de vingt-sept ans. Tous les chroniqueurs ont célébré l'amabilité de ce jeune souverain et les qualités de son intelligence, mais ils ont aussi parlé de sa faiblesse, de sa légèreté et de son inconstance : Do justo, e duro Pedro nasce o brando, (Canto 3, estancia 138). Nul souverain ne prit les rênes du gouvernement sous des auspices plus favorables: le roi D. Diniz avait donné une grande impulsion à l'agriculture; D. Affonso 4o avait assuré l'indépendance du royaume, et D. Pedro avait prodigieusement augmenté les ressources du trésor royal. Les premières années du règne de D. Fernando ne pouvaient certainement pas permettre de prévoir ce que devait produire un jour son insouciance et ses imprudentes prétentions; le roi d'Espagne, D. Pierre le Cruel, qui avait en vain sollicité l'alliance de D. Pedro 1°, avait succombé, et l'Espagne se trouvait au pouvoir de son frère naturel, D. Henri de Trastamare; le roi D). Fernando revendiqua cette couronne, pour cette raison que le trône de Castille lui appartenait comme étant le petit-fils de D. Sanche; mais bientôt Henri le Bàtard lui montra ce que valent de telles prétentions quand elles ne sont pas soutenues par l'habileté ou par une volonté énergique. D. Fernando s'unit à D. Pierre d'Aragon à qui il demanda sa fille en mariage, et ne craignit pas de contracter une alliance avec le souverain musulman qui régnait à Grenade. Il s'ensuivit une guerre acharnée et désastreuse, comme celles qui se font entre prétendants. Les Portugais marchèrent sur la Galice et y prirent plusieurs places fortes. D. Henri ne voulant pas perdre son temps à recouvrer ces places, traversa le Minho et ravagea tout le territoire jusqu'aux murs de Braga. Pendant que les Castillans s'avançaient dans leur marche en Portugal, D. Fernando se trouvait à Coimbra d'où il regardait tranquillement ravager son royaume. Toutefois, les progrès rapides du roi de Castille l'ayant réveillé de son indolence, il prit les armes, passa le Douro et alla à la rencontre de ce roi à qui il envoya un cartel. Celui-ci, perdant l'espérance de pouvoir prendre Guimarães, leva le siège et s'en alla donner sur Bragance et sur les autres places de la province de Traz-os-Montes que, toutefois, il abandonna aussitôt pour secourir l'Andalousie, désolée par les Maures de Grenade. Ce fut alors que le roi de Portugal étendit son armée entre le Tage et le Guadiano, et grâce à cette sage précaution il préserva les frontières. des invasions des ennemis. Cependant, les Portugais n'étaient pas satisfaits du gouvernement; ils voyaient avec peine que le roi négligeait les affaires et s'occupait de choses frivoles, sans avoir soin, comme il l'aurait dû, de prévenir les effets de la guerre imprudente qu'il avait provoquée. Il se promenait sans cesse de Santarem à Lisbonne et de Lisbonne à Santarem, ce qui avait donné lieu à ce dicton rimé contre ceux qui vont continuellement d'un endroit à un autre le sot va, le sot vient de Lisbonne à Santarem 1. 1369. Le roi de Castille, toujours actif et vigilant, ne laissait échapper aucune occasion d'obtenir une renommée par les armes; il était entré dans la province de Traz-os-Montes où il avait rencontré très peu de résistance de la part des habitants qui, lorsque le roi D. Fernando s'en était plaint, avaient répondu que c'était plutôt de sa faute que de la leur. Que vindo o Castelhano devastando Que hum fraco Rei faz fraca a forte gente. (Canto 3, estancia 138). Rodrigo avec la plus grande vigueur pendant trois mois, leva le siège, contraint par la résistance héroïque des assiégés, et alla s'emparer de la place de Carmona dont le gouverneur était D. Affonso Lopes de Tejeda. Les attaques furent vigoureuses et courageusement repoussées; mais comme les affaires de gouvernement réclamaient D. Henri dans son royaume, il confia la suite de cette entreprise à sa femme Da Jeanne, chez qui l'âme virile n'était pas inférieure à la beauté corporelle. Elle continua le siège avec tant de vigueur que le gouverneur Tejeda, voyant qu'il ne pouvait lutter plus longtemps, lui fit proposer une suspension d'armes, en disant que si les Portugais ne venaient pas à son secours avant une certaine époque, il rendrait la place. Da Jeanne accepta la proposition et demanda des otages; Tejeda lui donna ses deux fils uniques. Le temps fixé étant écoulé sans que les Portugais eussent envoyé d'autres secours que 70 lances, la reine Da Jeanne exigea de Tejeda l'exécution du traité, mais celui-ci répondit qu'il ne pouvait pas se rendre sans manquer à la loyauté qu'il devait à son souverain; alors Da Jeanne ordonna qu'on conduisît les deux fils du gouverneur sur les retranchements et qu'on menaçat Tejeda de les faire mourir, s'il ne lui rendait pas la place immédiatement; alors Tejeda leur parla du haut des murailles, les exhorta à mourir pour leur patrie, et ce nouveau Brutus 1 1 - Brutus, préteur de Rome, condamna à mort ses deux fils qui avaient conspiré contre la république romaine, et comme consul assista à leur exécution. les vit égorger de sang-froid. Les Castillans, fatigués de la résistance des Portugais et surpris par le stoïcisme du gouverneur, levèrent le siège et se retirèrent. Pendant que se passaient ces événements, l'amiral portugais Lancerotte débarqua ses troupes en Andalousie et ravagea toute la côte. 1371. D. Henri assiégea une seconde fois la ville de Carmona dont les habitants espéraient toujours que le roi D. Fernando viendrait à leur secours, ainsi qu'il le leur avait promis par une lettre écrite de sa propre main; mais ceux-ci prévoyant qu'il ne remplirait pas sa promesse, furent contraints de se rendre. La prise de Carmona fut d'un grand avantage pour D. Henri, car elle lui assurait la frontière et ouvrait aux Castillans un chemin pour ravager avec sécurité la frontière du Portugal. Par bonheur, il y eut un accord entre les deux monarques; on convint de suspendre les hostilités et d'établir les préliminaires de la paix, en attendant qu'elle fût définitivement signée. 1372. Cette époque vit apparaître une de ces femmes qui sont fatales aux destinées d'un royaume Da Leonor Telles de Menezes s'était mariée quelques années auparavant avec D. João Lourenço da Cunha, seigneur de Pombeiro. Le roi se passionna pour cette dame; en dépit de la loi il fit annuler le mariage, et à Eixo contracta une seconde alliance avec Da Leonor; ce fut ce même évêque D. Affonso que D. Pedro le Justicier avait fustigé pour crime d'adultère qui bénit ce mariage: |