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ton époux en brave homme. J'efpere en triompher facilement, & j'aurai en même temps la fatisfaction de t'avoir contentée & de n'être pas affaffin: au péril de ma vie, je veux avoir la fienne. Je choifirai le temps & le lieu convenable; prends patience, ne précipitons rien ; j'aime mieux attendre une occafion favorable que de manquer mon coup; je fçai à peu près les routes qu'il tient tous les jours: tu ne verras plus l'auteur de tes fouffrances, tu ne verras plus longtemps ton tyran. Tu me traite de lâche, tu me fais un crime de t'avoir étalé l'horreur des fupplices; je ne t'en parlerai plus. Je fuis bien fûr que tu me reprocheras d'avoir tué ton époux, que tu me haïras autant que tu me promets de m'aimer, mais je t'aime trop pour que de pareilles pensées me détournent de la résolution que j'ai prise. Donne-moi huit jours, ce délai n'est pas long..... ne me dis donc plus que je ne t'ai jamais aimée, & que je n'ai eu que le plaifir de te féduire. Jamais l'amour n'alluma une paffion plus forte que celle que je reffens pour toi. Enfin je ferai tout ce que tu voudras; parles, tu feras obéie: ce n'est pas la fureur qui me tranfporte, c'eft la feule

gloire de ne pas te déplaire qui me fait confentir à tout. Je ne connois dans la vie d'autre plaifir que celui de faire le tien: rends-moi donc plus de juftice; repens-toi de tout ce que tu m'as dit, de tout ce que tu m'as écrit. Quelle dureté dans tes expreffions! il femble que tu ne cherches à te défaire de ton époux, que pour te défaire en même temps de moi; qu'au lieu d'une victime, tu en veux deux; que tu veux toutà la fois facrifier l'amant & l'époux, que la vengeance feule t'anime, & que l'amour n'agit point fur toi. Je fouhaite que tout ce que je t'ai prédit n'arrive point, je defire que les chofes fe terminent à ta fatisfaction; mais fouviens-toi toujours que fi nous fommes perdus, c'eft ta vie que je veux fauver, & non la mienne ».

» C'en eft fait, monfieur, (écrivoit la Lescombat à Mongeot, dans une feconde lettre) je vais renouer avec mon mari pour me venger de vous: je vais me jetter à fes genoux, & lui avouer tous les horribles deffeins que mon cœur renfermoit ; je veux l'aimer autant qu'il doit me détester : j'avois compté fur vous; je vous aurois cru capable de tout entreprendre pour moi ; vous

m'aviez tant de fois juré que je pouvois difpofer de vous; j'avois été affez bonne pour ajouter foi à toutes vos grimaces & à tous vos dehors trompeurs : comment fe peut-il faire que j'aie aimé un homme tel que vous ? j'en fuis honteuse, & c'est une faute que je ne me pardonnerai jamais. Je vous ai préféré à tous vos rivaux, qui n'étoient pas en petit nombre, & qui auroient joint à la tendreffe la plus parfaite, des avantages réels & confidérables. J'ai tout méprisé, tout rejetté pour toi, perfide. J'ai cherché toutes les occafions de te prouver de mille & mille façons mon attachement extrême. Que n'ai-je pas fouffert par rapport à toi n'est-ce pas pour toi que j'ai ? rompu avec mon mari? n'eft-ce pas pour toi que j'ai renoncé à tout ce que le monde m'offroit de plus féduifant ? je t'ai fait le facrifice de mon repos, de mon honneur, de mes charmes..... Si j'avois poffédé une couronne auroit-elle été pour un autre que pour toi ? Par quelle fatalité as-tu done pû me fubjuguer, moi, qui n'ai fait aucun cas des conquêtes les plus brillantes qui s'of froient à moi de toutes parts? plût au ciel ne t'avoir jamais vu, ne t'avoir jamais

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écouté. Croira-t-on jamais qu'un homme qui régnoit fur mon ame, & qui m'affuroit que je régnois fur la fienne, n'ait pas daigné me délivrer de mon plus cruel ennemi ? tu as caufé tous mes malheurs, tu m'as conduite pas à pas dans l'abîme, & lorsqu'il faut un coup d'éclat pour m'en retirer, tu recules. Au refte, c'est toujours beaucoup pour moi de connoître le fond de ton cœur ! qu'il eft méprifable! que je vais haïr les hommes ! ne viens pas t'offrir à moi davantage; ne viens pas me proposer le fecours de ton bras, je ferois déshonorée à mes yeux fi j'acceptois tes offres ; tu n'es qu'un monstre, qu'un barbare. Quel bonheur pour moi, fi je puis oublier que j'ai répondu à tes foupirs, que je t'ai rendu tendreffe pour tendreffe, que je me fuis livrée à toi fans aucune réserve; cette idée feule me tue. Autant nous avons été amis, autant nous devons être ennemis: fatal pouvoir de mes attraits, fur quel objet indigne as-tu agi ? je t'écris pour la derniere fois : ne reparois jamais devant moi. Puiffent tous les malheurs t'accabler à la fois! tu ne peux fouffrir autant que tu le mérite. Va, lâche, il ne t'eft réservé qu'un funefte deftin. Que je

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fnis glorieuse d'avoir sçu me détacher de toi, de t'avoir rendu juftice, de t'abhorrer pour toujours! fuis loin de moi..... mon mari vivra donc.... ah! pensée qui m'anéantit ; je ferai obligée de voir toujours celui que j'ai trahi tant de fois.... & pour qui? pour toi traître, pour toi, qui devrois te faire un devoir, une gloire de l'immoler. Ah ciel! quel funefte fort m'attend! que je vais traîner une vie affreufe! mon plus grand tourment fera de fonger à toi, de penfer que j'ai été affez lâche, affez foible pour te donner mon cœur.... Hélas! tu le poffède encore; ;je ne le fenè que trop aux mouvemens confus qui m'agitent rends-toi donc digne de fa poffeffion: cours, vole affaffiner mon mari; ne vas pas combattre avec lui, le fort des armes eft incertain: qu'il meure, c'est tout ce que j'exige; je ne fuis qu'une femme, & j'ai cent fois plus de courage que toi.

Madame (répondit Mongeot ) le fang dont vous voulez vous raffafier va donc couler; puifque je ne puis vous plaire que par les titres d'affaffin & de meurtrier de votre mari, je vous jure que vous allez être contente: mais où le trouver dans quel lieu l'attaquer ? il ne faut pas qu'il

Tome VI.

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