Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

sommeil pour la veille..... Dieu excusera Dhou-Rouaïn. » M. Caussin donne des détails étendus concernant la révolution qui plaça sur le trône de l'Arabie heureuse un prince juif; il fait connaître l'expédition sanglante de ce souverain contre la ville de Nedjran, où le christianisme était alors florissant. Il indique, surtout d'après l'ouvrage intitulé Sirat-arresoul (la Vie du Prophète), la manière dont cette religion s'était introduite dans cette ville, qui tenait un rang distingué parmi les cités de l'Arabie heureuse. Ces détails ne sont pas tous, sans doute, d'une exactitude rigoureuse, et présentent, certes, un peu d'exagération; mais ce qui est indubitable, c'est la persécution cruelle que le roi juif fit subir aux chrétiens de Nedjran, et le nombre des martyrs qui payèrent de leur sang leur attachement à la foi chrétienne. Cet événement, célèbre dans l'histoire de l'Église, est raconté fort au long par les historiens arabes, syriaques, arméniens, grecs et latins. M. Caussin donne la substance de ces relations. On sait qu'un chrétien échappé au carnage s'étant rendu à Constantinople pour implorer l'appui de l'empereur Justin I, et ayant été adressé par ce prince au roi d'Abyssinie, ce dernier monarque entreprit une expédition dans l'Arabie heureuse, fit périr le roi juif, et mit sur le trône un souverain chrétien. M. Caussin place le débarquement des Abyssins dans l'Arabie heureuse et la mort du roi juif vers le printemps de l'année 525 de Jésus-Christ.

L'auteur, après avoir donné quelques détails sur la province de Hadramaut1, et indiqué une liste, nécessairement incomplète des princes qui gouvernèrent cette contrée, passe à ce qui concerne la domination des Abyssins sur l'Arabie heureuse. Comme on sait, durant le règne des princes qui gouvernaient le pays, sous les ordres du monarque d'Éthiopie, la religion chrétienne fut florissante dans cette partie de l'Arabie. Un évêque, envoyé par le patriarche d'Alexandrie, résidait dans la ville de Dhafar. Ce pontife, que l'Église a mis au rang des saints, se nommait Gregentius. Nous possédons, en langue grecque, la dispute qu'il soutint contre un juif pour la défense de la religion chrétienne. Une église magnifique avait été construite dans la ville de Sana. Le viceroi de l'Arabie heureuse, Abraha, fit rédiger, pour les chrétiens du pays des Homérites, un code de lois dont la rédaction existe encore, en langue grecque, et a été publiée par M. Boissonade.

Comme les Arabes du Yémen souffraient impatiemment une domination étrangère, un Arabe, nommé Saïf, fils de Dhou-Yazan, se rendit à Constantinople pour implorer le secours de l'empereur Justi

1 P. 135 et suiv.

nien. Mais ce prince ayant refusé, comme on pouvait croire, de protéger les juifs contre des chrétiens, Saïf se dirigea vers la Perse, et s'adressa au monarque sassanide qui régnait alors, en lui faisant entrevoir la facilité qu'il trouverait à joindre à ses Etats une contrée aussi importante que l'Arabie heureuse. Cette démarche amena une expédition des Perses, qui exterminèrent les Abyssins et soumirent à leur domination toute la contrée.

4

Je ne m'étendrai point sur les détails de cette expédition, dont on peut lire le récit dans l'ouvrage de M. Caussin, et qui se trouvait déjà, en grande partie, dans le recueil publié par A. Schultens. Qu'il me soit permis de consigner ici quelques observations. L'auteur, parlant de la ville de Sana1, remarque qu'elle portait anciennement le nom d'Auzal, puis il ajoute « le nom d'Auzal se retrouve sous la forme Auzelis dans l'historien syrien Jean d'Asie (ap. Assemani, Biblioth. oriental., tom. I, pag. 361); mais j'ose croire que cette dernière assertion n'est pas parfaitement exacte. On trouve, en effet, dans le fragment d'histoire. syriaque publié par Assemani, le nom Evzelis, JoJ. Mais, si l'on veut examiner avec un peu de soin le passage auquel il est fait allusion, on se convaincra, je l'espère, que cette dénomination ne s'applique nullement à une ville ou à un canton de l'Arabie. On y lit que les marchands romains, après avoir traversé le pays des Ilimiarites, pénétraient dans les contrées intérieures de l'Inde, appelées Evzelis: que de là, ils s'avançaient encore plus loin, dans le pays des Indiens et des Kouschéens. Il est donc clair, par ce récit, que les négociants dont il s'agit n'arrivaient dans le pays d'Evzelis qu'après avoir traversé celui des Himiarites et franchi la mer Rouge. Car, dans le langage des écrivains syriens, le mot Inde désigne les pays d'Afrique situés sur le rivage de la mer Rouge; et le mot Kousch indique les contrées plus intérieures, savoir la Nubie et l'Abyssinie. Or, dans le passage qui nous occupe, on doit seulement transposer une lettre, et lire Azoulis,co oil, au lieu deo). Et nous retrouvons ici le nom d'Adulis que portait la ville qui était, sur la côte d'Afrique, le principal entrepôt du commerce avec l'empire romain, l'Égypte, l'Arabic, et dont les ruines considérables sont encore aujourd'hui désignées par la dénomination d'Azula.

M. Caussin discute2 les deux traditions qui existent chez les Orientaux, relativement à cet Arabe qui détermina le roi de Perse à envahir l'Ara

[ocr errors][merged small]

bie heureuse, et au nom du monarque sassanide par les ordres duquel fut entreprise cette expédition. Suivant les uns, Saif, fils de DhouYazan, était mort à la cour de Perse, et ce fut son fils Madicarib qui fut nommé vice-roi du Yémen; suivant d'autres, au contraire, ce fut Saïf lui-même qui obtint cet éminent honneur. Les mêmes historiens placent l'expédition des Perses sous le règne de Khosrou-Anouschirwan, d'autres sous celui de Khosrou-Parwiz. Hamzah-Isfahani et, après lui, M. Silvestre de Sacy, ont pensé que cet événement avait eu lieu sous le règne de Parwiz, vers l'an 600 de notre ère. M. Caussin ne partage pas cette opinion, il croit que la défaite des Abyssins par les Perses remonte à quatre années avant la mort d'Anouschirwan, vers l'an 575 de notre ère; mais je crois devoir préférer l'hypothèse de M. Silvestre de Sacy; en effet, elle s'accorde beaucoup mieux avec la chronologie. Suivant le rapport unanime des historiens arabes, la domination des Abyssins dans l'Arabie heureuse se prolongea l'espace de soixante-douze ans : tout le monde convient que l'expédition des Africains en Arabie eut lieu vers la fin du règne de l'empereur Justin I"; or ce prince mourut l'an 527 de notre ère. M. Caussin, comme nous l'avons vu, a cru lui-même devoir placer l'expédition des Abyssins au printemps de l'année 525. Si, à cette époque, nous ajoutons les soixante-douze ans qu'a duré la domination des Abyssins, nous sommes reportés vers la fin du vi° siècle de notre ère : si l'on admettait, pour la date de l'expédition des Perses, la quatrième année avant la mort de Nouschirwan, c'est-à-dire l'année 575 de notre ère, nous ne pourrions assigner à la domination des Abyssins qu'une durée de cinquante ans, ce qui est contraire au témoignage de l'histoire. Comme Khosrou-Parwiz occupa le trône de la Perse depuis l'an 590, il est plus naturel de croire que ce prince ordonna l'expédition contre l'Arabie heureuse; que Saïf était mort à la cour de Perse, et que ce fut son fils Madicarib qui accompagna l'expédition, et reçut le titre de vice-roi.

M. Caussin, qui ne pouvait pas manquer de sentir la difficulté réelle que présentait son hypothèse, a supposé que les soixante et douze ans assignés par les historiens arabes à l'empire des Abyssins, dans l'Arabie heureuse, s'appliquaient à l'entière extermination de ces Africains, qu'il suppose avoir eu lieu vingt-deux ans après la première expédition des Perses. Je ne saurais admettre cette conjecture, et on va voir pour quelles raisons je crois devoir la repousser.

Puisque je suis engagé dans cette discussion critique, on me permettra de donner une observation sur un des vers arabes qu'a transcrits l'auteur de l'ouvrage. On y lit:

يلج في البحر أحوالا فاحوالا ليطلب الوتر امثال ابن ذي يزن

ce que le traducteur rend ainsi : « C'est aux hommes doués d'une cons«tance pareille à celle du fils de Dhou-Yazan qu'il appartient de réussir « dans leurs desseins; plusieurs fois il brave les dangers de la mer. » Je crois devoir traduire : «Guidés par le désir de la vengeance, des hommes. «pareils à Dhou-Yazan se précipitent sur la mer au travers de toutes « sortes d'aventures. >>

[ocr errors]

Suivant le récit de deux historiens arabes, Madicarib, installé dans la vice-royauté de l'Arabie heureuse, persécuta cruellement les Abyssins qui étaient restés dans ce pays, les égorgea avec un raffinement de barbarie. Quant à ceux qui, en petit nombre, avaient échappé au carnage, il les prit pour ses esclaves, et les faisait courir devant lui armés de piques. Au bout de très-peu de temps, ce prince étant en marche et se trouvant au milieu de ses gardes, ils se jetèrent sur lui et le massacrèrent; puis, un homme d'entre les Abyssins fit main basse sur les assassins, et commit beaucoup de désordres et de meurtres dans le Yémen; ce qui détermina le roi de Perse à faire partir une seconde expédition sous les ordres du même général Waharaz, qui avait commandé la première, et qui reçut l'injonction d'exterminer entièrement les Abyssins.

་་

Si l'on en croit la conjecture de M. Caussin, le meurtre de Madicarib et les désordres qui le suivirent semblent indiquer une nouvelle phase de la domination abyssinienne dans le Yémen. «Il serait, dit-il, «difficile de croire que les souverains d'Abyssinic n'aient tenté aucun " effort pour ressaisir la conquête qui leur avait été enlevée; ils durent <«< au moins soutenir l'usurpation d'un prince de leur nation qui venait « de se mettre à la place du roi himiarite. Je conjecture qu'il s'établit « alors une lutte entre les Abyssins et les Persans laissés dans la con«<trée. . . . . et que les Abyssins se maintinrent quelques années dans la « possession du Yémen. » M. Caussin conjecture que tous ces événements conduisirent jusqu'à l'année 597 de notre ère; qu'à cette époque, Waharaz, qui avait commandé la première expédition, en entreprit une seconde par ordre de Parwiz. . . . .

་་

Ce raisonnement est sans doute fort ingénieux, mais je ne le crois pas également solide. Si ces deux expéditions des Perses sont une vérité historique, il est, toutefois, bien difficile d'admettre que les cruautés exercées contre les Abyssins, la mort du prince arabe et le soulèvement d'un Abyssin, aient occupé un espace de vingt-deux ans. Il est probable que Saïf, ou son fils Madicarib, dès qu'il fut maître de l'Abyssinie, s'occupa à détruire ses ennemis, et n'en conserva qu'un petit nombre qu'il jugea pouvoir, sans inconvénient, admettre parmi ses es

claves ou ses satellites. Suivant le récit de l'historien Tabari, la mort du prince suivit de près cet acte d'imprudence. Quant à cet Abyssin, qui massacra lui-même ses compatriotes, et cominit dans la contrée de nombreux désordres, nous ne voyons nulle part qu'il ait pris le titre de roi et qu'il ait été soutenu par les Abyssins; c'était probablement un homme obscur, un véritable brigand, puisque l'histoire n'a pas pris la peine d'enregistrer son nom. Il est à croire que les ravages de cet homme ne durèrent pas longtemps; que le roi de Perse, averti promptement de cet état d'anarchie qui désolait l'Arabie heureuse, se hâta d'y porter remède en envoyant le même général qui avait fait la conquête du pays. Ces événements, sans doute, n'exigèrent qu'un laps de temps assez court, et je ne puis nullement souscrire à l'opinion du savant au

teur.

M. Caussin parle de l'Indien Théophile, envoyé en ambassade par l'empereur Constance auprès du roi de l'Arabie heureuse. Comme ce Théophile, zélé sectateur de l'arianisme, joua un rôle assez important dans l'histoire ecclésiastique du Iv° siècle de notre ère, je donnerai, sur ce qui le concerne, quelques détails assez étendus en tête de l'ar

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

M. Édouard Biot, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, est mort, à Paris, le 13 mars.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

L'Académie des sciences a tenu, le lundi 4 mars, sa séance publique annuelle, sous la présidence de M. Pouillet.

A l'ouverture de la séance, la proclamation des prix décernés et l'annonce des prix proposés ont eu lieu dans l'ordre suivant :

« VorigeDoorgaan »