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mon esprit, que de m'y attacher. Des regrets, hélas! trop généraux, pourraient rejaillir, contre mon intention, sur ce que je dois respecter. Il ne faut pas battre sa mère, et j'aurais peur qu'on ne me dise:

Frate, tu vai,

L'altrui mostrando, e non vedi il tuo fallo.

J. B. BIOT.

EXPÉDITION SCIENTIFIQUE DE LA MORÉE, ordonnnée par le Gouvernement français; architecture, sculptures, inscriptions et vues du Péloponnèse, des Cyclades et de l'Attique; recueillies et dessinées par Ab. Blouet et ses collaborateurs; t. I, II et III, in-fol., Paris, 1831-1838.

PREMIER ARTICLE.

Bien que la publication du livre que nous annonçons remonte déjà à quelques années, elle n'a pourtant rien perdu de son importance ni de son intérêt. Ce livre est un des résultats, peut-être le plus durable et sans doute le plus positif, de notre glorieuse expédition de Morée, qui contribua si puissamment à l'affranchissement de la Grèce et à la fondation d'un nouvel État libre européen. C'est, au lieu d'un de ces vains trophées, qui n'excitent trop souvent que des passions meurtrières et ne provoquent que de tristes représailles, un monument érigé par les mains de la science en l'honneur du pays appelé par nos armes à la vie politique; et, plus qu'aucun autre État de l'Europe, la France, qui a laissé plus d'un noble souvenir, plus d'une empreinte généreuse, sur le sol et dans l'histoire de la Grèce, était digne d'élever ce monument, où le progrès de nos études, où la perfection de nos arts, se signalent à l'envi sur le terrain de la Grèce antique. Des trois puissances qui scellèrent en commun, par un magnanime effort, dans la rade de Navarin, la renaissance politique de la Grèce, la France est en effet la seule qui ait su, dans ce grand service rendu à une nation opprimée, trouver encore l'occasion de servir la science et l'humanité tout entière. Tandis que ses soldats parcouraient le Péloponnèse pour en chasser les bandes égyptiennes, ses ingénieurs étaient déjà à l'œuvre pour lever la carte de la Morée; en même temps que ses savants et ses naturalistes, ses artistes et ses antiquaires, se partageaient le sol de la Grèce, pour le décrire, et pour achever de le purger, autant qu'il pouvait dépendre d'eux, des vieux outrages de la barbarie et de ses récentes atteintes. C'est ainsi que la France voulut noblement payer à la Grèce antique la dette de la civilisation moderne, et que l'ouvrage dont nous allons rendre compte peut être mis au rang des titres que notre pays s'est acquis à la

reconnaissance des Grecs, en leur montrant le leur et en leur apprenant à l'étudier, après avoir concouru à l'affranchir.

Il n'entre pas dans mes intentions d'apprécier l'ensemble des travaux qui furent exécutés par les commissions scientifiques, créées à la suite de notre expédition de Morée. L'antiquité, qui fait seule le sujet de mes études, et qui forme aussi, je crois qu'il m'est permis de le dire, le principal objet de l'intérêt qu'excita toujours la Grèce, réclame de préférence la part d'attention que je puis donner à cet examen; et, bien que le résultat des travaux accomplis sur cette partie du domaine de la Grèce antique n'ait peut-être pas, en ce qui concerne l'archéologie proprement dite, répondu complétement aux vues du gouvernement et aux vœux de la science, par le fait de circonstances sur lesquelles il serait aujourd'hui bien inutile de revenir, il est juste de dire que l'art s'efforça du moins de remplir, avec tout le zèle dont il était capable et avec toute l'intelligence qu'il pouvait déployer, la tâche qui lui avait été dévolue. Placés en face des ruines de la Morée, nos architectes ont fait certainement tout ce qui dépendait d'eux pour relever le moindre vestige d'antiquité qui pouvait être de quelque intérêt pour l'histoire de l'art, et pour tirer de ces vieux débris, en y restaurant par le crayon tout ce que le temps y avait détruit, tout ce que la barbarie y avait mutilé, pour en tirer, dis-je, tout l'enseignement qui s'y trouvait encore. A cet égard, on ne doit que des éloges à l'habile architecte, M. Abel Blouet, qui dirigea cette partie des travaux de la commission scientifique, ainsi qu'à ses collaborateurs, MM. Am. Ravoisié, Ach. Poirot et Fél. Trézel; et, en présence du livre qui en contient les résultats, nous ne pourrions que répéter, au bout de près de vingt années, le témoignage de satisfaction que nous exprimions, dans une séance publique de l'Institut1, sur le zèle et la capacité qu'avait montrés, dans l'accomplissement de sa laborieuse mission, la section d'architecture et de sculpture de la commission scientifique de Morée. Le vide qu'avait laissé l'archéologie dans les travaux de cette commission a, d'ailleurs, été rempli, de manière à ne laisser place à aucun regret, par M. Ph. Lebas, qui fut chargé plus tard de l'explication des monuments écrits et figurés recueillis en Morée par notre expédition, et qui s'est acquitté de cette tâche importante avec beaucoup de soin et d'habileté.

La publication que nous nous proposons de faire connaître en détail à nos lecteurs a pour principal objet la description de la Morée, sous le rapport de l'architecture. Les circonstances politiques dans lesquelles se

1

Compte rendu de la séance publique de l'Institut, tenue le samedi 30 avril 1831. Le témoignage que nous rappelons ici est reproduit dans l'Introduction de l'ouvrage. que nous annonçons, p. XXII.

trouvait alors la Grèce, à peine délivrée de ses oppresseurs étrangers, ne permirent pas à nos artistes d'étendre leurs investigations dans les régions du continent qui touchent au Péloponnèse. Elles ne s'opposaient pas cependant à ce qu'ils pussent parcourir plusieurs des îles de la mer Égée, pour y rechercher avec le même soin, pour y représenter avec le même talent, tout ce qu'ils pouvaient y trouver de ruines antiques, au moins à la surface du sol, puisque les ressources dont ils disposaient ne leur permettaient pas de remuer ce sol et de le fouiller à une certaine profondeur. L'Attique seule dut rester en dehors du domaine de leurs études, parce que la situation de ce pays, où les Turcs occupaient encore la citadelle d'Athènes, ne laissait pas à nos artistes la liberté d'y entreprendre des travaux du genre de ceux qu'ils avaient accomplis dans la Morée. Ce serait donc en vain qu'on chercherait dans cet ouvrage les monuments d'Athènes et ceux de l'Attique, bien que l'Attique figure, sur le titre du livre, au nombre des contrées de la Grèce qui en ont fourni les matériaux. Quelques vues des monuments d'Athènes, exécutées d'une manière pittoresque, qui se trouvent à la fin du III volume, ne peuvent tenir lieu de dessins étudiés, tels que ces monuments en réclament, et que nos architectes étaient capables d'en produire; et nous ne faisons, du reste, cette observation, exigée par l'intérêt de la vérité, que pour remplir le devoir de la critique, et sans avoir l'intention d'y attacher un reproche. Tout au plus pourrions-nous y trouver le motif d'un regret, sur ce que les circonstances nous ont privés du travail que nos artistes auraient pu consacrer aux monuments de l'Attique, certainement les plus précieux et les plus complets de tous ceux de la Grèce. La seule exception que nous devions signaler à cet égard est relative au temple du cap Sunium, qui, bien que placé en dehors du cercle tracé à leurs recherches, a néanmoins fourni à l'un d'eux le sujet d'une étude trèsinstructive et très-intéressante, dont nous rendrons compte en son lieu.

Cette description de la Morée se compose, pour toutes les parties qui ont été l'objet de l'exploration de nos artistes, d'un itinéraire détaillé des lieux parcourus par eux, avec l'indication des principales circonstances du sol, avec celle des moindres vestiges de l'antiquité, et d'une étude approfondie des monuments, en un état de ruine plus ou moins avancé, qu'offrent encore quelques-unes de ces localités. Je n'ai pas besoin de dire que c'est surtout de cette dernière partie du travail de nos architectes que je m'occuperai de préférence, puisque c'est évidemment celle qui, à raison de l'importance même des monuments, présente le plus d'instruction et d'intérêt. Mais on se tromperait beaucoup, si l'on croyait qu'en m'abstenant de rendre compte de la partie itinéraire, j'en aie méconnu l'utilité et le mérite. Loin de là; je pense que cette

description topographique des principales régions de la Morée, bien que rédigée d'une manière très-succincte, offre une source d'instruction très-solide qui, pour beaucoup de lieux de la Grèce, complète ou rectifie la connaissance que nous pouvions en avoir; et je ne crains pas de ranger au nombre des services rendus à la science par notre commission scientifique de Morée ces nombreux itinéraires, qui, dans leur courte substance et sous leur forme modeste, renferment tant de notions neuves, exactes, positives, sur l'état des lieux, sur les accidents du sol, sur les conditions du terrain, qui sont certainement autant d'éléments certains de la connaissance de la Grèce antique, et de moyens sûrs de la retrouver dans la moderne Hellade.

Nous avons maintenant, avant d'aborder l'analyse détaillée des monuments représentés dans cet ouvrage, à donner une indication générale des principaux objets qui y sont décrits, d'après l'itinéraire même suivi par nos artistes. Ce doit être là le sujet de notre présent article, où nous tâcherons d'offrir un aperçu de tout l'ouvrage, que nous examinerons en détail dans les articles suivants.

Le premier volume s'ouvre par une Introduction, divisée en deux parties, dont la première est remplie de considérations générales qui concernent la Grèce, son génie, sa religion et son histoire. Le sujet de ces considérations n'est pas assez neuf, et le mérite, sous le rapport du fond non plus que sous celui de la forme, n'en est pas, si je peux me permettre de le dire, assez remarquable pour que je croie devoir m'arrêter à y relever quelques faits ou quelques vues qui manquent à mes yeux de justesse et d'exactitude. J'en dirais autant de la seconde partie de cette Introduction, qui traite plus spécialement de l'histoire de l'art grec, et où l'on s'est proposé de tracer un aperçu rapide des principales circonstances de cette histoire, terminé par un tableau général des artistes. Dans un sujet si vaste renfermé en un cadre si étroit, il est trop sensible qu'une foule de notions graves et importantes ont dû être écartées, et que ce ne saurait être la tâche de la critique de les y rétablir. Mais il y a pourtant, dans cette partie de l'Introduction, quelques erreurs de détail d'une telle nature, que je ne crois pas pouvoir me dispenser de les relever dans l'intérêt même d'une publication, qui a droit à la confiance des artistes. Je les signalerai le plus brièvement qu'il me sera possible dans un prochain article; et, sous cette réserve, qui regarde la seconde partie de l'Introduction, je passe à l'analyse de l'ouvrage même.

Débarqués, le 3 mars 1829, dans la rade de Navarin, les artistes de notre expédition scientifique de Morée commencèrent leur exploration par ce point du littoral de l'antique Messénie qui leur offrit d'abord, sur le sommet du cap Coryphasium, l'emplacement, intéressant à étudier

et facile à reconnaître, de la Pylos de Thucydide, la même aussi que celie d'Homère. A Navarin même, ville qui leur parut d'une origine toute récente et d'une construction vénitienne, ils ne trouvent à dessiner qu'une fontaine vénitienne, prise pour antique par Pouqueville 1, et une église grecque, qui offre la forme générale de ces sortes d'édifices de l'architecture byzantine, dont le type, plus ou moins simplifié, est toujours Sainte-Sophie. De là à Modon, l'antique Méthone, sur une route de deux heures et demie, ils ne rencontrent également qu'une fontaine avec une église et quelques chapelles du moyen âge, dont les peintures, encore assez bien conservées, intéressent par la tradition d'un art byzantin qu'elles reproduisent fidèlement dans leurs couches successives ajoutées de siècle en siècle. De Méthone, dont on avait cru trouver quelques restes au pied des montagnes qui bornent son territoire à l'est, ils ne découvrent rien en cet endroit qui ait pu réellement lui appar- . tenir; et ils fixent son véritable emplacement à Modon même, où les murs de la place moderne, du côté du port, sont assis sur les constructions helléniques de la ville antique. Ce ne sont encore que des églises byzantines qui se présentent à dessiner pour nos artistes, sur la route de Modon à Coron, ville qui répond à l'antique Colonides. A l'exception de deux chapiteaux du Bas-Empire, de quelques fragments de moulures de peu d'intérêt, et de nombreux débris de terres cuites et de poteries, qui couvrent une partie de l'emplacement de la ville antique, Coron même ne renferme aucun vestige de son existence hellénique. De Coron, en se rendant au port Petalidi, l'ancienne Coroné, le seul monument d'antiquité qui s'offre à leur attention est un massif de construction antique, qui forme un parallelogramme, et auprès duquel étaient épars plusieurs fragments en marbre d'une assez grande dimension. Ce débris d'antiquité, qui se trouve sur une montagne, près du village de Kastelia, répond, par la distance où il est de Coron, à l'emplacement du temple d'Apollon Corynthus, décrit par Pausanias 2. Le port Petalidi même n'offre plus que de faibles vestiges de l'antique Coroné, c'est à savoir, sur les rochers qui servent de base à la jetée, cinq ou six pierres d'assises régulières; sur le versant de la montagne où se trouvait la ville antique, quelques débris de sa restauration à l'époque thébaine, avec quelques constructions romaines, parmi lesquelles nos artistes citent une salle, décorée à l'intérieur de renfoncements en arcades, et, sur le point culminant de la côte, les ruines de l'acropole, consistant en murs d'enceinte, de construction hellénique, mais sans aucune trace des

1

Deuxième voyage en Grèce, t. VI, p. 74. Pausan. IV, xxxiv, 4.

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