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ni fatigues; car, par une déplorable fatalité, les contrées les plus favorisées du ciel, les plus comblées des dons de la nature, sont souvent celles où l'on songe le moins au bien-être, à la commodité ou même à la sûreté des voyageurs. A force de recherches et de peines, M. Mommsen réussit ainsi à recueillir environ cinquante inscriptions de la Messapie, y compris celles qu'il devait à l'obligeance de M. de' Tomasi. Elles sont toutes en caractères grecs, très-courtes pour la plupart, ne consistant, à ce qu'il semble, qu'en trois ou quatre mots non séparés les uns des autres, ce qui en rend la lecture et l'interprétation fort difficiles. Quelques-unes de ces inscriptions si propres à exciter la curiosité, avaient été déjà publiées par MM. Jannelli, Lepsius, Minervini, Mola, Quaranta, et par d'autres savants. Les lettres Y, , et 2 y manquent, O, Y X s'y trouve, mais M. Mommsen n'ose décider si ce signe a la valeur du ou bien celle du x; quant à l'H, qui s'y rencontre fréquemment, selon toute apparence ce n'est pas la lettre n, mais le signe de l'aspiration. R prend souvent la forme latine. Pour avoir une idée de la manière dont ces divers caractères se groupent et se combinent entre eux, nos lecteurs nous sauront gré peut-être de transcrire ici les trois lignes suivantes; elles sont gravées sur un caducée de bronze trouvé, dit-on, aux environs de Tarente et conservé aujourd'hui au musée Borbonico de Naples :

BAATOIHI
ΚΑΛΑTORΑΣ
BAAETOIHI

Assez riche en connaissances réelles pour avoir le courage de convenir de ce qu'il ignore, M. Mommsen ne donne point l'interprétation complète de ces cinquante inscriptions classées par lui d'après les localités d'où elles proviennent. En regrettant qu'il n'ait pu se procurer que des copies assez fautives de quelques-unes qui sont précisément les plus longues, le savant auteur prouve néanmoins, par beaucoup de raisons, que ces inscriptions nous ont conservé l'une des plus anciennes langues italiques, mais qui, vu le nombre comparativement petit des monuments, a résisté jusqu'à ce jour aux efforts faits pour la deviner. Le degré de la difficulté est souvent la mesure de l'intérêt qu'on prend à une question, ou de l'honneur qu'on attache à une découverte; on peut donc espérer que les savants distingués qui habitent cette partie de la Péninsule répondront à l'appel fait à leur activité et à leur patriotisme, qu'ils veilleront à la conservation des monuments épigraphiques analogues que le hasard fera sans doute découvrir successivement

dans la province d'Otrante, et qu'ils parviendront à les interpréter. En attendant, tout en se bornant à des conjectures concernant les désinences et la structure de ce dialecte inconnu, M. Mommsen, aussi exact dans ses recherches que judicieux dans ses réflexions, nous semble avoir démontré jusqu'à l'évidence que la langue messapienne avait plus d'une analogie avec l'ancien idiome des Romains. Ainsi, par exemple, les nominatifs masculins terminés en AE, AIHI (faut-il prononcer æhi?) au génitif, O génitif IHI, IΣ génitif Iɛ, répondent assez bien aux trois premières déclinaisons du latin; MOPKOM MOPKIHI, dans les inscriptions de Fasano et de Nardò, rappelle les noms MARCVS. MARCI ou plutôt MARCEI (forme archaïque); et les derniers mots de l'inscription que nous avons transcrite plus haut seraient en latin Calatoras 1, Baletthihi (filias). Est-ce le nom de l'artiste qui a fabriqué le caducée, ou le nom de la personne qui l'a dédié?

A la suite de ces discussions grammaticales on trouve une liste de tous les termes du dialecte messapien conservés et expliqués par Strabon, Athénée et par les lexicographes grecs; puis un relevé de cent vingt-huit mots de la même langue, que M. Mommsen a tirés de ses inscriptions et qu'il a rangés par ordre alphabétique. Il y joint des considérations sur l'histoire de la Messapie, sur l'origine et sur la disparition de son idiome qui, toutefois, paraît s'y être conservé au moins jusqu'au commencement de notre ère; et il place à la fin de cette seconde partie une série de témoignages d'où il résulte que trois langues furent

Calatoras est probablement la forme primitive du nom Calatorius, nom qui, après la soumission de la Messapie, fut celui d'une famille considérable, inscrite dans l'ancienne tribu Menenia, laquelle était composée des citoyens romains de 'l'Italie méridionale, notamment de ceux de Pompéi, d'Herculanum et de Surrentum (voir M. Grotefend Zeitschrift für Alterthumswissenschaft, 1836, p. 946). Une des premières découvertes faites aux environs d'Herculanum fut celle d'une statue en marbre, sur le piédestal de laquelle on lisait l'inscription que voici :

M. CALATORIO L...

MEN. RVFO FRAT[er].

Ce monument, érigé par la piété fraternelle à Marcus Calatorius Rufus, fils de Lucius, de la tribu Menenia, fixa aussitôt l'attention des savants italiens. Il en est question dans Gori, Notizie dello scoprimento della città d'Ercolano, del suo teatro, etc. Firenze, 1748, in-8°, p. 65; Venuti, Descrizione delle prime scoperte dell' antica città d'Ercolano, Venezia, 1749, in-8°, p. 79 et 90; Belgrado, Epistolæ IV de antiquis monumentis sub Resina inventis, Venetiis, 1749, in-12, p. 27. L'inscription a été depuis reproduite dans le grand recueil de Muratori, Thes. inscr., t. IV, p. MмXX1, n. 1, par Walch, Antiquitates Herculanenses litteraria, Iene, 1751, in-4°, p. 57, et par d'autres.

successivement en usage dans la Pouille. Ses habitants, confondus d'abord avec les Messapiens et parlant le même dialecte que ceux-ci, adoptèrent plus tard la langue grecque, laquelle fut à son tour remplacée par le latin lorsque, sous prétexte d'assurer l'unité de la république, les soldats victorieux de Sylla, à l'issue de la guerre sociale, exterminèrent une partie considérable des races indigènes qui habitaient l'extrémité méridionale de l'Italie.

Dans un second et dernier article nous fixerons plus particulièrement l'attention de nos lecteurs sur les trois dernières parties de l'ouvrage de M. Mommsen, Ce sont celles où il est question de la langue des Osques, du dialecte des Volsques, et des idiomes que l'auteur comprend sous le nom général de langue sabellique.

HASE.

LEIBNITII ANIMADVERSIONES AD CARTESII PRINCIPIA PHILOSOPHIÆ, ETC., par le docteur Guhrauer; in-8°, Bonn, 1844.

TROISIÈME ET DERNIER ARTICLE.

Les Remarques de Leibnitz sur les autres articles qui composent la première partie des Principes de Philosophie mériteraient un semblable examen; mais, pour ne pas excéder les bornes qui nous sont prescrites, nous nous contenterons de faire connaître celles de ces Remarques qui nous ont frappé davantage, et où Leibnitz à son tour nous paraît avoir souvent raison contre Descartes.

Descartes n'avait pas fait une assez grande place à la volonté, parmi les facultés humaines; mais il est si loin de l'avoir méconnue, que Leibnitz l'accuse d'en avoir exagéré le rôle dans la théorie du jugement et de l'erreur. Nos erreurs viennent de nos jugements. Si l'entendement est nécessaire pour juger, la volonté aussi, dit Descartes, est nécessaire pour donner son assentiment. L'entendement étant fini ne s'étend qu'à un certain nombre d'objets, tandis que la volonté est infinie, s'étend à tout, et précipite l'entendement au delà de ses limites naturelles : telle est la grande source de nos erreurs. Ajoutons que, dans Descartes, comme dans presque tous les auteurs du temps, la volonté est à peu près confondue avec l'inclination et le désir, qui évidemment s'étendent bien plus loin que l'entendement. De là la fortune de la théorie cartésienne de l'erreur, adoptée par Malebranche, et qui a joui long

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temps d'un si grand crédit, et à cause de la part de vérité qui est en elle, et surtout par son rapport à la morale et au perfectionnement de l'âme, qui était le grand objet de la philosophie du xvII° siècle. Mais il est certain que cette théorie pèche par son fondement, la faculté qui définitivement donne son assentiment n'étant point la volonté, mais l'entendement. Nous croyons avoir démontré contre un de nos plus illustres contemporains que l'entendement est le principe direct et unique de toutes nos opinions, quelles qu'elles soient, de tous nos jugements, vrais ou faux. Leibnitz vient ici à notre aide, et, dans ce long et important passage, pages 35 et 36 de l'édition de M. Guhrauer, nous nous honorons de retrouver plus d'une fois nos propres idées et jusqu'à notre langage. On pense, disions-nous, comme on peut, et non pas comme on veut 2. Judicamus, dit Leibnitz, non quia volumus, sed quia apparet. Nous devons mettre sous les yeux du lecteur ces pages nouvelles, qui ne seront pas consultées sans fruit par la psychologie

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moderne.

«<Errores pendere magis a voluntate quam ab intellectu, non ad« mitto. Credere vera vel falsa, quorum illud cognoscere, hoc errare «est, nihil aliud quam conscientia aut memoria est quædam percep«<tionum aut rationum; itaque non pendet a voluntate, nisi quatenus <«< obliqua arte tandem efficitur, etiam aliquando nobis ignaris, ut quæ <«< volumus nobis videre videamur. Judicamus igitur, non quia volumus, «< sed quia apparet. Et quod dicitur voluntatem esse latiorem intellectu, <«< argutum est magis quam verum. Verbo dicam : ad populum phaleræ. <«< Nihil volumus quin intellectui obversetur. Errorum omnium origo « eadem est suo quodam modo quæ errorum calculi ratio apud arith<«<meticos observatur. Nam sæpe fit defectu attentionis aut memoriæ ut indebitum aut omittamus debitum, aut putemus nos egisse agamus << quod non egimus, aut quod egimus non egisse; ita fit ut notæ debitæ « in calculo (cui ratiocinatio respondet in animo) non ponantur, inde<«<bitæ ponantur, transsiliatur aliquid inter colligendum, methodus tur« betur. Mens scilicet nostra lassata aut distracta non satis rei attendit, <«< aut errore memoriæ assumit tanquam olim probatum, quod tantum <«< inculcatum sæpius aut consideratum fixe, aut optatum studiose, al<«<lius in nobis hæsit. Remedium quoque errorum nostrorum idem est, quod errorum calculi, ut materiæ formæque attendamus, ut proce

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I série, Fragments philosophiques, t. IV, Philosophie contemporaine, introduction aux œuvres de M. Maine de Biran, p. 313-320. Voyez aussi, dans ce même volume, l'examen des Leçons de philosophie de M. Laromiguière, p. 264, sqq. -'Ibid.

«

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<«<damus lente, ut repetamus operationem variemusque, ut examina <«< instituamus sive comprobationes, ut longiores ratiocinationes in «partes secemus, quo respirare mens possit, partemque quamlibet << peculiaribus comprobationibus confirmemus. Et quoniam in agendo aliquando festinandum est, magna res est præsentiam animi sibi «< comparasse assuescendo; velut illi qui in tumultu, atque etiam sine «<scriptura aut calculis, non ideo minus ingentes numeros computare « possunt; ut scilicet non distrahatur facile mens, vel sensibus externis, << vel imaginibus affectibusque propriis, sed super id quod agit emi<<< neat, retineatque potestatem animadvertendi, seu, ut vulgo dicimus, « reflectendi in sese, ut subinde dicere sibi ipsi possit vide quid agas, «<dic cur hic, ruit hora; vice extranei monitoris. Germani egregie vo«cant sich begreiffen; Galli non minus pulchre s'aviser, quasi monere se ipsum, suggerere sibi; ut nomenclatores Romanis candidatis nomina < ac merita civium prensari dignorum; ut insusurrator comodo initialia << verba superstitis pensi; ut ephebus quidam Philippo regi illud: me<<mento te mortalem. Ipsum vero animadvertere, s'aviser, non est in << nostra potestate, nec in arbitrio voluntatis, imo prius intellectui1 occur«rere oportet, pendetque a præsenti perceptionis2 nostræ gradu. Volun«tatis est in antecessum omni studio niti, ut mens bene præparetur, quod utiliter fit tum intuitu alienorum experimentorum damnorum<«<que aut periculorum, tum et usu propriorum, sed (qua licet) peri<«< culo vacantium, aut levis saltem aut ludicri damni, tum vero assuc«factione animi ad seriem quamdam methodumque cogitandi, ut « postea velut sponte occurrat quod oportet. Sunt tamen quæ sine culpa elabuntur aut subveniunt, ubi non judicii defectu, sed memo«riæ aut ingenii laboramus, nec tam erramus quam ignoramus; quod <«< non est hujus loci, neque enim efficere possumus ut nosse liceat aut « meminisse quæ vellemus. Sufficit ea animadversionis species qua pu«gnamus in defectum attentionis, et quoties memoria nobis præteritas << probationes refert, quæ fortasse nullæ fuerunt, suspectam habeamus « confusam recordationem, et vel repetamus inquisitionem, si licet << magnaque res est, vel nonnisi testata satis præteritæ diligentiæ confi(( damus. >>

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Et plus bas : « A judiciis abstinere non est voluntatis nostræ, sed in<< tellectus animadversionem quamdam sibi suggerentis, ut jam dictum « est ad artic. 35. »

Leibnitz, qui vient de si bien marquer la place de l'intelligence dans

'Le texte donné par M. Guhraüer : intellectu.-'Le texte de M. Guhraüer: perfectionis.

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