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DIE PHOENIZIER, von Dr Movers.-Les Phéniciens, par le docteur Movers, II volume, re partie, Berlin, 1849.

PREMIER ARTICLE.

En publiant dans ce journal un article sur le premier volume des Phéniciens, de M. Movers, j'avais pris l'engagement de continuer ce travail. Et, en effet, un ouvrage aussi important, rempli d'une vaste érudition, et offrant une multitude d'idées nouvelles, d'hypothèses ingénieuses, mais quelquefois un peu hardies, méritait, sous tous les rapports, de faire l'objet d'un examen approfondi. D'autres occupations m'ont, jusqu'à présent, empêché de réaliser ce projet, auquel, toutefois, je suis loin d'avoir renoncé.

Le second volume sera divisé en trois parties. La première, qui a paru l'année dernière, comprend ce qui a rapport à l'histoire politique et au gouvernement de la Phénicie; la seconde traitera des colonies phéniciennes; la troisième offrira des recherches sur le commerce, la navigation, les arts, l'industrie, les mœurs et la littérature des Phéniciens. Et, au moment où j'avais rédigé et lu les observations dont on va connaître le résultat, j'ai reçu la seconde partie de ce volume.

Dans un second article, j'examinerai méthodiquement les faits recueillis et analysés avec tant d'érudition et de critique par le savant auteur. En attendant, on me permettra de discuter un point qui occupe une très-grande place dans le travail de M. Movers, et qui, par son importance et les hypothèses auxquelles il a donné naissance, mérite, je le crois, un examen nouveau et sérieux.

Écrire sur la topographie de la ville de Tyr peut, au premier coup d'œil, paraître aujourd'hui une œuvre assez inutile. Sans parler des travaux qu'ont publiés, sur cette matière, Bochart, Reland, Vitringa, Mannert, Gésénius, feu Barbier du Bocage et autres, ce même sujet a, depuis quelques années, excité d'une manière spéciale l'attention de plusieurs hommes de mérite, qui en ont fait l'objet de recherches approfondies et consciencieuses. M. Hengstenberg, dans un mémoire publié sous ce titre «De rebus Tyriorum, commentatio academica, Berolini 1832, in-8°,» a traité ce point intéressant d'histoire et de géographie avec une érudition et une critique qui semblent ne plus devoir donner prise à aucun doute, et ne plus permettre une discussion postérieure. Toutefois M. Jules de Bertou, durant les voyages que l'amour de la science lui a fait entreprendre, dans la Phénicie, la Palestine et

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les provinces voisines, a exploré sur les lieux, avec un soin vraiment méritoire, tout ce qui concerne l'emplacement de Tyr. Non content d'examiner de la manière la plus scrupuleuse tout ce qui reste aujourd'hui des ruines de cette cité antique, il a cherché, la sonde à la main, sous les flots de la mer, les débris que, suivant son opinion, cet élément a engloutis dans son sein, et qui, dit-il, faisaient jadis partie de la capitale des Phéniciens. Cette investigation l'a conduit à des résultats intéressants, que n'avaient point entrevus ses devanciers. Enfin, l'année dernière, M. Movers, dans le second volume de son savant ouvrage sur les Phéniciens, a traité ce même point de géographie et d'histoire avec une étendue et une critique qui paraissent ne laisser absolument rien à désirer.

Toutefois, et en payant à mes doctes prédécesseurs le tribut d'éloges que réclament à si juste titre leurs importants travaux, j'ai cru que l'on pouvait encore soumettre ce sujet à une nouvelle discussion, comparer ensemble les résultats obtenus par ces savants, et modifier, sur quelques articles, leurs hypothèses.

On sait que, dans les temps les plus reculés, il a existé dans la Phénicie deux villes portant le nom de Tyr. L'une, située sur le continent, a été désignée, chez les écrivains grecs et latins, sous la dénomination de Пlaλaíτupos, Paletyros (ancienne Tyr). L'autre se trouvait placée dans une île. Les savants ont été assez incertains sur la manière dont il fallait expliquer l'existence simultanée de ces deux villes, et sur l'emplament qu'on devait assigner à la première.

Suivant l'opinion de M. Hengstenberg, la ville de Tyr, fondée dans l'île, fut, dès les temps les plus reculés, la véritable capitale des Phéniciens, le siége de leur empire. Ce fut elle qu'assiégea Nabuchodonosor. Palætyr n'en était qu'un faubourg. Il ne faut pas croire, dit-il, que l'île de Tyr fut réunie au continent depuis la prise de cette place par Alexandre; elle y tenait par un isthme de temps immémorial. Durant le siége formé par Nabuchodonosor ou quelque temps après, cet isthme fut ouvert, soit par la main des hommes, soit par quelque événement naturel; en sorte que la ville se trouva environnée complètement par les eaux de la mer. La ville qui, depuis cette époque, reçut le nom particulier de Palætyr, était, dans ces temps reculés, comprise dans l'enceinte et sous la dénomination de Tyr. Elle formait la continuation de la ville insulaire, qui ne pouvait plus contenir le nombre de ses habitants.

De son côté, M. de Bertou croit avoir découvert l'emplacement de Paletyr dans un lieu nommé par les Arabes Adloun, et qui présente des ruines antiques et de nombreux tombeaux taillés dans le roc.

M. Barbier du Bocage, s'appuyant sur l'autorité de Strabon, et à l'exemple de Danville, a placé Palætyr un peu au midi de Tyr.

M. Movers, en adoptant, sur plusieurs points, les hypothèses de ses savants devanciers, les a, sur d'autres, modifiées d'une manière fort importante.

Suivant lui, la ville de Palætyr, dont l'existence remontait à une haute antiquité, était située sur le continent, vis-à-vis l'ile de Tyr, avec laquelle elle formait une seule et même cité. Durant un assez grand nombre de siècles, elle occupa, dans la vaste enceinte dont se composait la ville, le rang le plus distingué, l'espace le plus étendu. C'était là que se trouvait situé le palais des rois, ainsi que plusieurs temples des divinités adorées par les Tyriens. La ville de Tyr était gouvernée par deux suffètes ou magistrats suprêmes, et chacune des deux portions comprises dans l'enceinte des murs fournissait un des membres de cette haute administration. Palætyr conserva ainsi son rang, jusqu'à ce qu'elle fût renversée par un tremblement de terre, dans l'espace de temps qui s'écoula entre l'expédition de Nabuchodonosor et celle d'Alexandre le Grand.

Ces assertions, appuyées sur une érudition solide, sur une réunion de nombreux passages, semblent offrir tous les caractères d'une vérité incontestable. Toutefois j'oserais, sur plusieurs points, ne pas admettre les résultats présentés par le savant auteur.

Sans doute il est certain qu'à une haute époque historique, il a existé dans la Phénicie, non loin du rivage de la mer Méditerranée, une ville dont les Grecs ont traduit le nom par celui de IlaλaíTupos, Paletyr. Il est également clair que les écrivains de l'antiquité, en adoptant cette dénomination, ont suivi fidèlement les traditions qui s'étaient conservées, de siècle en siècle, chez les peuples établis dans cette contrée de l'Orient on peut donc regarder comme certain que la fondation de Palætyr avait précédé celle de la Tyr insulaire. Mais faut-il conclure que cette ville fût située sur le continent, vis-à-vis l'île de Tyr, et formât la partie la plus considérable de cette métropole de la Phénicie? C'est ce que je ne saurais admettre: parce que, si je ne me trompe, aucun passage des auteurs anciens, entendu comme il doit l'être, ne confirme cette assertion. Tous ces écrivains s'accordent à reconnaître que Palætyr était placée à quelque distance de Tyr. Scylax et Strabon estiment à trente stades l'intervalle qui séparait ces deux villes. Le passage de Pline, que M. Movers cite avec confiance, à l'appui de son hypothèse, me paraît tout à fait contraire à cette opinion. Je vais transcrire ce passage en entier, afin de mettre mes lecteurs à même de

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prononcer eux-mêmes sur cette question importante1. Tyrus, quondam insula, præalto mari septingentis passibus divisa, nunc vero Alexandri oppugnantis operibus continens, olim partu clara, urbibus genitis : Lepti, Utica, et illa Romani imperii æmula, terrarum orbis avida, Carthagine; etiam Gadibus extra orbem conditis. Nunc omnis ejus nobilitas conchylio atque purpura constat. Circuitus x1x mille pass. est, intra Paletyro inclusa. Oppidum ipsum xx11 stadia obtinet. « Tyr était jadis une île placée en pleine mer, à sept cents « pas du rivage. Elle se trouve aujourd'hui jointe au continent, par suite << des travaux que fit exécuter Alexandre, à l'époque où il faisait le siége « de cette place. Elle fut autrefois célèbre par sa postérité2, c'est-à-dire « par les villes auxquelles elle donna naissance, telles que Leptis, Utique, << et cette Carthage, émule de l'empire romain, et qui aspirait à la conquête « de l'univers. Elle avait même fondé Gades, au delà des limites du monde. «Le circuit de Tyr était de dix-neuf milles, en y comprenant Palætyr. «La ville seule occupait un espace de vingt-deux stades. » Si je ne me trompe, ce passage indique d'une manière assez claire que Palætyr ne formait pas une partie intégrante de la ville de Tyr. Le naturaliste latin établit évidemment une différence entre la ville de Tyr, circonscrite dans l'étroit espace de vingt-deux stades, et le territoire de cette même capitale, qui s'étendait le long du rivage jusqu'à Palætyr, et qui, si on y comprenait cette place, embrassait un espace de dix-neuf milles, où la ville de Tyr elle-même occupait une bien faible portion, qui se réduisait à un circuit de vingt-deux stades. Le passage de Ptoléniée, cité également par M. Movers, n'est pas, ce me semble, plus favorable à son opinion. Le géographe grec cite, il est vrai, la ville de Tyr. Puis il indique, après l'île d'Aradus, celle de Tyr, réunie au continent. Comme, dans les deux endroits, la longitude et la latitude indiquées sont absolument identiques, il me semble que Ptolémée a seulement voulu deux fois nommer Tyr, une fois comme une ville, et une autre fois comme une île.

D'autres passages viennent, d'une manière indirecte, combattre l'opinion du savant philologue. Scylax atteste qu'une rivière coulait près de Palætyr. Or il n'en existe aucune sur le terrain qui s'étend vis-à-vis de Tyr. Dans l'expédition de Salmanasar contre cette ville, presque toutes les places de Phénicie, et entre autres Palætyr, abandonnèrent l'alliance de Tyr et se soumirent au monarque assyrien. Peut-on supposer, avec quelque vraisemblance, que, si Palætyr avait été comHistoria naturalis, lib. V, cap. xvII (XIX), t. II, p. 377-379, éd. Franz. — On pourrait être tenté de lire portu, au lieu de partu, que présente le texte. Mais cette correction n'est nullement nécessaire.

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prise dans l'enceinte de Tyr, elle se fût lâchement déclarée contre cette ville, dont elle aurait formé une partie intégrante, et même la portion la plus considérable. En outre, le roi d'Assyrie, après la levée du siége, plaça un corps de troupes près des aqueducs, afin d'empêcher les Tyriens de venir y puiser l'eau nécessaire à leur consommation. Or ces aqueducs existent encore aujourd'hui vis-à-vis de Tyr, sur l'emplacement qu'aurait dû occuper Palætyr. Or, comme cette dernière ville s'était déclarée ouvertement contre Tyr, sa population aurait suffi pour défendre l'accès des aqueducs, et Salmanasar n'aurait eu aucunement besoin de laisser un corps d'observation pour repousser les Tyriens.

D'un autre côté, quand Alexandre le Grand fit demander aux habitants de Tyr la permission d'entrer dans leur ville, afin d'accomplir un vœu qu'il avait fait à Hercule, leur principale divinité, ils se montrèrent peu jaloux d'admettre dans leurs murs un hôte aussi dangereux. Ils répondirent que, si le monarque macédonien voulait s'acquitter d'un vœu en l'honneur d'Hercule, il pouvait satisfaire à ce vœu dans le temple que renfermait la ville de Palætyr. Or, je le demande, si cette ville avait été située vis-à-vis de Tyr et en avait formé la partie essentielle, les habitants de cette île auraient-ils ainsi eux-mêmes abandonné à leur ennemi la plus belle portion de leur enceinte et consenti tranquillement à voir le temple de leur principale divinité envahi par des étrangers, et peut-être livré à la profanation? On conçoit plutôt la réponse des Tyriens, si l'on fait réflexion qu'il s'agissait d'une ville placée sur le continent, à quelque distance de leur île, d'une ville, déjà, en grande partie ruinée, et dont les habitants leur avaient, dans une circonstance importante, donné des preuves de malveillance et d'hostilité.

En quel endroit faut-il donc placer l'ancienne ville de Palætyr? Je n'hésite pas à adopter l'opinion de M. de Bertou, qui pense que cette ville occupait le terrain où se trouve encore aujourd'hui un lieu nommé Adloun, dans le voisinage duquel on voit un grand nombre de tombeaux taillés dans le roc. En effet, cette assertion me paraît s'accorder très-bien avec les faits de l'histoire et avec le témoignage des auteurs anciens. Nous avons vu plus haut que, suivant le rapport de Pline, le territoire de Tyr, en y comprenant la ville de Palætyr, embrassait un circuit de 19 milles. Dans cette hypothèse, rien n'empêche de croire que la banlieue de Tyr se prolongeait jusqu'à Adloun, et que le terrain intermé diaire était couvert de champs cultivés, de maisons de campagne, qui formaient les dépendances de la métropole de la Phénicie. Scylax, décrivant le rivage de cette contrée, s'exprime en ces termes: Tugías 'Scylacis Periplus, p. 303-304, éd. Gail.

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