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me, qui cft la Mere de cette belle fille, a ce femble eu fi peur, que quelque chofe ne manquât, aux pompes de fa reception, qu'elle a donné à tous les hommes vn palais pour la receuoir, mais cette belle n'abuse point des honneurs qu'on luy fait, au contraire, à pei ne est-elle arriuée à Paris, que pour les fatigues d'vne trop longue course, se sentant à l'extremité, & preuoyant fa fin, elle court à S. Cofme, S. Benoist & Seuerin pour obtenir leur benediction. Voylà tout ce que ie puis dire à la loüange de ce bel Aqueduc & de fon Hofteffe ma bonne amie: çà donc qui veut de l'eau, en voulez-vous, Meffieurs, ie vous la garantis de fontaine sur la vie ; & puis vous fçauez que ie fuis,

Voftre feruiteur.

A V TRE

SVR L'OMBRE QVE FAISOIENT

DES AR BRÉS DANS L'EA V.

LETTRE VII.

ONSIEVR,

Le ventre couché fur le gason d'vne riuiere, & le dos eftendu fous les branches d'vn faule qui fe mire dedans, ie voy renouueller aux arbres l'hiftoire de Narciffe ; cent peupliers precipitent dans l'onde cent autres peupliers, & ces aquatiques ont efté tellement épouuentez de leur cheute,qu'ils tremblent encores tous les fours du vent qui ne les touche pas, ie m'imagine que la nuict ayant noircy toutes chofes, le Soleil les plon

ge dans l'eau pour les lauer: mais que dirayic de ce miroir fluide, de ce petit monde renuerfé, qui place les chefnes au deffous de la mouffe, & le Ciel plus bas que les chefnes? Ne font ce point de ces Vierges de iadis me tamorphofées en arbres, qui defefperées de

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fentir encore violer leur pudeur par les baifers d'Apollon, fe precipitent dans ce fleuue la tefte en bas? ou n'eft-ce point qu'Apollon luy-mefme offenfé qu'elles ayent ofé proteger contre luy la fraischeur, les ait ainfi pendues par les pieds? Aujourd'huy le poiffon fe promene dans les bois: & des forests entieres font au milieu des eaux fans fe moüiller; vn vieil orme entr'autres vous feroit rire, qui s'eft quafi couché iufques deffus l'autre bord, afin que fon image prenant la mefme posture, il fit de son corps & de son portrait va hameçon pour la pefche: l'onde n'eft pas ingrate de la vifite que ces faules luy rendent; elle a percé l'Vniuers à iour, de peur que le vafe de fon lict ne foüillat leurs rameaux, & non contente d'auoir formé du cristal auec de la bourbe, elle a vouté des Cieux & des Aftres par deffous, afin qu'on ne pût dire que ceux qui l'estoient venus voir euffent perdu le iour qu'ils auoient quitté pour elle : maintenant nous pouuons baiffer les yeux au Ciel, & par elle le lour fe peut vanter que tout tout foible qu'il eft à quatre heures du matin, il 'a pourtant la force de precipiter le Ciel dans des abîmes : mais admirez l'Empire

que

SVR L'OMBRE DES ARBRES, &c. 41 que la baffe region de l'ame exerce fur la haute, apres auoir découuert que tout cemira ce n'est qu'vne imposture des fens, ie ne puis encore empefcher ma veuë de prendre au moins. ce Firmament imaginaire pour vn grand lac fur qui la terre flote; le Roffignol qui du haut d'vne branche se regarde dedans, croit cftre tombé das laRiuiere:Il eft au fomet d'vn chefne & toutefois il a peur de fe noyer; mais lors qu'apres s'eftre affermi de l'oeil & des pieds, il a diffipé fa frayeur, fon portrait ne luy paroiffant plus qu'vn riual à combatre, il gafouïlle, il éclate, il s'égofille,& cét autre Rossignol,fans rompre le filence, s'égofille en aparance come luy ; & trompe l'ame auec tant de charmes qu'on fe figure qu'il ne chante que pour le faire ouyr de nos yeux; ie pense méme qu'il gazoüille du gefte, & ne pouffe aucun fon dans l'oreille afin de refpondre en méme temps afon ennemy, & pour n'enfraindre pas les loix du pais qu'il habite, dont le peuple eft muet; la perche, la dorade, & la truite qui le voyent, ne fçauent fi c'eft vn poisson vestu de plumes, ou fi c'eft vn oiseau dépouillé de son corps; elles s'amaffent autour de luy, le confiderent comme vn monftre, & le brochet

F

(ce tyran des Riuieres) jaloux de rencontrer vn Eftranger fur fon Trône, le cherche en le trouuant, le touche & ne le peut fentir, court apres luy au milieu de luy mefme, & s'étonne de l'auoir tant de fois trauerfé fans le bleffer: moy-mefme i'en demeure tellement confterné que ie fuis contraint de quitter ce tableau. le vous prie de fufpendre fa condamnation, puis qu'il eft malaifé de iuger d'vne ombre: car quand mes antoufiafmes auroient la reputation d'eftre fort éclairez, il n'eft pas impoffible que la lumiere de celuy-cy foit petite, ayant efté prise à l'ombre: & puis,quelle autre chose pourrois-je ajouter à la description de cette Image enluminée, finon que c'eft vn rien visible, vn cameleon fpirituel; vne nuit, que la nuit fait mourir, vn procez des yeux & de la raifon, vne priuation de clarté que la clarté met au jour ; enfin que c'eft vn esclaue qui ne manque non plus à la matiere, qu'à la fin de mes lettres,

Voftre feruiteur, &c.

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