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ORIGINE DU SURNOM

DE CHRYSOPOLIS

DONNÉ A LA VILLE DE BESANÇON

A PARTIR DU NEUVIÈME SIÈCLE.

Ceux qui connaissent les monuments écrits de l'histoire de Besançon savent que, pendant plusieurs siècles du moyen âge, cette ville a été fréquemment appelée Chrysopolis, denomination empruntée à la langue grecque et signifiant Ville d'or.

Le plus illustre des archevêques de Besançon, Hugues de Salins, qui pontifiait dans la période moyenne du xr° siècle, faisait inscrire le mot CRISOPOLIS au revers de ses monnaies1 et joignait fréquemment à son titre d'archevêque le déterminatif CRISOPOLITAN VS. Sur le sceau qui authentique l'un de ses actes les plus solennels, il est appelé CRISOPOLITANVS ARCHIP(r)SVL. Toutefois si, dans ce diplôme et dans plusieurs autres, Hugues de Salins s'intitule archevêque de la sainte Église crisopolitaine, il conserve habituellement à la ville son vieux nom géographique, se servant, pour dater ses actes, des formules:

1. Plantet et Jeannez, Essai sur les monnaies du comté de Bourgogne, 1855, in-4, pl. III, fig. 1.

2. Ce sceau, apposé en placard au bas d'un diplôme conservé aux Archives du Doubs et qui paraît remonter à l'an 1036, est le plus ancien monument de la série épiscopale des sceaux dont il existe des empreintes dans les dépôts d'archives de France. J'en ai publié pour la première fois l'image dans la Revue archéologique (1 série, t. XII, 1855, pl. 263). Depuis, il en a été donné d'autres dessins par Édouard Clerc (Essai sur l'histoire de la Franche-Comté, t. I, 2o édit., p. 280) et par M. Jules Gauthier (Mémoires de l'Académie de Besançon, année 1878, p. 128).

Acta Vesuntii1, Actum Bisuntii2, Acta Bisuntio3. Une exception cependant est à signaler; elle concerne un acte du même archevêque où se lit la formule: Hacta Crisopoli1. D'autre part, Hugues de Salins usait, pour sa juridiction métropolitaine, d'un sceau qui lui donnait la qualité de BISVNTIENSIS METROPOLITANVS. On peut estimer ainsi que, même à l'époque où le surnom de Chrysopolis était le plus en vogue pour désigner Besançon, le vieux nom de la ville, plus ou moins déformé, conservait toute sa valeur géographique, et que Chrysopolis était, relativement au mot Vesontio, ce qu'est encore la qualification de Ville éternelle, qui alterne si fréquemment avec le nom de Rome sans jamais l'éclipser.

Ce surnom de Chrysopolis, qui fut surtout en honneur à l'époque de la plénitude du pouvoir temporel des archevêques de Besançon, a donné lieu, quant à la recherche de son origine, aux conjectures les plus divergentes et parfois les plus étranges.

Antérieurement aux chroniqueurs et aux historiens de la Franche-Comté, le narrateur légendaire de l'invention des reliques de saint Ferréol et de saint Ferjeux disait que Besançon, appelée dès l'antiquité Chrysopolis, devait ce vocable à l'admiration qu'inspiraient la beauté de son site et la parure de ses monuments 6.

Une explication aussi naïve n'était pas de nature à satisfaire l'érudition romanesque du plus ancien de nos chroniqueurs. On jugera de cette érudition par les lignes suivantes, empruntées aux Mémoires historiques de la République séquanoise : « Indubitablement », écrivait Louis Gollut, « Besançon hat estée longtemps avant la venue de Cæsar et des Romains, et florissoit desjà entre toutes quand Brennus passat à la guerre d'Italie près de quatre cens ans avant l'eage de Cæsar. Et disent quelques-uns que Constantinople fut nommée Bisantium du nom de ceste-cy, par Comontoire, roy de noz Senois, qui haïans combattu et haïans

1. Dunod, Hist. de l'Église de Besançon, t. I, preuves, p. xxxvi.

2. Ibid., p. L.

3. Grandidier, Hist. d'Alsace, t. I, pièces justif., p. CCXLIV.

4. Ibid., p. CCXLII.

5. Jules Gauthier, Note sur quatre sceaux des archevêques de Besançon, dans les Mémoires de l'Académie de Besançon, année 1879, pl. I.

6. Acta sanctorum junii, t. III, p. 11.

7. Mémoires de la République séquanoise, Dole, 1592, in-fol., p. 43.

perdu leur roi Brennus devant Delphos (1800 ans avant que les Turcz s'en feissent seigneurs) bastirent, tout au plus près de la ville, une place nommée Chrysopolis, comme nostre Besançon s'appelle autrement. Et comme elle se trouvoit la plus forte place des Séquanois....., le gouverneur de la grande province séquanoise y logeoit et y recepvoit les deniers publiques des gabelles et autres revenus que les Romains prenoient, mesmement des mines d'or et d'argent qu'ilz fouillèrent pendant les cinq cens ans de leur empire: ce que pourroit estre cause du nom de Chrysopolis qui luy fut doné puis après, plus tost pour un épithète que pour nom propre. »

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Dans les lignes que nous venons de transcrire, un seul mot est à prendre en considération, celui de la fin il est incontestable, en effet, que le surnom de Chrysopolis ne supplanta jamais le nom propre de Besançon.

Jean-Jacques Chiflet, qui écrivit avec plus de ferveur patriotique que de sens réfléchi l'histoire de sa ville natale, ne propose pas moins de quatre raisons possibles du plus brillant des vocables employés pour désigner Besançon 1. Il se pourrait, dit-il, que les saints apôtres Ferréol et Ferjeux, qui parlaient la langue grecque, puisque leur histoire légendaire les fait venir d'Athènes, aient employé le mot Chrysopolis en s'extasiant sur les beautés naturelles du site de Vesontio : cependant, ajoute bien vite Chiflet, des hommes morts au monde, obligés de se cacher dans des cavernes pour échapper à la persécution, n'auraient guère été en situation de modifier le nom d'une ville. L'hypothèse des mines d'or se présente ensuite à l'esprit imaginatif de notre historien: les écrivains grecs disent qu'il existait des gisements aurifères dans les Gaules, et plusieurs villes de l'Orient avaient été appelées Chrysopolis en raison d'un tel voisinage. L'une des villes ainsi nommées n'est pas loin de Constantinople, qui auparavant s'appelait Bysance : d'où il y aurait lieu de penser, à la suite de Louis Gollut, que Byzantium et Chrysopolis étaient deux appellations corrélatives, et qu'elles avaient été transplantées depuis la Séquanie sur les rives du Bosphore de Thrace par des Séquanes compagnons de Brennus. Enfin, ne pourrait-on pas supposer qu'au temps de la splendeur romaine de Vesontio, les

1. Vesontio civitas imperialis libera, Lugduni, 1618, in-4: pars prima, pp. 51-54.

portes de cette ville auraient été dorées, et que de là serait venu le surnom de Chrysopolis?

On comprend que nous n'usions pas de la liberté de choisir entre ces quatre étymologies. Leur ingénieux auteur n'avait lui-même de préférence marquée pour aucune d'elles aussi, trois ans après la publication de son Vesontio, communiqua-t-il au public, dans sa dissertation sur le lieu où s'était tenu le concile d'Epaone1, une cinquième induction concernant l'origine du surnom de Chrysopolis donné à Besançon. Cette induction, qui procédait de son docte ami Jean Savaron, est présentée par Chiflet comme une simple conjecture à ajouter aux siennes. Nous verrons plus loin qu'elle méritait d'être prise en plus sérieuse considération.

Une preuve de la valeur de cette hypothèse ressort de sa concordance avec celle qu'émit plus tard, au sujet de la même question, Hadrien de Valois, l'une des gloires de l'érudition française au XVIIe siècle. Sans avoir eu connaissance de l'idée de Savaron, l'auteur de la Notitia Galliarum a compris d'une façon très approximativement identique la solution du problème. Ce qu'il a écrit à ce sujet pourrait être traduit dans les termes suivants : << Il y avait une monnaie d'or, à l'effigie des empereurs d'Orient, laquelle, du nom de Byzance, ou Constantinople, lieu de sa fabrication, était appelée par les Grecs byzantius ou byzantinus, et qui chez nous se disait un besan d'or. L'analogie qui existait entre le nom grec de la monnaie et celui de la ville de Byzance se retrouvait entre le mot besan, nom français de la monnaie, et celui de la ville de Besançon on fut conduit ainsi à appeler Besançon la ville des besans, surnom qui avait pour équivalent grec Chrysopolis, ou Ville d'or 2. » Le raisonnement analogue

1. De loco legitimo concilii Eponensis observatio, Lugduni, 1621, in-4°, pp. 10 et 11.

2. « Caussam nominis cum requiro, hanc reperio. Vesontionem Ammianus Marcellinus Besantionem, Carolus Magnus Bisancion, Notitia quædam Galliarum Besantiacum appellat, Nostri Besançon. Nummus autem erat aureus, a Byzantio seu Constantinopoli, ubi percutiebatur, Byzantius vel Byzantinus dictus Græcis, Nostris un Besan d'or, Imperatoris Orientis vultu signatus. Ut autem Besantio et Bisancio ad Byzantium huncce aureum vel (ut Nostri linguæ Græcæ ignari scribebant) Bisantium, sic Besançon ad Besan proximè accedit. Inde factum est, ni fallor, ut Nostri crediderint Besantionem vel Besançon idem esse, atque urbem Byzantiorum vel Bisantiorum, la ville des Besans, et ut ab aureis istis Græco nomine Chrysopolin, sive auream civitatem, appel

de Savaron est encore plus persuasif, comme nous le verrons tout à l'heure.

Les solutions proposées par Savaron et par Hadrien de Valois n'eurent aucune influence sur les érudits de la Franche-Comté qui s'occupèrent après eux du problème.

Le jésuite Pierre-François Chiflet, frère puîné de Jean-Jacques, préposé par Colbert à la garde du médaillier de France, produisit, dans les dernières années de sa verte vieillesse, une dissertation par laquelle il essaya de démontrer que la conversion de Constantin au christianisme s'était faite à Besançon. Pour ce motif la ville aurait éprouvé les bienfaits de la famille de Constantin, et Pierre-François Chiflet en trouvait une preuve dans le surnom de Chrysopolis donné à Besançon. En effet, une Notice des Gaules, publiée par Joseph Scaliger et certifiée par lui comme contemporaine d'Honorius, renfermait le passage suivant: Sequanorum metropolis civitas Crispolinorum, id est Vesontio. « Si, à cette époque reculée, les Bisontins étaient appelés Crispolins, leur ville devait se nommer Crispolis ou Crispopolis (c'est-àdire ville de Crispus, fils de Constantin).....; mais l'ignorance des âges suivants fut séduite par l'idée de donner à ce nom un sens ayant de l'analogie avec l'éclat de l'or, et l'on se mit à appeler Besançon Chrysopolis, c'est-à-dire Ville d'or1. » La même doctrine fut réinventée ou simplement rééditée par le judicieux Dunod, fort mal inspiré en cette circonstance. « Crispolis », écrivit-il, « c'est au lieu de Crispopolis, Ville de Crispus, en retranchant une syllabe qui auroit mal sonné à l'oreille : d'où je conclus que c'est Crispus, fils de Constantin, qui a donné son nom à Besançon, comme Constantin a donné le sien à Bisance, appelée dès lors Constantinopolis. » Cette conclusion avait le principal tort d'être basée sur l'une des nombreuses interpolations modernes d'un texte dont Hadrien de Valois avait hautement signalé la faussetė 3.

laverint. » (Hadriani Valesii Notitia Galliarum, Parisiis, 1675, in-fol., p. 599.) 1. Petri - Francisci Chiffletii, Vesontionensis, dissertationes tres, Parisiis, 1676, in-8°. De loco, tempore et cæteris adjunctis conversionis magni Constantini ad fidem christianam; dissertatio II, cap. ¡v : « A Crispo dicta Vesontio civitas Crispolinorum, » pp. 182-184.

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2. Histoire du comté de Bourgogne, t. I, pp. 115-116.

3. Hanc notitiam quam Scaliger cum veteribus codicibus collatam emendatamque esse putat... ego recentissimam ac mendosissimam judico. » (Notitia Galliarum, pp. 519 et 520.)

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