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publié quelques-uns. Boutaric leur a consacré une étude dans le tome XX des Notices et extraits des manuscrits1.

Si nous considérons les actes où il est question de la noblesse de haute Bourgogne et si nous les comparons aux actes de confédération que nous avons analysés, nous trouvons quelques rapports entre eux. En 1314, comme en 1294 et 1295, les alliés nomment un conseil dirigeant duquel relève l'administration de la ligue et du pays tout entier. Les confédérés s'engagent à exécuter ses ordres et à se rendre aux assemblées qu'il convoquera.

Cependant il faut remarquer : 1o que la liste des nobles est beaucoup plus étendue dans les actes de 1314 que dans les actes d'alliance précédents; 2° que le clergé y est largement représenté2, alors qu'il figurait à peine dans les confédérations antérieures; 3o que la bourgeoisie de quelques villes3, peu nombreuse il est vrai, semble adhérer à la ligue.

Nous avons observé que la bourgeoisie franc-comtoise avait été favorable à Philippe le Bel; elle lui restera fidèle en ces circonstances. Les communes bourguignonnes dont nous lirons les noms dans les actes de 1314 appartiennent toutes au duché de Bourgogne; encore Boutaric doute-t-il de la réalité de leur adhésion1, leurs sceaux ne se trouvant pas au bas des actes.

Si nous parcourons la liste des nobles bourguignons confédérés en 1314, nous y retrouverons quelques-uns des noms qui nous sont connus Jean de Châlon-Auxerre, Henri de Vergy, sire de Fonvens, les sires de Raon, de Châteauvillain, de Rayl, de Chauvirey, de Pesmes, Humbert et Thiebaut de Rougemont. Il est remarquable qu'à l'exception du comte de Châlon-Auxerre, aucun des confédérés de 1295 ne soit nommé. Auraient-ils hésité à entrer dans l'alliance par crainte du roi ou par reconnaissance pour les bienfaits acceptés depuis la paix ?

Beauvaisis, Artois, Ponthieu, avec les trois ordres de Bourgogne, ap. Notices et extraits des mss., XX, 220-225.

1. P. 216 et suivantes.

2. 19 abbés, 7 prieurs et 7 doyens de chapitre ont adhéré à l'alliance entre le clergé, la noblesse et les communes de Bourgogne.

3. Autun, Châlon, Beaune, Dijon, Châtillon-sur-Seine, Sémur, Mombar, Saint-Jean-de-Losne, Flavigny, Nays et Avallon.

4. « Les nobles, pour rendre leur cause populaire, avaient-ils non pas précisément supposé l'adhésion du tiers état, mais transformé des mécontentements secrets en plaintes ouvertes et en actes de rébellion? » Notices et extraits des mss., XX, 219.

Boulainvilliers a vu, dans les actes scellés par les confédérés de 1314, « les derniers titres de notre liberté1. » C'est peut-être beaucoup dire. Ils nous représentent en tous cas une éclatante manifestation de l'opposition des provinces ayant vie et coutumes à elles, jalouses de leur autonomie, et des trois états de la nation attachés à leurs privilèges et à leur indépendance, contre l'administration royale, qui fatalement tendait à tout régir, et dans son besoin de centralisation à transformer la France entière sur un modèle uniforme.

Les confédérés eurent d'abord recours aux négociations. Ils firent des représentations au roi. Le roi répondit que nul n'avait à lui apprendre jusqu'où s'étendaient ses droits, qu'il ne changerait rien à ce qu'il avait ordonné, et qu'il était assez puissant pour réduire les rebelles 3. Philippe le Bel parla et agit. Mais, devant une résistance qui grandissait de jour en jour, il se décida à suspendre la levée d'un impôt qui avait soulevé tant de colères 5. Nous connaissons assez l'habile et énergique roi de France pour pouvoir affirmer que déjà il se disposait à reprendre de la main gauche ce qu'il avait cédé de la main droite, lorsqu'il mourut, jeune encore, en pleine force et vigueur. Son successeur n'avait pas la même poigne. Louis le Hutin se laissa entraîner par un mouvement de réaction contre le gouvernement du règne précédent qu'il était incapable de comprendre. Il rapporta en bloc les ordonnances de son père dont se plaignaient les confédérés ". L'agitation se calma.

Le 6 juin 1315, les barons de haute Bourgogne qui s'étaient reconnus hommes liges du roi de France faisaient remettre au chancelier Étienne de Mornay des lettres par lesquelles ils renouvelaient à leur nouveau suzerain leur acte de foi et hommage". Philippe de Poitiers jugea le moment venu pour aller se pré

1. Op. cit., II, 94.

2. Doc., ap. Notices et extraits des mss., XX, 226.

3. Seur lesquels choses il nous fu répondu que li rois estoit bien enfourmés que ch'estoit ses drois, et que autre droit on ne nous en feroit, et que li rois estoit assez poissant de contraindre et de punir les rebelles seur ces choses. »

4. « Et depuis munstré de faict et par manaches que les choses dessus dites

il voloit avoir de volenté et par forche et non mie par droit. >>

5. Nat. de Wailly, Mém. de l'Acad. des inscript. et belles-lettres, XVIII, 501. → 6. Boutaric, Notices et extraits des mss., XX, 220.

7. Doc., ap. D. Bouquet, XXII, 769.

senter avec sa femme à ses nouveaux sujets. Une députation de la noblesse franc-comtoise vint le recevoir à la frontière1.

La confédération formée en 1314 par les seigneurs bourguignons eut une vie plus longue que les confédérations auxquelles elle s'était unie. Nous ne nous en étonnerons pas. Nous savons à présent qu'en pays de Bourgogne ces « alliances » étaient presque passées à l'état d'institution.

Cette rapide histoire d'une première conquête de la FrancheComté est loin d'être complète. Nous avons omis les négociations que Philippe IV poursuivit avec les souverains allemands, Adolphe de Nassau, Albert d'Autriche et Henri de Luxembourg, au sujet de la province d'Empire qu'il envahissait. Nous avons laissé dans l'ombre les efforts tentés par le roi pour l'organisation du pays et son assimilation au domaine de la couronne. Mais notre article occupe dans la Bibliothèque une place qui n'est déjà que trop considérable, et nous n'avons pas voulu sortir d'un sujet nettement délimité.

En terminant, nous devons relever la mesure et la précision que Philippe le Bel apporta dans tous ses actes au cours de cette œuvre de conquête.

Combien sa politique est éloignée de cette manière de faire raide et anguleuse qu'on a coutume de lui prêter!

L'historien Léopold Rankė aurait-il raison lorsqu'il écrit : << Philippe IV savait que ses actes étaient en harmonie avec la nature des choses? »?

C'est ce que nous nous proposons de rechercher ailleurs.

Frantz FUNCK-BRENTANO.

(Les pièces justificatives seront publiées dans un de nos prochains cahiers.)

1. Piépape, I, 62.

2. « Er wusste dass er im Bunde mit der Natur der Dingen war. » Französische Geschichte, I, 45.

LES MANUSCRITS

DES FONDS LIBRI ET BARROIS

RAPPORT

A M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,
DES CULTES ET DES BEAUX-ARTS'.

Monsieur le ministre,

Londres, le 23 février 1888.

Dans un rapport adressé à l'un de vos prédécesseurs, M. Jules Ferry, le 28 juin 1883, j'ai eu l'honneur d'exposer l'origine, la marche et le résultat des négociations entamées à cette époque au sujet de manuscrits jadis dérobés à nos bibliothèques publiques et arrivés chez le feu comte d'Ashburnham, avec les collections de Libri et de Barrois.

Le Musée britannique se proposait alors d'acquérir tous les manuscrits d'Ashburnham-Place moyennant une somme de 160,000 livres sterling (4,000,000 de francs). Si l'acquisition avait été faite dans ces conditions, l'administration du Musée britannique aurait consenti à nous rétrocéder pour 600,000 fr. un lot de 166 manuscrits, qui, d'après des indices plus ou moins probants, paraissaient provenir de vols commis dans nos bibliothèques ou dans nos archives. L'estimation en avait été faite contradictoirement par les représentants de votre ministère et par ceux du Musée britannique. Elle avait été reconnue équitable par

1. Ce rapport a été publié dans le Journal officiel du samedi 25 février 1888.

une commission que présidait M. Durand, alors sous-secrétaire d'État, sur l'avis de laquelle M. Jules Ferry fit signer par M. le Président de la République un projet de loi portant ouverture d'un crédit de 600,000 fr., destiné au rachat des manuscrits Libri et Barrois.

Sur ces entrefaites, le gouvernement anglais décida qu'il n'y avait pas lieu d'allouer les fonds nécessaires pour acquérir l'ensemble des collections du comte d'Ashburnham.

Nous dûmes alors renoncer à nos projets; mais un résultat important avait été obtenu.

Le conseil des Trustees du Musée britannique, en reconnaissant que les manuscrits réclamés par nous n'auraient pas dû sortir des bibliothèques de la France, et qu'il fallait laisser aux Français le moyen de les recouvrer, avait, en quelque sorte, déclaré que l'origine de ces manuscrits ne permettait à personne de les acquérir sans s'exposer à paraître complice d'un acte malhonnête. Cette opinion fut généralement acceptée en Allemagne, où elle trouva un défenseur convaincu et autorisé dans un éminent professeur de Goettingue, le docteur Paul de Lagarde1. Les publicistes des États-Unis l'accueillirent avec non moins de sympathie, comme l'attestent les articles de journaux américains recueillis en 1884 par feu Harrison Wright. Elle reçut une consécration, pour ainsi dire officielle, le 15 mai de la même année, quand le comte d'Ashburnham, qui jusque-là avait refusé de scinder ses fonds de manuscrits et de mettre à part les articles d'origine suspecte, fut amené à vendre au gouvernement italien, représenté par M. le sénateur Villari,« tous ses manuscrits de la collection Libri, moins les manuscrits réclamés par la France3. »

1. Nachrichten von der K. Gesellschaft der Wissenschaften und der GeorgAugusts-Universitæt zu Gættingen. 15 januar 1884. K. Gesellschaft der Wissenschaften. Die Handschriftensammlung des Grafen von Ashburnham. Von Paul de Lagarde. In-4° de 19 p.

2. The manuscripts of the earl of Ashburnham. Remarks of American newspapers. Wilkes-Barre, 1884. In-8° de 23 p.

3. L'engagement du comte d'Ashburnham est textuellement inséré dans le document parlementaire intitulé: Atti parlamentari. Camera dei Deputati. Relazione della commissione... sul disegno di legge presentato del ministro dell' istruzione pubblica... il 12 giugno 1884. Acquisto e trasporto dei Codici italiani della biblioteca Ashburnham. Seduta del 17 giugno 1884. Tip. della Camera dei Deputati. In-fol, de 85 p.

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